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Revue Celtique 18 (1897)
Études Corniques
Joseph Loth
27-12-1847 Ar Gemene,
Morbihan, Breizh
01-04-1934 Paris, France
ETUDES CORNIQUES
Le cornique est la plus négligée des trois langues brittoniques, pour
diverses causes : il n'a pas d'originalité littéraire; il présente, au moins à
première vue, peu de phénomènes linguistiques ou de formes qui ne se
retrouvent en gallois ou en breton ; son orthographe est rebutante et
nécessite une étude sérieuse de l'orthographe du moyen-anglais et de
l'anglais moderne dans sa période d'évolution, étude ardue même après les
savants travaux de Sweet, Skeat et de bien d'autres, mais son plus grand tort
incontestablement, c'est qu'il est mort. Cinq minutes de conversation avec un Cornishman sachant clapier Kernowac (parler cornique)
m'eussent suffi pour trancher certains problèmes qu'il m'a fallu aborder en
préparant la deuxième partie de ma Chrestomathie
bretonne consacrée au cornique, et que je ne me flatte pas d'avoir
résolus en dépit de longues statistiques et de fastidieuses recherches. Aussi, soit dit en passant, ne peut-on que
constater avec autant d'étonnement que de regret l’indifférence de beaucoup
de celtistes pour les langues celtiques vivantes. L'analyse attentive et
minutieuse de ces langues formerait une base solide aux recherches de linguistique historique
et préserverait de lourdes erreurs ;
ce serait aussi un puissant moyen d'investigation. Il ne faut pas s'en
laisser imposer par les termes de
vieil-irlandais, de vieux-breton ; l'irlandais moderne, le breton moderne pourraient à plus juste titre
prétendre à ce précieux qualificatif
de vieux, car ils ont mille ans de plus d'expérience et d'aventures linguistiques.
Les regrets que peut nous causer l'extinction
du cornique
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402 Études corniques. J. Loth.
sont, en partie, atténués par le fait que les deux langues
brittoniques vivantes en sont très voisines, le breton surtout qui forme avec le cornique un groupe si
intime qu'on peut les considérer comme
deux dialectes voisins d'une même
langue. Le cornique moyen était incontestablement moins éloigné du breton-armoricain pris dans son
ensemble que le breton de Quiberon ne
l'est actuellement de celui de SaintPol-de-Léon. Un Breton bretonnant,
sachant du breton moyen, j'en ai fait
plus d'une fois l'expérience sur nos étudiants, sait d'avance la grammaire
cornique, en pénètre facilement les idiotismes, arrive sans grand effort à
s'assimiler le vocabulaire de la
langue, abstraction faite des mots anglais, et n'est arrêté sérieusement que par
l'orthographe qui lui dissimule souvent la valeur réelle des sons.
Malgré son intimité avec le breton, le cornique présente cependant un certain nombre de traits
particuliers. Il en est un qui dès
l'abord le sépare nettement du gallois et du breton, c'est l'assibilation de l'explosive
dentale.
I. ASSIBILATION DE L’EXPLOSIVE DENTALE.
Le cornique étant mort, si on veut rétablir la valeur réelle de l'explosive dentale et reconstituer son
histoire, on est obligé de recourir
aux indications de l'orthographe et au témoignage des grammairiens. Mais l'orthographe fondée sur celle du
moyen-anglais est variable comme cette dernière et, au point de vue qui nous occupe, ses données sont
insuffisantes. Quant aux
témoignages des grammairiens, en écartant ceux qui sont à bon droit suspects, on ne peut guère
faire fond que sur les renseignements
précieux mais incomplets et quelquefois contradictoires de Lhwyd. Aussi
l'histoire des phénomènes d'assibilation de la dentale est-elle moins limpide
et plus complexe qu'on ne se le figure ordinairement, malgré de judicieuses observations d'Ebel et d'utiles
remarques de M. Whitley Stokes.
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403 Études corniques.
J-Loth.
Ebel a résumé ses travaux sur la matière dans la Gramm. Celt. (2), pp. 153-154; 171 (cf. Kuhn
Beiträge, V, p. 150 et suiv.).
Nous lisons, p. 153, que dans le groupe -nt,
t reste ou, le plus souvent, comme
c'est la règle pour lt, se
change en s; p. 154, que t final
devient s, en exceptant le Vocab.
corn, du XIIIe siècle; qu'au milieu des mots t se change en d, mais la plupart du temps en s, lequel s, vers le déclin du cornique, s'écrit aussi ĝ(dj). Page 171, Ebel signale encore le passage de t à s, de d à g (chy = ty, maison; geyth, jour, = deyth).
Les matériaux corniques se sont enrichis depuis Ebel notamment par la
publication de Bewnans Meriaseck.
J'ai, en outre, étudié avec soin les
débris du cornique moderne que l'on
trouve dans l’Archaeologia de Lhwyd
et, avec circonspection, ceux que nous a transmis Pryce. Il y a au point
de vue du cornique moderne des lacunes
que je comblerai bientôt.
Les noms de lieux actuels seraient des plus décisifs en la matière, s'ils avaient été recueillis d'une
façon plus méthodique et si on avait une idée plus exacte de leur
prononciation. Les chartes, pour la
période antérieure au XVe siècle, sont assurément fort utiles, mais je n'ai à
ma disposition qu'une partie de celles
qui ont été publiées.
J'étudie successivement l'explosive dentale à la finale, à l'initiale, à l'intérieur du mot. Un
paragraphe est consacré à l'explosive
dentale en construction syntactique.
§ 1er. — EXPLOSIVE DENTALE FINALE.
Les seuls cas où l'assibilation se produise sont ceux où la dentale est précédée d'une voyelle ou de -n ou -l. L'explosive dentale
finale néo-celtique, en gallois et en
breton, est -t ou d : à la finale réelle, quand t ne se
trouve pas en liaison syntactique avec
un mot suivant, la quantité de la
voyelle précédente peut influer sur la qualité de la dentale finale et en faire une sourde ou une
sonore. Le fait est bien connu en
breton; en vannetais, on peut même le constater dans l'écriture.
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404 Études corniques. J-Loth.
En cornique moyen, t final est
devenu, dans l'écriture, s. L'évolution a commencé dans les groupes -nt et -It. On a déjà
régulièrement -ns et -Is dans le Vocabul. corn, du
XIIIe siècle. Dans tout autre
cas, au contraire, ce document nous
montre t final intact. On ne peut
citer qu'une seule exception : bros,
aiguillon = breton broud, gallois brwyd, pointe (pour la diphtongue, cf. eglos = eglwys, etc.). Le Domesday-Book
ne présente pas, à ma connaissance, d'exemple d'assibilation pour t final, à moins qu'on ne veuille en
voir un dans le nom de lieu Boscaniant
qu'il fimt peut-être corriger en Boscarnant.
Je n'en vois pas non plus dans les Manninissions
on the Bodmin Gospel. Une charte
d'Aedelstan de 943 serait décisive pour -nt,
si elle était de l'époque à laquelle on la fait remonter : Pons-pronteryon (le pont aux prêtres)
; Pelna Gerans ; Bosseghan; mais il y a des doutes sur
l'authenticité de cette charte [1]
[1] Kemble, Chart. Saxon., V, p. 278.
Au XIVe siècle le t final précédé
de voyelle est, même dans l'écriture,
nettement s. Dans une charte de 1328
on a Ros-Moderesse (1363, Rosmodereth) : cf. Robertus Modret en 1200
dans les Rotuli Chartaruni- [2] ; Tre-Modret (Domesday-Book) 5 .
[2] Oliver, Moiuisîicon Exon., p. 11, 12; Roh. Moilrct (Roliili
charlaruiii, I, 82).
A la fin du xiii^ siècle, à côté de Lansant, Nansant, on lit Nans-fonteyn. En 1261-1297, on a
Markesion'^; et dans une charte de
Richard, roi des Romains, on a Marchadyon'i ; il est vrai que dans la même charte on rencontre
Marchas-bigan-^ .
Dans le cornique
des textes, t final, précédé de n ou / ou
d'une voyelle est écrit s. Dans les mots anglais, le / reste. Je ne vois guère à faire exception (\mc floius
= -.inghis floiiî ; fravs (Corn.
Dram., II, p. 78, Jjepfravs); tos (pzu :{os, my tôt (Beivn. Me ri il s. p. 6).
Quelle était la valeur de cet s? Lhwyd {Aich., p. 229,
2. Oliver, Moiuisîicon Exon., p. 11, 12; Roh. Moilrct (Roliili charlaruiii, I, 82).
. Le nom de Modrct, comme j'en fait la remarque, n'est •venu aux Anglo-Français, ni par les Gallois, ni par
les Bretons armoricains (vadum
Modrot). Pour le gallois lucdraui = Modrct (Modrot), cf. dcfaivd = v.
breton doiiiot, gl. ri tu m.
4. Oliver,
Monasticon, p. 32.
5. Ibid., p. .|68; pour L(///.V(;h/, etc., p. 456.
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405 Études
corniques. J-Loth.
col. i) dit que s final se prononce, de son temps, ~. On pourrait relever dans ses
propres écrits de nombreuses exceptions
à cette règle. Elles s'expliquent et par des inconséquences
inévitables, et par la position de s final, dont la prononciation devait varier suivant qu'il était devant
une sourde ou une sonore initiale suivante, en liaison phonétique; ou
peut-être qu'il était précédé d'une
voyelle brève ou d'une longue, en
finale absolue.
La prononciation ~
Çs doux) est d'ailleurs hors de doute,
assurée par un certain nombre de transcriptions chez Pryce^ et d'autres, et corroborée par la
prononciation de s initial suivi de
vo3Tlle, lequel se prononçait ;;;. Des phénomènes analogues se remarquent aujourd'hui pour s breton final,
s qui, lui, ne sort pas d'une
explosive dentale : il se prononce :;; ou tend à la sonore, quand il est en
finale réelle et si la voyelle précédente
n'est pas brève; c'est particulièrement fi"appant dans les
monosyllabes : cas, envoyer, brâ~, grand; ar hçd, le monde, c bët, au monde-. Il faut cependant ici faire
des réserves, notamment pour le haut-vannetais. Dialectalement, en breton,
s initial suivi d'une voyelle se
prononce également ;^.
Ce qui peut donner à réfléchir, c'est que Lhwyd (p. 231, col. i), fait la remarque que s ou ;;;, en
cornique de son temps, a été, dans la
prononciation, changé en d^h (dj). Il cite comme exemples à l'appui //î(i~/;, gris, moisi
=gall. lliuyd, bret. loiiet ; giïd~]j,
sang = corn, moyen goys, gall. givaed, bret. giuâd Çvannet.gîued). On rencontre également chez
Pryce3 : me a credgy (dgy = dj), je
crois, ny a pcdgye, nous prions; 'me a pidge, je prie = cornique moyen me a grès, my a bes
ou bys, me a bes.
Comment concilier les assertions de Lhwyd? Faut-il réellement croire à une
évolution successive de t final en s, puis :^, puis dj ? Evidemment non, d'après ce qui
vient d'être dit: l'écriture s (sorti
de t final) a dissimulé, en moyen cornique,
les sons dont parle Lhw3'd et leur existence simultanée. S
1 . Arch. append. : :(clio tri, trois dimanches.
2. L'accent, dans des formations comme e bet, joue un rôle important; cf. trégorrois (Botsorhicl) : an lôg, le
chapeau, avec tog accentué ; etiii toc,
un chapeau, avec ciiii accentué.
5. Arch. append. sans pagination; cf. Lhwyd, Arch., p. 251, col. i.
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406 Études corniques. J-Loth.
sorti de / est arrivé, en finale réelle, après une voyelle non palatale, ii- :(,
X français ou à peu près, un son entre :{ et j ; après une voyelle palatale, à dj. C'est
l'élément palatal qui a laissé sa
trace dans la prononciation lûdj = gall. Ihvyd. S dissimulait aussi un s
sourd ^ (palatal). Quant à la marche phonétique de ces phénomènes, elle n'est
pas impossible à suivre. J'avais
conjecturé que le t cornique avait dû commencer par être un t alvéolaire, avec la pointe de la
langue relevée vers le palais, pour
arriver à une sorte de i. M. l'abbé Rousselot, à qui j'avais soumis mon idée, l'a approuvée
en la rectifiant, et établit ainsi les
étapes de l'évolution phonétique. « Il s'agit
bien, m'écrit-il, d'un f avancé vers la région centrale du palais, mais qui n'avait pas pour cela abandonné
les dents. En un mot, c'était un /
mouillé. La surface du contact s'était élargie et la force articulatoire avait été
diminuée d'autant. Fait analogue à votre k mouillé (Ji vannerais très palatal). » L'évolution a présenté les étapes suivantes :
/; / mouillé.
1° mouvement occlusif;
2° légère ouverture.
te (t -j- quelque chose comme ch de « icb » (élément I dur).
0'
ts ts (le deuxième élément devient sifflant : ts plus den
I I tal; ts plus palatal.
s s {ch français).
Depuis cette communication de M. l'abbé Rousselot, j'ai relevé dans une charte de l'an 977 ^ un nom
de lieu dont la transcription montre
clairement que le t en question, / mouillé
se prononçait dès cette époque t\ : nant Genidor, qu'il eût fallu écrire officiellement naiit Enidor ;
c'est VEgJos Emider du Domesday Book,
et le S. Enoder actuel. Le tG représente une
transcription à peu près phonétique : cf. scint Gcnys (Denis), dans un document du temps de Henri VIII
5.
1 .
Lhwyd, Arclj., 28, 54 : calisl}, dur ; cf. Pass., p. 60, 68, augus =
aiigtiis}}.
2. Harlc, Handbook toîand ctmrtcrs, p. 295.
3. Oliver, Monaslicon, p. 27,00!. i.
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407
Études corniques. J-Loth.
L'histoire du / final, depuis le vieux-cornique jusqu'au cornique moderne est
donc claire : le t vieux-cornique était
mouillé; il aboutit par une série d'évolutions à s et s, suivant que l'élément vocalique précédent était
palatal ou non. Devenant sonores, s tx. s arrivent respectivement à :( et dj
, j, mais s eiz^ représentaient vraisemblablement
des sons intermédiaires en s Qls, X.
et j
Dans certains cas, il semble que l'explosive dentale finale soit arrivée par d mouillé à dj, j : nyedge
(=^ nidj), vole (Créât, of tbe luorïd,
1887; cf. breton nij, neyj = gallois neidia, saute. Mais ici le d mouillé final peut représenter
un son originairement développé à l'intérieur du mot; nidj a pu être
amené régulièrement par l'infinitif:
breton nij al = ncidyal, gallois
neidio. Le groupe interne J}' aboutit, en efi"et, en breton
comme en cornique à dj, j : gallois
eidion, bœuf = cornique ûdjon, odgan;
breton ijcn, bas-vannet. eyjen, haut-vannet. eyjdn ou eyjô^. L'évolution de dy interne serait
donc la même que celle de d mouillé
final, c'est-à-dire, comme le propose
M. l'abbé Rousselot :
dy
I I
d-^ dj
I I
^ y
La bifurcation en ^ ou / se serait opérée dans les mêmes conditions que pour s et s, mais en ce qui
concerne nyedge Çneys, vole, Corn. Dr., II, 188), il est à peu près
sûr que dj, j a été précédé pari (v, §
3),
Pour s, 7i dans le groupe -?is, la valeur de la sifflante a pu jusqu'à un certain point dépendre de la
qualité de la voyelle précédant n ou
/. Pour
-Is, il est sûr par des graphies comme
calge, falge^ (Bewnans Meriasek), ordinairement fais, en
1 . C'est vraisemblablement ce qui s'est produit pour les noms propres, comme Prit-geu, devenu Prijen en passant
par Pridyen (avant jod, g spirante
palatale).
2. En breton, sporadiquement, 5 dans des mots comme fais, cals est
intermédiaire entre s et 's, ^ et /.
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408
Études corniques. J-Loth.
moyen-cornique, anglais false, faux, que s, même sorti de t, a eu après / le son ts, s et /; car il ne
paraît y avoir en cornique moderne aucune différence entre s final sorti de t
et tout autre s après ;/ ou /.
Le fait que les mots anglais passés en cornique échappent, en masse, à l'assibilation, sans parler des
exemples cités plus haut, prouvent que
le / final, dès la période du vieux-cornique,
c'est-cà-dire, avant le xi^ siècle, se prononçait franchement mouillé et était en voie d'assibilation.
Dans le Vocab. corn., on remarque une
seule exception à l'assibilation de s dans le
groupe ns final : c'est oliphant. Le mot a été emprunté aux Franco-Normands. Il aurait, d'après Lhwyd
{Arch., p. 241) évolué en olifans,
mais il est fort possible que Lhwyd ait plié
le mot à la règle, comme il l'a fait dans d'autres cas.
Il n'y a pas à s'étonner que le moyen-cornique dissimule cette variété de sons sous s. Il suit l'orthographe
du moyenanglais qui varie beaucoup suivant les époques et les scribes. 5 pour sh se trouve dans la dernière partie
de Layamon et ailleurs ^ 5" est
généralement écrit pour la sourde et la sonore^. ^ d'origine latine garde sa valeur d:^^ quand
il est initial ou médial 3 et devient
ts quand il est final, notamment dans le
groupe français n:^.
§ 2, T, D
INITIAL.
En dehors de la liaison syntactique, t, d initial, même devant les voyelles palatales, reste, en
moyen-cornique, le mot ty, maison,
deyth, jour, exceptés (j = 7, comme en breton, et n'a pas la valeur de y gallois accentué dans
ty). Ti est arrivé à tsi, en cornique
moyen, d'abord en construction syntactique. Dans la Passion, en effet (Mount Calvary), il
n'y a qu'un exemple de chy, et c'est
en liaison syntactique : yn chy, dans la maison
1. Sweet, History of engUsti sounds, p. 162. Cf. Th. Wissmami,K\\\g Horn (Queîlcn itnd Forschiingen ~ur Spr.
iind Kulttirgesch. dergeiiii. Vôlker,
1876), p. 38: fys, poisson, fy^sse, fyicn; Jisse, Jiss, fssh,
etc.
2. Swoct, Hist., p. 161 ; cf. Sweet, New Hngl. Gr., p. 256.
3. Sweet, Hist., p. 158; cf. Biihrcns, Franiôsische Eleiiienk in
Engîishen, p. 192.
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409 Études corniques. J-Loth.
(I, p. 48). Dans les Coiiiisb Drainas^ chy se présente pour ty, sans liaison syntactique (I, p. 128). On le
trouve où on attendrait ty ou dy: ythchy, dans ta maison {Corn. Dr., I, p.
248); yn y chy, dans sa maison à lui
(ibid., 272) : ici chy est pour dji.
Quant à la valeur de chy, elle est hors de doute : Lhwyd l'écrit tshet (isey). L'/ long final, en
corniquc moderne, a évolué en ey,
comme en haut-vannetais maritime : à Qaiberon, tey, maison, nei, nous, etc. En combinaison
syntactique chy devenant sonore s'écrit
^v (dji). On trouve dans tous les textes
en moyen-cornique agy = *a di, *ati, dans la maison.
I! semble qu'il y ait une indication de la prononciation mouillée de / de // dans la graphie du nom
de lieu Chyiuartiwis du Domesday Booh
pour Devon (XXXVI, 2). Ti
devait déjà se rapprocher de hi, avec
k très palatal. En breton, dans les
endroits où le t et le k sont très palataux, comme en vannetais, //
initial est intact. Ce n'est que lorsque // devient /)', par exemple devant voyelle suivante, que
l'évolution se produit. Ainsi, en bas-vannetais, ticc, cultivateur, chef de
maison, est devenu hec, avec un k
voisin de ts, mais qui néanmoins en
diffère réellement, car les lieux d'articulation quoique rapprochés ne se
confondent pas.
Ti, toi,
en cornique moderne, était arrivé aussi à isey (Lhwyd, Arch., p. 231, col. i).
Pour ty, deyth, et, en général, les mots en construction syntactique, voir plus loin § 4, B.
§ 3. — T INTERNE.
A. — / intervocalique.
D'après l'opinion reçue, / intervocalique, en exceptant le Vocab. corn, naturellement, serait assibilé
en cornique mo}en. Les choses ne se présentent pas
avec cette simplicité. Voici les cas
où j'ai constaté la conservation de / intervocalique sous la forme régulière d.
Abréviations.
M. C. = Mount Calvary (éd. Stokes) ;
C. Dr. = les deux
volumes de Cornish Drainas de Norris;
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(delwedd B4539)
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410 Études corniques. J-Loth.
Cr. IV. = Création of îhe World;
B. M. = Beiunans Meriasek;
Lhuyd =■ Archaeologia
Brit. de Lhivyd ;
Pryce = Archacologia de Pryce.
Mount Calvary.
Noms en -ter, der : toinder, page 20; gwander, 22; hanter, 62; vraster (hr aster), 10; dadder, bonté,
4; volder.
Noms en -adow : ces noms sont adjectifs ou substantifs 5/;/guJiers : arhadow,
commandement, 74; caradoiu, aimable, 16,
(,G; casadoiu, haïssable, ^^■,
plegadoiu, plaisir, j^; pesadow, 20.
Noms en -adur, -ador : pehadur, pécheur, 12,6; pehadoryon, 4.
Mots isolés : scudell, écuelle, 76 ; pedar, quatre au féminin, 58, peder, 68; pederow, prières (des
pater), 68; predery, se soucier, 56;
prederis, 8; prederow, 76; leden, large; cJanideras, s'évanouit, 52.
Les mots anglais, comme j'en ai la remarque, échappent, en général, à l'assibilation : notya, 70;
settyas (de set'), 2^; pyteth, pitié,
66; redye, lire, 56; rcdyn, nous lisons, 62; treytor, 72; covaytis, 8; t'j'/t', 58.
Cornisl) Dranias.
Noms en -ter, -der: uhelder, II, p. 20; hanter, 72; J^J^r, I, 326, 466; clamder, gwander, I, 428;
uthekter, hideur, I, 432; tehter, I,
58; goscotter, ombre, I, 26; ponvotter, 48; caleiter, I, 114; gwyrder, I,
130; melder. II, 36.
Noms en -adoiu : casadoiu, I, 66, II, ^o ; falladoiu, I, 18; arghadow, I, 74; ynnyadoiu, refus, I, 74;
plygadozu, caradow, I, 76; peiadoiu,
prières, I, 88; defennadow, défense, I, 18; 3^ zuorhemmynadaw, I, 36, 48; celladoiv,!,
160; danvonadow, I, 300 ; //;6'
luo-vynnadoiu, I, 268.
Noms en -âî^wr (ader), -ador : huder, trompeur, I, 42, II, 138; sylwadnr, sauveur, II, 38, 150
(sylwader), peghadores, pécheresse,
II, 84; pechadores, I, 260.
Mots isolés: tardar, tarière, I, j^; preder, I, 6; predyry, I, 14; predery s, I, 18; ny re brederys, I,
36; prydero-w, II, 2; preder, II,
So;pedyr, quatre, au féminin, I, 58; broder, I, 34; bredereth, II, 278; kdan,l, 170.
Je laisse de côté les mots anglais.
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(delwedd B4540)
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411 Études corniques. J-Loth.
Création of the World.
Noms en -ter, -der
: tomdar, yetuier, 130; yscidar, 36;
dadar, 92; peldar, 108; bâcler, 24; ubeldar, 174.
Noms en -ador: Salvador, 146.
Noms en -adoiu : aradawe, demande, 10; faïladow: 12, 162, 86; plegadow, 12, 164, 184; mar
garadoiu, si aimable, 18, 86 ;
gormenadoîi', 78 ; casadawe, 132.
Mots
isolés': preder, impérat., 21; prederx, iS ; predcraf, 98.
Beivnaiis Mer i a se k ' .
Noms en -ter, -der: tekter, 24; reelder, royauté, uveJder, ijo; crefder, i^S ; golevder, 212; onester,
28; beiisygter, 260; caradùvder, 108;
dader,^; dadder, 182; gwynder, glander, 30.
Noms en -adoiu : ewnadoiu, désir, 2; falladaiv, phgadoiu, i; haradoiu, 6, 4, 8 •,feladoiu, 44, 210;
gormennadoiu, 22G; y luormenadoiv, 108; usadow, usage, 6; peiadaw, prière, 8,
10, 124.
Noms en -adour: selwadotir, sauveur, 30, 250.
Mots isolés -.preder, 22; predery, 164; bredereth.
Lhwyd.
Noms en -ter, -der: knietter, îewder, skavder, et beaucoup d'autres, p. 240, col. 2.
Noms en -cidoiu :
pehadou, falladou, arhadou, guorhcmiusnadou, inniadou, p. 242, col. 3.
Noms en -or, -ador (adar), -adtir : hydor, trompeur; p\sgadar, revadar,
rameur, 240, col. 3 ; pechadyres, 241, col. i.
Mots isolés : rcdanan, fougère, 240, col. 3 ; padel (patcUa), skîdal, écuelle, 240, col. 3; bredereth,
243, col. i; prediri, 245, col.
2.
Pryce 2 .
Nnoms en -1er, -der : havalder.
Noms en -adoiu : gurhemynadoiu, aradow.
I En général, les mots ne sont cités qu'une fois, à moins que la forme ne soit différente.
2. Je laisse de côté le dictionnaire et ne compulse que l'appendice qui contient du cornique moderne. L'appendice n'est pas
paginé.
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(delwedd B4541)
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412 Études corniques. J-Loth.
Noms en -adcr (-ador, -ad tir), giueader, tisserand. Mots isolés : ardcr, charrue; pader, prière
; pider, quatre, au féminin; nadeJih,
noël.
Les Cornish Names de Bannister ne peuvent guère être utilisés ; ils
contiennent des noms de toute époque, jetés pêlemêle sans critique ; c'est un
ouvrage à refliire.
On le voit: les textes des diverses époques sont d'accord. Pour le traitement de t intervocalique, les
noms en -ter ne prouvent rien. Ce
suffixe qui est resté vivant et productif
jusqu'à la fin, se joint, en effet, à bon nombre de mots avec lesquels il n'était pas lié à l'époque du
vieux-celtique, et terminés souvent par des consonnes hostiles à
l'assibihition ou qui le sont devenus;
ponvottcr, goscottcr ne remontent pas à
l'époque du vieux celtique, mais à une époque où on avait encore à la finale ponvot, goscot ; reehier
est fait d'un mot français, et le / ne peut plus être soumis à une loi
périmée, morte, qui n'a plus d'action
dans les mots anglais, mais d'après laquelle -// vieux-celtique devenait -Is
(mois = niolt =■ multo).
D'après les autres catégories de mots, il semble certain que t resté intcrvocaUqiie en vieiix-corniquc
(ix'^-xi^ siècle) ', ne subit pas
l'assibilation, à condition que t ne soit pas suivi d'un / devenant yod, et aussi que le mat dérivé
dont il fait partie ne repose pas sur un simple dont le t final est assibilé,
ou ne soit pas trop lié avec lui par
le sens. La masse des mots où / intervocalique devient s on g (s, ts ou j,
dj) rentre dans cette dernière catégorie :
1° les pluriels: lagasow, yeux, repose sur lagas ; givlasoiv sur giulas ;
2° les singulatifs: logosan est fait sur logos ;
3° les verbes tirés de noms avec adjectifs à t assibilé : parusy, formé sur
parys ;
4° les verbes, en général : en effet, le / est toujours final, dans la conjugaison où le verbe n'a pas de
suffixe personnel, à l'indicatif
présent ou à sens futur:
I . Tardai-,
tarière a perdu récemment a: gall. tariuir, moyen brct. tara\r; de même ardar, charrue.
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(delwedd B4542)
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413 Études
corniques. J-Loth.
my
ty
cj, hi
iiy
luhy
y
a hcs ou hys
d'où pesy, pygy; ainsi s'explique rcsec, courir (res) ; cregy, cresy (cres, crys), etc.
5° en général, tous les dérivés rapppelant un simple à t assibilé : genesek
(genys) ; hohoscc (bohcs) ; lagascc (Jagas).
Il va de soi que, dans ces conditions, dans la masse des mots corniques, t intervocalique est
assibilé.
On pourrait objecter que les mots en -adow reposent sur des formes en -ad. Ces formes sont de
l'invention de Williams qui a pris les mots en -adoiu pour des pluriels et
s'est cru obligé, en lexicographe
consciencieux, de leur constituer un
singulier en -ad, qui serait d'ailleurs contraire à toutes les règles du cornique. M. Whitley Stokes, dans
Beiuiians Meriasek, traduit, avec raison, ces mots par le singulier. Il n'y
a de flottement que pour pecbadow ; on
trouve une variante /?t;cJ.uisow qui s'explique justement par pebas
(peghes).
En dehors des cas
ci-dessus énumérés, voici les seuls mots
qui paraissent en contradiction avec la loi d'après laquelle, en l'absence de toute influence analogique, t
intervocalique ne doit pas subir
l'assibilation. Les mots anglais sont, en général,
exempts d'assibilation (cependant giocryson, guerdon, Corn. Dr., II, 126), dcnseîh (iM. C., GG), mieux
densys', humanité = gall. dyndod ;
dewsys, divinité, gall. duwdod (Corn. Dr.,
I, 202; wose, luoge, après (Corn. Dr., I, 22, 328); Insu, cendre (Bewn. Mer., 120); me agys heseth,
je vous baptise; atkvygetb (ibid.,
242, yi); fiasweth, aiguille (ibid., 26); tanges (ibid., 120); an drensis (ib., 18); cawsys^
(M. C, 15, 14) cozvsesozo (C. Dr., I,
290); cowgegyow, pensées (B. Mer., i
^^^ ; deskadxjoer , savant (Lhwyd, 222); mid^her, moissonneur
I. Mal traduit par William par paroles; le sens indique clairement pensée.
Revue Cclliijuc,
XVIII. 28
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(delwedd B4543)
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414 Études
corniques. J-Loth.
(ibid., 240, col. 3); pad:^har, quatre, au masc. (ibid., 246, col. i); pcger, quatre, au masculin).
J'écarte les formes comme ^.r^^^ eges,
étais; vsy, est; eson, j'étais, qui sont, en réalité, en liaison syntactique (cf. bret. edi,
edoaii pour ed oan, etc.). Dans
pad^har (peswar), le t est à la fin de la syllabe : cf. gAXo'is pedwar breton pewar (par pe'Swar^;
n'asweih (gall. nodloydd') a été traité de même. Descad^her de Lhwyd paraît fait d'après la règle générale que ce savant
a posée et est en contradiction avec
pyscadar, revadar. Dans densys, tanges (breton
tiDitad), an drensis, le /, d est en contact avec «qui, comme on le sait, favorise l'assibilation :
de plus, ce suffixe est figé en
cornique depuis longtemps. Il n'a pas d'existence indépendante. Lusu, var. lusow est à
rapprocher du gallois llydw et de
l'irlandais Iiiaith = *loiitvi-. Nous serions donc
ici en présence d'un phénomène analogue à peszuar. Pour coiigegyow (breton caoudet = caiitaîeni),
l'assibilation du second t est régulière devant -yow et s'expliquerait
d'ailleurs par co-wsys. L'assibilation du premier a
dû être amené par assimilation avec le second. Il ne reste guère
d'irréductible que wose (gallois gwedy,
hïtion goiidi) et hcseth, baptise.
Quelques mots ont, en revanche, gardé leur explosive dentale, par analogie,
par exemple hiidar, huder, trompeur, malgré hus, sous l'influence des mots en
-ador, -adur. Que représentait
l'écriture s et g pour t intervocalique assibilé? — La réponse est fitcile,
d'après l'orthographe même des textes
et les transcriptions de Lhwyd et Pryce.
Dans Mûunt Calvary, la graphie s domine, représentant s, Is, peut-être même parfois dj ' ; on n'a
guère g que pour dy-: bkgyoïu, fleurs,
p. 10, et quelques mots anglais comme
sogete, p. 64. / = dj dans venions. (En liaison syntactique, g est fréquent). Cornish Dranias : I, luose,
22 ; luogc, 328 ; cresy, I, 18; crygy,
II, 2; pysyn, I, 18; pygy, 388; hnigys (M. C.
hrusys) ; ov nyge, 76 ; trenyge, 86 ; anfcsitgyon, II, 8 ;
anfngyh, I, 336. Bon nombre de mots n'ont que s,
sans qu'il y ait raison de supposer
que la prononciation de Vs dût être dif
I . atigiis, 66, 68, 20 = anglais anguish.
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(delwedd B4544)
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415 Études corniques. J-Loth.
férente
(luhesen, éclair. A noter hohersen pour hohergeon, II, p. 190.)
Bewn. Merias. : pesy, 40, mais peyadow, prière, 8; cresy, 54 ; cregyans, 48; me agys hescth, 242; ath
vygeih, 52; martegen, peut-être (Corn.
Dr. marteseii) ; ckvegov, maladie, 82 ; cowgegyoïi', 149 (Corn. Dr.
cawsesow).
Cr. W.: canhasow, messagers, 8; canhagowe, 10; cresowh, 12; cresewgh, 168; in gregyans, 16 ;
cregys, cru, 42; cregye, 126, 182;
pesaf, 182; pegy, 170. Quelquefois on a dg: han devidgyow, et les brebis, 84;
an grydgyaiis ma, 178 (cf. marudgyan, 138).
Lhwyd varie assez souvent. C'est ainsi qu'il écrit av fysadow, ma prière, p. 231, qui d'après Beiun. Mer.
(peyadow, peiadaw) se prononçait
pedjadoiu on pejadow; marthegion, merveilles, qui se prononçait marhedjon (Cr. W., 138). Il
écrit dj par J~/;; legriad~}jo,
corruptions, altérations, p. 222 ; krid~bans, 240, col. 3 ; bled:^han, fleur, ibid. ;
ud:;]jean, bœuf, ibid.; lygod:^han,
ibid. Çgii^igan, boudin, ibid.); servid^ji, govid::^bion, 242, col. 3 ; nod:^hed :(}mc Çgall. nodedig'),
223 ; lagad^bo, ibid.
Dans ka:(ak, jument, 241, col. i ; m//~/^ femmes, 242, col. 2, ;^ paraît bien représenter s doux;
ici d'ailleurs on a affaire à s
ancien.
Pryce : on ne peut utiliser ses graphies qu'avec circonspection. Je relève
niii~i ; i^al, bas (Lhwyd i:^alè), ke:^er, grêle; cùw^lu do ve (causez-moi) à côté de coiusa;
ol galhisach, peha:{oiu ; mais galarou'edges, torturé; udzj^eon, bœuf;
marudgyan, merveilles; 7negou::Jon tha
medge an îsse, des moissonneurs pour
moissonner le blé.
Dans une lettre abominablement estropiée d'un pêcheur illettré datée de 1776, mais assez facile à
rétablir % je relève boadjaek
(bohosoc), pauvre, pager, quatre.
En somme, en général, s entre voyelles sortant de / assibilé, est arrivé à
l'époque des textes à / et dj, après avoir passé par s et ts ; au cas où sous l'influence de
l'accent s était sourd, on avait s.
Devant des voyelles non palatales, il semble bien que parfois s ait été prononcé :^{^ voisin
de /). Ainsi s'expli
I . Unclc Jan Treenodle, Spcciinetis of Coni. prov. dial., p. 8j.
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(delwedd B4545)
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416
Études corniques. J-Loth.
querait le fait que s intervocalique sorti de t ait évolué sporadiquement en
r en cornique moderne : uciiiia tbcra vor diberh, là était un chemin bifurqué {Lhwyd, 253,
col. i); eroiuchhui tshyi, êtes-vous à
la maison? (ibid., 253, note 3). Lhw3'd avait
pris d'abord fhcra pour le verbe faire, ce qui est impossible. Il reconnaît son erreur, page 253, note 3,
et voit dans ces formes le verbe
substantif. Il est, en effet, à peu près certain que thera = corn, moyen v^ esa, eroivh =
*ysou'gb (bret. cJocb). Ce qui le
prouve, c'est la forme gara =: cornique
moyen gase, abandonner, gallois gadii, gadael : kenier zuitb na rey gara an vor goth, prends garde
d'abandonner (mot à mot, que tu ne
fasses (auxiliaire) abandonner le vieux chemin (Lhwyd, 251, col. i). Il y a un r dental très voisin
de :(; l'r palatal irlandais ressemble
beaucoup à un ~ en marche vers/. A
Jersey, père se prononce à peu près^^^. C'est d'ailleurs une prononciation constatée dans d'autres zones
françaises.
S étymologique a suivi en grande partie la destinée de s sortant de t, au moins entre voyelles
palatales ou devant y, ainsi qu'après
n et / .• kartiid:<Jna vend^Joia, amitié voudrait (Pryce) ; marlegen (Bew, Mer., 4),
niarirexcn^ breton marte:(t'et niarte:^en, et martre^en; caranga (Cr: . W.,
30, 60).
La graphie 5;, c'est-à-dire le signe représentant la spirante dentale sonore
et aussi parfois yod initiale, a pu avoir,
en outre de la signification ordinaire, la valeur de :^ comme dans ba)ou, bassin (M. C.) et aussi celle
de dj : wo'^a (Cr. W., 102) =^ u'ogc ;
gariya , avec lui, 122 (Lhwyd, goud;:Jja, 224). Je reviendrai d'ailleurs sur cette question
à propos des spirantes interdentales.
L'écriture
ss est assez fréquente. Parfois elle représente bien s sourd, comme dang brassa, plus grand, le
plus grand (an brossa min, les plus
grandes pierres, Pryce). Dans d'autres cas,
où on a aff"aire à un mot à / assibilé, ss représente ts, i//.*
ainsi tressa (M. C, 78, 20: Cr. W.,
12) troisième, gall. trydydd, bret.
trede, se prononçait Iredje, Iredja : frege (Corn. Dr., II, 27; an dridgba, Lhwyd, 223 ; fridgya,
Pryce). Legessa, chasser
I . vmtre^en; marlre:(cn est peut-être la forme première: cf. gallois
thry hyn, si cela tourne; try = breton
tre, de Uei (tro).
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(delwedd B4546)
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417 Études corniques. J-Loth.
les souris {Bciun. Mer., 242), cf. breton hgoiaat, se prononçait leget'sa, 'd'après la transcription de
Lhwyd pour un mot semblable pysgetsha, pêcher, breton peshetaat ou peskéta.
Il a dû en être de même pour les mots
où s =^ t était dans la même situation, comme caJassa, pysso, cresso,
etc.
Cette orthographe n'a rien qui doive surprendre. En moyen-anglais, dans certains textes, s
(sch), est régulièrement écrit ss '
.
Pour ty, -dg interne, en breton, voir plus haut, page 407. Il faut noter les pluriels bretons en -son,
-jou, formés sur des singuliers en -t,
-d : hèsoit, chemin, de hent, prajoii, prés, de prad. Le dialecte de Vannes ne connaît pas
cette assibilation, si on excepte sur
la rive gauche de l'Ellé certains coins où le
pluriel en sou a pénétré pour certains mots. L'évolution qui a commencé en moyen-breton est, en somme,
moderne, et a dû se manifester d'abord
dans les pluriels en -yoii. Elle n'est pas encore terminée,
témoin tadou, pères : on n'a nulle part
ta jou.
Sporadiquement, s suivi de voyelle palatale devient aussi, en breton, y. • me a garje, j'aimerais
(anciennement j'aurais aimé),
vannetais carc:{e, avec voyelle pénultième brève, gallois carassci.
B. — T interne, dans le groupe -ni-, -11-. — Je n'examine pas les autres combinaisons, celles-ci
étant les seules où / précédé de consonne puisse s'assibiler.
Les exemples pour -nt paraissent contradictoires. En tace de niantel (Corn. Dr., I, 316) shentokth,
science (B. M., 100); y a kuntel, ils
cueillent (ibid., 106); hrcntyn, noble (ibid., 86; Cr. W., 174; Corn, Dr., I, 148; Cr. W.,
12); fent on (?ry ce: than venton);
fyiilen (M. C, 68; Corn. Dr., I, 184), on a
boluugeth, vlonogeth, volonté = vieux-français voJonic'S (Corn. Dr., I, 66; B. M., 8); sansoJclh (B. M.,
8); agensozu, gall. gynheu, breton
ageiou, agent ou ; kensa (Cr. W., 8) ; kcrensc (M. C., 52, 66; Pryce, kerend::h'ui); pcnsevyk
(B. M., 184), ped;/^/;/L77c (Lhwyd, p. 222) ; trcn:;J}a, gall. trennydd,
après-demain (Lhwyd, 249); bryangen,
gorge (Corn. Dr., I, 344, 300).
I. Swect, Hislory of engtish soumis, p. 162, et v. plus haut, p. 408.
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(delwedd B4547)
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418 Études corniques. J-Loth.
Dans sansolclh, agynsozv, kensa, on peut admettre l'influence analogique de sans, kens ; même pour
kerense, celle de kerans, parents,
amis ; mais cette raison ne saurait être invoquée pour bryangen (vieux-gall. abal
brouannoii). Il est
très probable que la coupe des
syllabes et par conséquent l'accent est ici
pour quelque chose (v. plus bas, §46).
Les
exemples pour -//- sont rares. Lhwyd àonne. gmdd^hoiu, paire de ciseaux, qui n'est guère
concluant. Altar constaté par des noms
de lieux connus comme a//^r Niin, et des textes, comme les Corn, Dr. (I, 88, (aJter)
indiquerait qu'en dehors de
l'analogie, // resterait intact. Le Voc. corn, qui, à la finale, a-Is=-lt, présente caJtor, chaudron, et
cautulbrcn, candélabre.
Dans la catégorie de -nt- interne, rentrent les composés comxnQ ganso, avec lui, giinsy, avec tWt,
ganse, qui sont pour ganto, genti,
gante (cf. hrQioii ganta, \\i\ii-\i\M-\Qt. getiu ; ganti, vannet. geti ; gante, ganto, vannet. gete).
Lhwyd, comme nous l'avons vu plus
haut, écrit gond:(ha pour ganto; ce qui prouve que ;// après avoir été ns ou -nts, était
arrivé à -ndj. Voir §46.
§ 4. — T FINAL, TOU D INITIAL EN CONSTRUCTION SYNTACTIQUE.
A. — T, d entre deux voyelles. — T final devient j, c'est-àdire s et de bonne
heure ^ (dj) : ese, était =^ et-, ed-e (M. C,
20, 56, 40, 68); pan escn, quand j'étais (ibid., 44); esens, étaient = breton edoant = ed oant (ibid.,
50); ^t-^t' = y^ ese (ibid., 76, 22,
26), mais déjà, dans les Corn. Drani., L 162:
yth egen, à côté de pan esen I, 16; cf. Lhwyd, yd:{ben, j'étais, 245, col. I.
De môme: Corn. Dram., I, 106, nyn susy, il n'est pas; prag nag vsy, ibid., 44 (bret. edi); M. C.
vgy, 18; Lhwyd, yd::J)i, il est (245,
col. i) ; yd~be)is, ils sont, bret. cdint
(Lhyd, 244, col. i).
Deso, à toi (M. C., 32, 60; Cr. W., 132, 160, ibeso; C. Dr., I, 18, îhyso, etc.), est identique au
breton dide, mais non didte, en
passant par dite. mara sezu, s'il
est, est pour inara tew (tciu = et ew), car avec mar, mara, on a l'explosive sourde.
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(delwedd B4548)
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419 Études corniques. J-Loth.
t suivi d'une voyelle réellement gutturale, semble bien avoir évolué en s et non s, dans certains
composés, comme mar sotte^, si tu es
toi (Corn. Dr., I,
202), sota (M. C, 40, 58) = mar tôt te
(breton uiar dout te), à en juger par cet
exemple de Lhwydd: iiiar sa huei D^niaii, si vous êtes John (252, col. i). De même Corn. Dr., II, 162,
mar sus, s'il y a = bret. 7nar deus;
cf. Pryce : mar sé^ hê^, s'il y a du fromage.
D initial (précédé d'un mot finissant par une voyelle) devient g (dj) : ge ■=■ di
= ti, toi : ota gy, es-tu (M. C, 44) ; a vynta ge
(Cr. W., 22); del welta ge (ibid., 24); cushe thage, dors toi = ta di (ibid., 32); ha thage, et
toi (ibid., 60); yîhotagy =^ y^oi tedi
= gall. ydd luyt tydi (ibid., 178); theso
gye, à toi, toi (ibid., 182); cf. Corn. Dr., I, 96, 376, 76 (328 mar sosa, si tu es = mar sogc, 362).
Ji était, en cornique moderne, arrivé partout à tsi ou dji : Pryce : iia
ra chee laddra, ne vole pas, mot à
mot, ne fais pas voler.
B. — -///, -mi en construction syntactique. — Ty, maison, et dyth, deth (= gall. dydd^, sont les
seuls noms dont l'ini
tiale subisse l'assibilation, en dehors de diozc'l qui commence par dy- {an ioiil (M. C, 13, 7, 14, 20, 62)
et jevan, démon (Corn. Dr., II, 172)-.
L'assibilation n'est pas due au fait que
^ et ^ est suivi d'un i ou e; les autres mots dans cette
situation ne la subissent pas. Elle
n'a pas dû se produire à l'article. Un
fait, en effet, des plus frappants, c'est que t ou d initial, précédé
de n final, n'est pas assibilé. En dehors, en effet, de ty et dyfb, après l'article masc. ou fém., sing.
ou plur., terminé par -n, t, d initial
suivant ne subissent point l'assibilation, quelle que soit la voyelle qui les suive. Or,
comme on le verra plus bas,
l'assibilation est de règle dans plusieurs catégories de formes avec le verbe substantif où -n final
est suivi d'un t ancien, Dira-t-on que
dans ces catégories -n était en vieuxceltique en contact direct avec la
dentale ? Il ne s'en serait suivi
qu'un effet d'assimilation, mais non d'assibilation. D'ailleurs le contact était
probablement direct après le pronom
1 . viar SOS, si tu es, M. C, 8, 16.
2. En supposant que jevan vienne du latin ducuton, il est peut être influencé
par dymvl.
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(delwedd B4549)
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420 Études corniques. J-Loth.
personnel
complément de la 3'' pers. du sing. masc. et neutre -n {cni dcppro, celui qui le mangera). Pour
résoudre la question, il faut avoir devant les yeux la loi que -nt final
devient toujours -ns, tandis que dans
l'intérieur du mot, il semble qu'en
dehors de l'analogie, il soit le plus souvent invariable. Si -nt, à la fin du mot devient -ns, il a dû en
être de même à la fin de la syllabe. Dans les formes comme nyn
seio, il n'est pas, on a dû d'abord
avoir la coupe Jiyns tw, *nynt eia. Pour l'article, la coupe est après an, ce qui d'ailleurs
est d'autant plus naturel que
l'article a une existence quasi-indépendante, et ne se trouve pas figé à des formes particulières et
isolées. Ty et dy^ doivent leur
assibilation à ce qu'ils entrent dans beaucoup d'idiotismes où la
construction amenait infailliblement l'assibilation de leur initiale. Aussi, n'est-ce plus avec
îy qu'il faut compter en cornique
moyen et moderne, mais la plupart du
temps avec tsi comme forme régulière ; de même pour dyth. Pour chy, v. Lhwyd, 222, an Tshei i~a]a.
Dans Bannister (Glossary of Corn.
Names), les noms de lieux commençant par
chy abondent. Pour dy^, de^, v. M. C, 14, 72, 243, 76; Corn. Dr., I, 416; Cr. W., 164; B. Mer.,
102, etc.
La catégorie la
plus importante au point de vue de l'assibilation de ~nt, -nd, est celle des
3^^ personnes du verbe ayant le sens
de avoir.
M. C. : 7nan geve, 34, si bien qu'il avait (breton mandcve'); an gevo, 44, 140, qu'il avait (bret.
andevca); ef an geve, 6, 10; nan geve,
6, 10; an gevyth 14, 44, il aura (bret. an deve::^o') ; manan geffo, 46, 150, à moins qu'il n'ait
(bret. nianendevo') \ nynges, 40, 128;
an gefo, 18, qui aura (quiconque aura) =
a^n deffo. Pour ces formes, et les formes analogues, cf. Corn. Dr., I, p. 46. 38, 42, 226 (nyn ieves, n'a
pas = breton nen devens), 112 (an
gefes = bret. an deveus, 288, 364, 370, 388.
Cr. W.: 72, 54, 158. B. Mer.: 58, 72, 94, 158, etc. Cf. Gr. Celt.-, pp. 565 et suiv.
Il faut y joindre les formes du verbe subst. combinées avec la négation n\ et )ia, naiu (maintenant) :
nyngew (M. C, 26), il n'est pas =
bret. nendeo ; nynges, il n'y a pas (ibid., 74, 245. 40. 128. 12. 32); nyn iough, vous
n'êtes pas (ib., 16); nyn go, n'était
pas (54. Go) =^*nyndyoe; nyngesa(^^G^=^nyn-'
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(delwedd B4550)
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421
Études corniques. J-Loth.
dede ; tiyngens, ils n'étaient pas (ibid., 14); navngo, (ibid., 54. 60, 62), maintenant était = *nandyoe. Cf.
Corn. Dr. : nynsusy (I, 106), n'est pas
= nyndedi ; nyn snes(\, 434) = breton nendcHs ; n\n syw (I, 324) = breton
nendeo ; nyn so (I, 326) = bret.
ncndoa ; nynsese (I, 96; nyn gese, 52), n'était pas.
Cf. Créât, of tbe World: 22 (nyn je-w), 36, 141, 130 Qiangau, maintenant
est), 170; Bezcn. Mer. : }6, 46. 130 Çnangezo, maintenant est), 100, 172. Cf. Gr. Celt.-,
549 et suiv.
Avec le verbe af, je vais, on trouve également -nd après la négation: niy nyns af, je n'irai pas {Corn.
Dr., II, 64).
La liaison dans la prononciation de la y personne du pluriel -nt, avec la
nota augens ou pronom renforçant / (ainsi que
le pronom suffixe de la y pers. plur.), a eu des conséquences assez curieuses. La combinaison -nf i était de
bonne heure arrivée à -ndji: oitengy,
les voici {Corn. Dr., I, 434). Il en est
sorti un pronom de la 3^ pers. ^v, djey (Lhwyd, 244, col. 2 ; rag n'id~bean d^hei, ibid., 22-?; orî
and::^hci, à eux =: *orlans i, en
moyen-cornique) ; cf. Pryce : dcmitha gy, marie-les ; rag beneas angy (ens i), car ils ont été
publiés (leurs bans ont été faits);
enia ajigy, ils sont; an djey (cf. breton iiidi), est devenu pronom, ha an d:;Jjyi a 'SaJla'Sas "Se
luil krei, et ils commencèrent à se lamenter (Lhwyd, 252).
Les exemples de la combinaison S3'ntactique avec / final sont trop rares pour qu'on puisse en tirer
quelque chose : dans koall gy thym,
écoute-moi, crois-moi {Beiun. Mer., 46), gy ne prouve pas plus que dans trust gy, aie
confiance (ibid., 72).
C. — T, d, en liaison syntactique, appuyés sur consonne (en dehors de -;/). Les lois sont les mêmes que celles qui
régissent t, d appuyés dans
l'intérieur du mot, et elles sont d'autant plus identiques que l'assibilation est née en
vieux-cornique et ne s'est même
nettement prononcée qu'en cornique moyen. T, d dans cette situation ne s'assibilent point. D subit la
provection, ou semble la subir, si
c'est / ancien devant t, ih ou s; yn ketella^, de cette même façon = ju ket del na; yn ta
^=ynt da; inay teffe^
I . M. C, 52.
2 Ibid., 10.
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422 Études corniques. J-Loth.
=^ may'S icffe ou deffc ; nysicva iubans\ elle n'avait pas envie; pub te:( oll^, chaque jour, pour pup dt\
oïl, chaque jour; oiu tos^, en venant
= breton o tout =z '•'lurth dont ; y tons^, ils vinrent = y^ tons; ythota'^, tu es = y'S ot
te; mar jiiynta^, si tu veux = inar
niynyth te, etc., etc. (cf. zuorto = icorth do; worty = luorth dy).
Le pronom te{ty avec une vo3Tlle finale voisine de e fermé; si on avait eu affaire à un / long, ty fût
devenu en cornique moderne tsey), qui
est ge (dje) après voyelle, se montre sous
la forme she après s final : y fynses she = y^ vyiises se (Cr. W., 20); drethas she (ib., 22); tbaworthys
she (ih . , 22); ragas she (ibid.,
66); tha ganas she (ibid., 128); gênas she (ibid., 178), etc. Quelle était la valeur de cette graphie et de la
combinaison s 4" slje dans la prononciation ? Vraisemblablement dje, à en juger par ces graphies du même
texte : thaworthis ge (r=
^eworthidje), p. 60 ; pew ostashe = piiu os te dje, qui es-tu, p. 44.
J.
LOTH.
(A suivre.)
1 . //'/(/., 60.
2. Ihid,, 68.
3 , Corn. Dr., I, 124.
4. B. Mer., 118.
5. Cr. W., 182.
6. Cr. W., 52.
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