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LES
MOTS LATINS DANS LES LANGUES BRITTONIQUES
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Les
Mots Latins Dans Les Langues Brittoniques (Gallois, Armoricain, Cornique)
Phonétique Et Commentaire Avec Une Introduction Sur La Romanisation De L’Ile
De Bretagne. Par J. Loth. Doyen De La Faculté Des Lettres De Rennes. Lauréat
De L’Institut.
Paris.
Émile Bouillon, Éditeur 67, Rue Richelieu, 67.
1892.
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A Monsieur D'ARBOIS DE JUBAINVILLE Hommage
respectueux. J. LOTH.
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Les Mots Latins Dans Les Langues
Brittoniques (Gallois, Armoricain, Cornique) Phonétique Et Commentaire Avec
Une Introduction Sur La Romanisation De L’Ile De Bretagne.
PRÉFACE
Les mots latins passes dans les
langues brittoniques (1) sent trop importants, tant par leur nombre et leur
caractfere qu'en raison des circonstances exceptionnelles dans lesquelles ils
ont st6 eraprunt6s, pour quails n'aient pas appele Tattention des celtisants.
Zeuss en a tir6 grand parti dans sa Grammatica celtica. Ebel,
(1) Je renonce k regret au terme de hreton pour le gallois, le breton
armoricain et le cornique. Mais je reconnais qu'i cause de I'habitude
invst6ree en France, en AUemagne et en Angleterre d'entendre par hreton
exclusivement le breton armo- ricain, cela pouvait prater k ambiguity.
Britannique eiit eu encore plus d'incon- v6nients. Je me suis rabattu sur
hrittoniqv^ qui me semble justifiable par la linguistique et I'histoire.
J'entends par vwux-brittonique la p^riode correspondante & vieux-celtique
pour les peuples bretons ; par vieux-gallois, vieil-armorieain,
vi&ux-oorniqve, la p^riode du Vlle-VIIJe au XI® si^cle ; par
moyen-gallois, moyen-armuricain, moyen-cornique, la p^riode du XI® au XVI®
si^cle, et mSme, pour I'armoricain, k cause du systeme d'^criture, jusqu'au
XVII« si6cle ; pai gallois- modernef armoi'icain~moder7i€j cornique-moderTiey
la p6riode qui commence au XVI® siecle (au XVII® pour rarmoricain). Quant au
nom ethnique, pour la p^riode insulaire, je ne pouvais songer k un autre
terme fran9ais que celui de Breton,
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2 LES MOTS LATINS
son digne continuateur, en a dresse une liste importante (1). M. Whitley
Stokes dont I'activite toujours en 6veil n'a laiss^ presque aucun recoin du
domaine celtique sans Tavoir explore ou eifleur^, en a signal^ un bon nombre,
notamment dans ses Middle-breton hours (2) et ses publications corniques (3).
Le premier travail d'ensemble qui ait paru sur les emprunts latins en
brittonique est celui de M. J. Rhys (4). La competence incohtest^e de
I'auteur en linguistique gen^rale, particulifereraent dans un domaine trop
n6glig6 des celtisants, la phonologic , sa science si etendue du gallois k
toutes les ^poques, rendent son travail, aujourd'hui encore, fort pr^cieux.
La presque totality des mots comment^s par M. Rhys etait dej^ connue; la
plupart se trouvent dans Y Archceologia britannica de Lhuyd (5). Ceque Ton
sait moins, c*est que le gallois GrijSSih Roberts dans sa Welsh Grammar (6),
parue en 1567, non seulement a donn^ une liste considerable de mots latins
passes en gallois, mais expose avec une singulifere penetration les lois qui
ont preside k revolution de leur consonnantisme. Le travail de M. Rhys ne
comprend gufere que le gallois, et k ce point de vue meme, il est loin d'etre
complet. En outre, le commentaire alphabetique n'etant precede d'aucun
travail d'ensemble sur le vocalisme et le consonnantisme, la doctrine de
I'auteur semble, par moments, un peu flottante.
Les mots latins les plus importants passes en irlandais ayant ete transmis le
plus souvent aux Gaels par des bouches bretonnes, sont d'un puissant secours
pour I'histoire des sons en brittonique.
(1) Beitr'dge sur vergleich. gpraehforschung, publics par Kuhn et Schleicher,
II, pp. 139 et suiv.; Ill, pp. 277-278.
(2) Whitley Stokes, Middle-breton hours, Calcutta, 1876.
(3) Paseon agan Arluth^ Berlin, 1862 — Chwreans an hys, Londres et Edinburgh,
1864 — Bewnans Meriaftek, Londres, 1872. Voir aussi sa liste des mots latins
dans Three irish glossaries, p, XX; Lives of saints from the book o/JJismore^
Oxford, 1890, p. Lxxxii.
(4) Welsh Words borrowed from latin (Archaeologia Cambrensis, 4® s^rie, IV
(1873), pp. 258, 355, 390 ; V, 297.
(5) Lhuyd's, Archceologia britannica, 1707 (dans la partie intitul^e A
british etymologicon),
(6) Griffith Roberts, Welsh grammar, Milan, 1567 ; r66dition fac-simile en
supplement dans la Bevue Celtique, 1870-1883 ; surtout pp. 102 et suiv.
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(del
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES
lis ont ele Tobjet d'une thfese fort utile k consulter, quoique in- complete,
de M. Giiterbock (1). Les Etymologies celtiques du Dictionnaire
etymologiquedes langues romanes de Diez ont st6 soumises k une revision
consciencieuse dans un travail dont TEloge n'est plus k faire, le
Kelloromanisches de M. Thurneysen (Halle, 1884). Bon nombre de points
touchant k notre sujet y sont trait6s.
Si les mots latins les plus importants passes dans les idiomes brittoniques
sont pour la plupart connus et studi6s, il n'en est pas moins vrai qu'^ le
prendre dans Tensemble, le sujet est encore neuf. Les problfemes les plus
importants que ces emprunts sou- Ifevent ont ete laisses de cot^.ou k peine
efB.eurfe. On n'en a pour ainsidire tirE aucunelumiere pour Thistoire si
obscure de la roma- nisation de la Grande-Bretagne et la connaissance des
destinies du latin dans ce pays. On ne les a pas suflSsamment interrogfe sur
r^tat du brittonique du I" au V® sifecle de notre ere et sur la chronologic
des principaux ph^nomfenes qui se sont produits pendant revolution obscure
qui a amen6 le brittonique k I'^tat ou nous le trouvons au VIIP-IX® sifecles,
c'est-^-dire k Tetat en quelque sorte moderne ou n6o- brittonique.
En Tabsence des textes brittoniques, en raison du petit nombre meme des noms
propres celtiques du P'au V* sifecle et surtout k cause de la transformation
radicale de Taccent, de la quantite et de la quality des voyelles, du
consonnantisme, en un mot de Torga- nisme du mot, il y a entre le brittonique
des premiers sifecles de notre fere et celui du IX® sifecle un gouflfre qu'on
ne pent essayer de combler qu*k Taide des emprunts latins. La fagon dont les
sons latins ont st6 traduits en brittonique nous permet de soulever le voile
qui nous le cache k cette lointaine epoque. Les mots latins sont des t^raoins
surs de son stat vers le l«r-ye sifecle de notre fere. La science des langues
romanes est aujourd'hui assez avanc^e pour que nous puissions retrouver sous
le mot brittonique son
(1) Giiterbock, Bemerkungen iiher die lateinischen lehnwSrter im irischen, I,
Theil, Leipzig, 1882. Sur cet ouvrage, cf. Schuchardt, Revue celtique, V, pp.
489-495.
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4 LES MOTS LATINS
prototype latin avec ses traits des premiers sifecles de notre fere, sa
quantity, sa prononciation , son accentuation, en un mot sa physionomie
rtelle.
Les deux principaux ph^nomfenes des langues n^o-celtiques,
^XA<r>v Tinfection vocalique et la substitution des consonnes
intervocaliques
ne s'^tant pas encore produits k T^poque des emprunts latins, les
mots latins y sont soumis; on peut done dire que leur histoire est
rhistoire m§me du brittonique.
II faudrait cependant se garder sur ce point d'une illusion dan- gereuse. Au
moment ou ont commence les emprunts latins, le brittonique ^tait d^j^ parvenu
a un .^tat bien different de celui du vieux-celtique. Un nouvel accent, pour
ne parler que de Tagent le plus ^nergique de dfoomposition ou d'^volution,
s'etait stabli, pr^parant la transformation de la langue. II ne faut done pas
demander aux mots latins des renseignements sur le vieux-celtique proprement
dit; leur autorit^ n'est decisive que pour le brittO" nique des premiers
sidcles de notre ere.
Les romanistes pourront trouver dans Tetude de nos emprunts latins plus d*un
sujet de meditation et plus d'un pr^cieux ensei- gnement, surtout au point de
vue de Thistoire de revolution de la quantity latine et la chronologie des
principaux ph^nomfenes qui caracterisent le latin vulgaire. Le t^moignage des
mots latins passes en brittonique est irrecusable pour T^poque connue ou ils ont
&i& emprunt^s : ils sont en effet, dfes ce moment, arrach^s k la
circulation latine et h Tabri des transformations qui les attendaient dans
leur milieu propre. Quant h revolution qu*ils ont subi en brittonique, c'est
aux celtisants d'en rendre compte. Les progrfes des etudes celtiques ont ete
assez surs pour que nous puissions aujourd'hui offrir aux meditations des
romanistes des mots latins du I" au V® sifecle avec la quantite et la
qualite des voyelles m^me atones.
Ce travail est divise en deux parties. La premifere, precedee d*une
introduction aussi historique que linguistique sur la roma- nisation de la
Bretagne et ses consequences, traite de Tetat
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 5
comparatif du latin vulgaire et du celtique k Tepoque des em- prunts, du
yocalisme et du consonnantisme des mots empruntes. La deuxifeme comprend un
vocabulaire-commentaire de ces mots avec leurs formes galloises,
armoricaines, corniques. Pour 6viter de perp^tuelles redites, les citations
et les identifications pour les mots ^tudi^s sont sans r^f^rence dans la
premiere partie; elles auront leur justification dans la seconde.
Le lecteur trouvera ci-aprfes dans la liste des abr^viations un apergu de nos
principales sources. Pour le vieux brittonique, ce sont les gloses galloises,
armoricaines, corniques, qui vont du IX® au XI® sifecle. Le gallois, k partir
du XIP sifecle, a une riche litterature. Le cornique possfede un vocabulaire
important du XIP sifecle, public par Zeuss avec commentaire dans sa Grammat.
celt., P® Edition (1853), et reproduit par Norris dans ses Cornish Dramas
(1). Le Lexicon Cornu-Britannicum de Williams (2) a mis k contribution k peu
pres toute la litterature cornique du moyen-fige (Textes depuis le XIV®
sifecle). On trouve cette litte- rature et les publications post^rieures
mises k profit dans V English cornish Dictionary de Jago (Londres, 1887).
L'armoricain, plus riche en vieilles gloses que le cornique, n'a de textes
suivis qu'i partir de la fin du XV® sifecle. Le Diction^ naire etymologique
du moyen'armoricain(3) de M. Em. Ernault contient toutes les formes qu'ils
peuvent donner. Les mots en moyen-armoricain qui sont sans reference sont
empruntes k ce dictionnaire.
Les dictionnaires de Le Pelletier, Gregoirede Rostrenen, celui de Cillart de
K^rampoul, connu sous le titre de Dictionnaire de VArmerye (4), contiennent
bon nombre de mots et de variantes qu*on ne trouve pas dans les textes.
(1) The ancient cornish dramas 2 vol. Oxf., 1859.
(2) Rob. Williams, Lexicon Cornu-Britannicum^ Londres, 1865.
(3) Le mysUre de saitite Barhe, texte et traduction frangaise, et
dictionnaire etymologique du breton moyen, par Em. Ernault, Paris, Thorin,
1888.
(4) Ce dictionnaire contient k peu pr6s tout ce que Ton trouve dans
I'int^res- sant Dictionnaire hreton-frangais, du dioc6se de Vannes, compost
par M. de Chalons, Vannes, 1723.
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6 LES MOTS -LATINS
L'orthographe demande quelques explications. Parmi les voyelles galloises, w
est k la fois voyelle et consonne. \Ju dans le sud est le son i frangais dans
petit, Dans le nord, c*est un son entre ii et i. y p6nultifeme et
ant^p^nultifeme a le son do notre e f^minin frangais dans la premiere syllabe
de mener, Ultifeme y a le son i, Fdans les roonosyllabes, jouant le role
d'enclitiques, a le memo son que dans la p^nulti^me (1).
Chy th^ ff'^tph, sont des spirantes sourdes; m, n, r, I, sont sonores; mA,
nh, rh, II, sont les sourdes correspondantes.
L'orthographe du moyen-cornique est en grande partie anglaise. Elle est trfes
flottante. / est repr^sent6 g^n^ralement par y\ mais y a aussi assez souvent
la valeur de Ve sourd armoricain (e fe- minin frangais). Ay e, o, u, ont eu
sans doute la valeur des lettres armoricaines correspondantes; at«? final se
pronongait, semble-t-il, comme Ya anglais dans all. Gh = c'h armoricain; wh =
c'hw; th exprime non seulement la spirante sourde, mais aussi assez souvent
la spirante sonore (dh)^ pour laquelle la lettre sp^ciale du cornique est 5
(2). La valeur des sons corniques, malgr6 les bizarreries de Torthographe,
est assez facile k determiner, par la comparaison avec
legalloisetsurtoutavecrarmoricain aveclequel on peut dire qu'il forme un
groupe special par rapport au gallois.
Le moyen-armoricain a l'orthographe frangaise. La spirante gutturale sourde
est gen^ralement exprim^e par ch; z repr^sente la spirante dentale sonore. Le
pfere Maunoir, en 1659, remplace ch par c'h; d&igne le groupe nasal,
represents avant lui par voyelle + ff> par voyelle avec circonflexe + n :
han = haff. Le Gonidec, en 1807, remplace qu, gu (frangais) par k, g;n
indique un son nasal ; n=zgn frangais \l=^l mouillte. Les accents ont la
valeur des accents frangais. Ledialecte de Vannes jusqu'i
(1) Les t^moignages des grammairiens gallois sont loin d*ltre concordants sur
ces points. Cf. Griffith Roberts, Welsh grammar, pp. 22-23 ; Richards, Welsh
Dictionar,, 1815 ; sur la litt6rature du sujet : Nettlau, Beitrdge zur cym/r.
grammat., p. 56.
(2) Sur la valeur des lettres corniques, voir Ebel, Cornica (Beitrage, V, pp.
145 et suiv.)
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES, 7
nos jours, k part quelques exceptions, suit Torthographe fran^aise du
moyen-breton. J'adopte Torthographe de Le Gonidec, en sup- primant ses
accents qui ne sont exacts que pour certaines syllabes et dans une certaine
zone. Je me sers pour Tindication des sons ouverts et fermes du latin et du
brittonique, quand je le juge utile, des deux signes actuellement en faveur :
un point sous la voyelle, pour le son ferm6, une sorte de c^dille pour le
sonouvert : mQt^ mqrdre. L'accent tonique est marqu^ par Taigu.
PRINCIPALES ABRfiVlATIONS
OUVRAGES GfiNfiRAUX
Beitrdge : Beitrdge zur vergleichenden sprachforchung der indo-germ.
sprach,, public par Kuhn et Schleicher, 8 vol. (1868-1876). Gramm. celt. :
Grammatica celtica, construxit J.-C. Zeuss, ^ditio
altera, curavit H. Ebel, Berolini, 1871 (la 1^« Edition est de 1853). GrobeVj
Arch. : Vmlgdrlateinische subtrate romanischer Worter {Archiv
fur lutein. Lexicographie und Grammatik, sous la direction de
Wolfflin (1884-1890.) Korting, Lat. rom. : Lateinisch-romanisches Wdrterbuch,
par Korting;
Paderborn, 1890. Meyer J Grundr. : Die lateinische sprache in den romanisch.
Idndem
{Grundriss der roman, philologie, publi^e sous la direction de G.
Grober; Strassburg, 1888, pp. 351-383). Roman. : Romania, passim (Revue
publi^e sous la direction de MM. Paul
Meyer et Gaston Paris; 20 volumes, depuis 1872). Schuch., Vokal. : Der vokalismus
des vulgdr luteins^ par H. Schuchardt,
3 vol.; Leipzig, 1866-1868. Seelmann, Auspr. : Die ausprache des luteins, par
Em. Seelmann;
Hellbronn, 1885. Thurn., Keltor. : Keltoromanisches, par R. Thurneysen;
Halle, 1884.
CELTIQUE
Bl. B. Caerm. : the black book of Caermarthen (XII» si^cle) , dans Skene Four
ancient books of Wales; cf. Facsimile of the black book ofC. by Gw.enogfryn
Evans, Oxf., 1888.
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8 LES MOTS LATINS
Cillart de Ker. : Dictionnaire franQois-breton on franQois-celtique du
dialecte de Vannes, par M. L'A. . . ; Leide, 1744 (L'auteur est Tabb^ Cillart
de K^rampoul).
Closes v.-arm, : Grammat, celt,, append., pp/l063 el suiv. — Rhys, Revue
celtique, I, 346-375 — Whitley Stokes, Old-breton glosses — The breton
glosses at Orleans, Calcutta, 1880 — Cf. J. Loth Voca- bulaire vieux breton,
Paris, 1884.
Closes v,-corn, : Grammat, celt., app., pp. 1063 ct suiv.
Closes v.-gall, : Grammat, celt., app. pp. 1063 et suiv. — Whitley Stokes,
Beitrdge, IV, pp. 385-423; Beitr., Vll.
Gr^g, de Rostr, : Dictionnaire frangois-celtique ou frangois-breton, . par le
R. F. Gr^goire de Rostrenen; Rennes, 1732.
G. Roberts, Gramm, : Welsh grammar, Milan, 1567, r^impression fac- simile
dans la Revue celtique, supplement, 1870-1883.
Le Gonidec, Diet, : Dictionnaire breton-frangois de Le Gonidec, revu par Th.
Hersart de la Villemarquf^, Saint-Brieuc, 1850.
Le Pelletier, Diet. : Dictionnaire breton-frangais, Rennes, 1732.
Lhuyd's arch, : Archceologia britannica, Oxford, 1707, in-fol. (quand il n'y
a pas d*indication de page, le mot est pris dans la partie inti- tul^e an
essay towards a british etymologicon, pp. 270 et suiv.).
0. Pughe : A national dictionary of the Welsh language, 3" edit.;
Denbigh, 1866-1873.
Rhys W.'W, : Welsh words borrowed from latin (Archceologia cam- brensis. 4^
s^rie, IV (1873), pp. 258, 355, 390; V, p. 297.
Skene, Anc. books : The four ancient books of Wales, 2 vol., Edinburg, 1868.
Silvan Ev,, Diet. : Dictionary of tfie Welsh language, by the Rev. Silvan
Evans, Caermarthen, 1887-1888 (A-B).
Silvan Ev., English Welsh diet. : An english Welsh dictionary, by Daniel
Silvan Evans, 2 vol., Denbigh, 1852.
Voc, corn, : Yocabularium cornicum, Grammat, celt,, app. pp. 1065- 1081.
W. Laws : Ancient laws and institutes of Wales, Edition Aneurin Owen, 2 vol.,
1841.
Williams, Lexic: Lexicon cornu britannicum, by R. Williams, Llan- dovery and
London, 1865.
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LES MOTS LATINS DANS LES LANGUES
BRITTONIQUES. 9
INTRODUCTION
La romanisation de Tile de Bretagne et ses consequences.
§ 1. — Les diff events sysiemes sur cette question, — Per- sonne ne songe
plus aujourd'hui k souteniravec Th. Wright (1), quelaBretagneinsulairea^t^
enti^rement romanisde, et que si on trouve au VP sifecle encore, du
nord-ouest au sud-ouest, une chaine ininterrompue de populations de langue
celtiqu«, c*est le r&ultat, au V® yifecle, d'une invasion armoricaine.
Mais on est encore trfes loin de s'entendre sur les resultats de Toccupation
romaine dans ce pays : la discorde r^gne parmi les arch^ologues et les
historiens. Les partisans d*une romanisation complete de toute la partie de
la Bretagne qui a ^te occup^e du milieu du V* sifecle k la fin du VP paries
Angles etles Saxons, c'est-a-dire Test et le centre, allfeguent en faveur
deleur thfese :
La longue occupation de Tile (prfes de 400 ans) :
Le nombre considerable de troupes, l(^gions et auxiliaires, qui n'a cess6 de
sojourner dans le pays pendant ce temps et d'y essaimer : la Gaule ayant ^t^
rapidement assimil^e et romanis^e, il est invraisemblable que les Celtes de
Bretagne, appartenant au memegroupeethnique, en particulier les Beiges,
aient^t^ r^frac- taires k Tinfluence romaine;
Les restes si nombreux encore sur le sol de Tile, d'^difices et de
constructions romainesde toute espece : villas, souvent luxueuses, temples,
bains, th^fitres, villes fortifi^es, voies romaines se croi- sant en tons
sens;
(1) Th. Wright, Unsays on
arohaeologicalolijects, 2 vol., Londres, 1861 — The Celt^ the Roman and the
Saxon^ Londres, 1875.
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10 LES MOTS LATINS
Des traces profondes de Tinfluence romaine dans la constitution de la soci^te
anglo-saxonne, principalement dans le systfeme de la propri^t^ et les
divisions de la soci^t^.
Les partisans de la roraanisation ont trouv^ tout rteemment un auxiliaire
inattendu dans un pbilologue de merite dont la thfese, remarquable k d'autres
titres, semble avoir ste accueillie avec une certaine faveur. M. Pogatscher
(1) se rangeant sous la banniere de Wright, tout en faisant quelques reserves
et en admettant une exception pour les populations rest^es de langue
celtique, est d*avis que le reste de la population a et^ romanis^e.
La plupart des arguments invoques par M. Pogatscher ne sont pas de lui :*je
viens de les resumer plus haut. Mais il y en a un qui lui appartient en
propre au moins par la fagon dont il essaie de le fortifier : c'est que les
Anglo-Saxons auraient emprunte, dans rile, un grand nombre de mots latins
portant dejk Tempreinte de revolution romane, ce qui prouverait que le latin
stait encore, k leur arriv^e, la langue courante et qu'elle a con- tinue,
aprte la conquete, au VP slfecle meme, k etre en vigueur sinon dans les
campagnes occupees par les envahisseurs, au moins dans les villes.
Beaucoup d'auteurs, en revanche, soutiennentqueles r^sultats de Toccupation
romaine n'ont pas ^t^ durables, que la civilisation romaine n'a ^t^ qu-une
sorte de vernis qui n'a pas tard^ k s'effacer et k laisser reparaitre dans
toute sa nettet^, la vraie physionomie de Tancienne soci^te bretonne (2).
La v^rite est entre ces deux syst^mes. Les Bretons n*ont pas ete assimiles,
roraanis^s; ils ont gard^ leur langue et en grande partie, surtout dans
Touest, leurs lois et leurs coutumes. Le latin a disparu avec les troupes qui
Tavaient apporte. Cependant I'occu- pation romaine a laiss6 des traces
sensibles dans la langue, dans
(1) Pogatscher, Zur lautUhre der griechischen, lateinischerif und
ronuinisehen lehnworte im altenglischen, Strasburg, 1888.
(2) Cf. Budinsky, Die aushreitung der lateinische sprache iiher Italicn wnd
die provinzen des rihnischen reiches, cap. IV, Berlin, 1881.
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DANS LES LA.NGUES BRITTONIQUES.
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la civilisation mat^rielle du pays, meme dans la constitution des diverses
classes de la soci^te, dans T^tablissement et le systfeme de la propri^tiS. Pour
les pays restes celtiques, nous pouvons le constater directement; pour Test,
le centre et le nord-est, en ^tudiant la soci^t^ anglo-saxonne.
§ 2. — La fagon dont s'est faite la conquSte. — Tout d'abord, il n'y a aucune
ressemblance entre la fagon dont s'est faite la conquete de la Gaule et celle
de la Bretagne. Le ca- ract^re et les p^ripeties de la lutte accusent aussi
dans T^tat de civilisation et le temperament des peuples conquis de graves
diflferences.
Commenc^e en Tan 43 denotre fere, sous Claude, avec des forces qu'on pent
^valuer au moins k 70,000 homraes (1), la conquete romaine, malgre des
expMitions continuelles, n*a jamais ^t^ complete. Aprfes cent annees de
combats incessants, Hadrien en est r^duit pour se cr6er une frontifere
assur6e et se menager une base solide d'op^rations soit pour ToflFensive
contre les ennemis du Nord, soit pour le maintien de sa domination vers le
sud, de construire ce prodigieux vallum qui a port^ son nom, coupant rile de
Touest k Test, dans la troupe form^e par les valines
de TEden et de la Tyne, fortifi^ de dix-sept castella, cinq forts en avant de
la ligne des retranchements, quatre-vingts postes fortifife, et trois cent
vingt tours. En 142, Antonin-le-Pieux reporte les liraites de Toccupation
jusqu'Ji la ligne Clota-Bodotria (Clyde et Firth of Forth). Le mur d'Antonin,
imit^ de celui d*Hadrien, ^tait de moitie environ moins long et bien moins
soli- dement appuye et entour^, quoiqu'il fut defendu par dix grands castella
(2). Ce qu'on n'a pas assez remarqu^, c'est qu'il a ^t^ presque aussitot
abandonne que construit. Le seul empereur dont il soit fait mention dans les
cinquante inscriptions trouv^es sur
(1) Em. Hiibner, Eirw romische annexion (Deutsche Mundschau, 1878 J.
(2) Em. Hiibner, Romische herrschaft in Westenropa, Berlin, 1890. Get
excellent livre resume d'une faQon claire et substantielle les id^es
exprim^es par I'auteur dans d*autres publications, notamment dans la preface
des Inscript. brit. lat. (Corpus, VII).
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12 LES MOTS LATINS
son emplacement est Antonin-le-Pieux. Severe dout Tactivit^ est marquee
partout en Bretagne, et qui a restaur^ et fortifl6 le vallum d'Hadrien au
point qu'on Ten a cru souvent le ve- ritable auteur, ne s'en est pas occup^.
La Notitia dignitatum imperii qui nous donne la liste offlcielle des postes
occup&s par les Romains au commencement du Y® si^cle, ne mentionne aucune
des stations du mur d*Antonin. Ainsi done k la fin du IP sifecle ou au
commencement du IIP sifecle, la puissance ro- maine qui semblerait alors k
son apogee en Bretagne, fait un pas en arrifere. Le IV® sifecle est une
^poque de troubles continuels. Vers 368, la Bretagne semble perdue pour les Romains.
Tandis que les Francs et les Saxons pillent le littoral de la Gaule, les
Pictes et les Scots se r^pandent dans toute la Bretagne. Theodose, le pfere
de Tempereur de ce nom, envoye en Bretagne avec des forces considerables, est
oblige de livrer bataille pour arrioer a Ijondres. Impuissant k ramener par
la force Tordre dans le pays, il proniet Timpunit^ i tous ceux qui avaient
abandonne la cause romaine. II est clair qu'il s'agit ici des Bretons et non
des Pictes et des Scots qui n'en avaient cure. Nous savons d'ailleurs par le
t^moignage d'Ammien Marcellin que les Areani sorte d'^claireurs etablis le
long de la fronti^re pour annoncer aux Romains les mouvements de Tennemi
^taient de connivence avec les barbares (1). Des explorations faites, il n'y
a pas long- temps, par des arch^ologues sur le territoire d'anciennes villes
romaines, notamment k Wroxeter et k Silchester, ont mis au jour des traces
saitiissantes, comme nous le verrons plus bas, de T^tat de trouble de Tile et
des lultes qu'eurent k soutenir les Romains pendant Toccupation. Enfin, vers
407, les Bretons prennent les armes, chassent les magistrats romains et
repoussent les barbares
(1) Amm, Marc, lib.j XXV, III, 2. Cette esquisse de I'histoire de roccupation
romaine en Bretagne s'appuie sur le chap, ill de mon travail sur V Emigration
hretonne en Armorique du F® au VII^ sibcle de notre hre, Paris, 1883, oil
j'ai r^uni les ttooignages des historiens anciens sur ce sujet, et sur le
livre cit^ plus baut de HUbner.
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 13
que le depart des troupes avaient enhardis (1). L'histoire des Bretons par la
suite, dans Tile et sur le continent, ne dement point Tid^e que donne d*eux
leur resistance aux Romains. Dans rtle, la conquete anglo-saxonne se fait
p^niblement et le terrain est dispute pied k pied. Dans Test meme, les
envahisseurs ont assur^ment rencontr^ plus de resistance qu*on ne suppose. La
longueur et racharnement de la lutte sont d*autant plus remar- quables qu*une
seule bataille suffira plus tard pour livrer toute I'Angleterre anglo-saxonne
aux Franco-Normands. En 491, les Saxons ne tiennent encore que les pays de
Kent et de Sussex (2). lis ont du avoir affaire tout d'abord aux populations
d*origine bretonne, que les Romains s^etaient nagu^re adjoin ts coinme
auxiliaires et avaient organist militairement.
U n*y a aucun fond k hive sur le tableau que nous trace Gildas de ses
compatriotes apr^s le depart des Romains. Les contra- dictions, les
pu^rilites, les inepties de toute sorte s'entassent dans ToBuvre de ce
J^rimie de dixifeme ordre, dont Tignorance, en dehors des Ecritures, defie
toute comparaison et dont le manque de jugement se traduit par d'incrojables
enfantillages. U n^j a rien k tirer de lui, en dehors de son ^poque,
quoiqu'il ait la pretention de nous faire connaitre dans son De Excidio
Britannice Thistoire de son pays avant le VI* sitele ; pour toute cette
p^riode, il se sert de documents Strangers k la Bretagne et qu*il n'a meme
pas compris. II ne sait rien de la fondation des eglises bretonnes, k part le
martyre d'Albanusk Verulamium, de Julian us et Aaron k Ci vitas Legionum
(Caerleon) sous Diocietien ; toutC6qu*il nous apprend, nous le savons mieux
par Eus^be et Sulpice-Sevfere (3). II fait construire le mur d'Antonin et
celui d'Hadrien au V® sifecle, mais la construction est manquee une
(1) Zosime, Hist. nov. lib,, VI, c. 6.
(2) Chron, anglosax., apud Petrie, Mon, hist, brit.y pp. 299-300 ; cf. Baeda,
Hist, Eccl, gentis Arigl., I, cap. 15.
(3) Schoell, De UcclesiastioB Brittonum Scottorumque historus fontibus,
Berolini, 1851, pp. 11 20, Voir plus bas, chap. I, p. 70 ; I'ceuvre de Gildas
paralt interpol^ par des ^crivains anglo-sazons.
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14 LES MOTS LATINS
premidre fois puree que ce peuple insense emploie la terre et non la pierre
(1). Les Remains reviennent et construisent eux aussi un mur mais cette fois,
naturellement, en pierres (2). Malheureusement les indigenes vont s'etablir
sur le haul du mur, et pendant que les Pictes et les Scots les accablent de
traits, eux, tout tremblants, mais aussi incapables de se d^fendre que de
fuir, restant 1^, jour et nuit, h^b^t^s, plongesdans lastupeur (3). Pour
comble, ces malheureux qui ne connaissent pas Vusage de la pierre, qui n'ont
ni outils, ni armes, Gildas nous les montre gravement un peu plus haut (cap.
I), plonges dans le luxe, poss^dant de raagnifiques demeures, des forteresses
soli- des, etc... Peu de temps aprfes Tinvasion saxonne, ces populations qui
ne connaissaient pas Vusage des armes, envoyaient au secours de Tempereur
Anth6mius, en 470, k Bourges, un corps de douze mille soldats, sous la
conduite d*un chef breton, Riotha- mus (4), et soutenaient vaillamment la
lutte, avec des alterna- tives de succfes et de revers, au temoignage de
Gildas lui-merae, centre des ennemis redoutables. Une seule chose parait
vraie dans Texpos^ de Gildas, c'est T^tat de discorde des chefs et des tribus
bretonnes. De tout temps, du temps de Tacite, comme du temps de Giraldus
Gambrensis, au \^^ si^cle de notre fere, comme au XIP sifecle, la disunion a
^t^ la plaie des peuples bretons. La lutte contre les Anglo-Saxons a le
caractfere d'une guerre faite en detail, isol^ment, par tribus, mais avec une
singuliere t^nacite. Jusqu'au milieu du VP sifecle, cent ans aprfes le d6but
de Tinva- sion des Angles et des Saxons, les Bretons sont encore maitres du
centre de Tile. Ce n'est qu'en 577, k la suite de la bataille de Deorham, que
les Saxons s'emparent de Gloucester, Cirencester
(1) Gildas, De excid. Brit., cap. xil..., qui vulgo irrationabili factus non
tarn lapidibus quam cespitibus non profuit.
(2) lUd,, cap. XIV.
(3) Je cite, parce que on pourrait m'accuser de charger Gildas : Statim ad
hsec in edito arcis acies segnis ad pugnam, inhabilis ad fugam, trementibus
praecordiis inepta, quae diebus ac noctibus stupido sedili marcebat...
(4) Jordanes de Rebus geticis, c. 45 ; Sidon. Apoll., j^^^., lib. I, 7-; III,
9.
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 15
et Bath. Chester ne tombe qu'en 607 (1). Dans le nord-est, meme, les Angles
ne r^ussissent k s^etablir solidement que vers 547, 6poque de la fondation du
royaume de Northumbrie par Ida (2). Les deux provinces qui ont compost le
royaume de Northumbrie, Deira (entre THumber et la Tees), et Bernicia (depuis
la Tees jusqu'Ji la Tweed) (Deivr et Brynneich en gal- lois) ont conserve
leur nom celtique. D'aprts Bfede, ce serait Oswald^qui le premier les aurait
solidement unies (3). Le royaume breton d'Elmet (region de Leeds) subsiste
jusqu'en 613 (4). Meme aprfes les conquetes d'Aethelfrith, le vainqueur de
Chester, et celles d'Aedwin, le royaume de Northumbrie, un des plus puissants
de TAngleterre anglo-saxonne, tombe en 633 sous les coups du roi breton
Catwallon; il s'empare d'York et met la puissance des Angles k deux doigts de
sa perte.
Dans le nord-ouest, les Bretons du royaume de Strat-Clut {Strata Clotae), qui
tire son nom de la valine de la Clyde, mais qui s*itendait du golfe de la
Clyde au golfe de Solway, resistent victorieusement aux Angles, Pictes et
Scots. lis d^truisent en 754 une arm^e picte k Mocetauc (probablement Mugdock
dans le Stirlingshire) (5). Les Annales Cambrice mentionnent encore en 974 un
roi breton de Strat-Clut. L'histoire des Bretons passes en Armorique, s'y
taillant une nouvelle patrie, en d6pit des attaques continuelles des rois
M^rovingiens et Carolingien$> et seuls, en Gaule, apr^s de tragiques
p^rip^ties, triomphant des Scandinaves (6), n'est pas moins instructive. On
comprend plus facilement, apr^s avoir suivi les Bretons dans leur dramatique
histoire depuis Tinvasion saxonne, Tinsucc^s des Remains.
(1) Chron. anglosax. apud Petrie, Mon, hist, brit^ pp. 304-306.
(2) Ihid.^ k r9.im^e 547. Ida ^tablit sa capitale a Bamborough et Tentoiire
d*abord d'une haie, puis d'un mur.
(3) Hist. Eccl., Ill, 6 (635-664).
(4) Hist. Eccl.^ IV, 23 ; cf. Annal. Camb., k rann^e 616 ; Nennius, Hist,
hrit.^ apud Petrie, Mon. hist. bHt., p. 74.
(5) Annal. Cambria ^ ann^e 760 ; cf. Annales Tigemachi (Petrie, Monum. hist,
brit., p. 833).
(6) Loth, vAnigr, ^/^f., pp. 239-240.
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16 LES MOTS LATINS
Les inscriptions et Tarch^ologie corroborent le t6moignage de I'histoire. II est
assez Strange d'entendre M. Pogatscher invo- quer en favour de sa th^e le
t^moignage de Hiibner. A maintes reprises Tillustre ^pigraphiste a d^clar^
que les Romains n*ayaient ^t^, en quelque sorte, que campus en Bretagne. On
ne trouve dans les inscriptions que peu de traces de corporations, d*hon-
neurs municipaux, en un mot de ces t^moignages de la vie municipale si
abondants ailleurs.
Les colonies sont au nombre de quatre authentiques :
Camulodunum. Eburacum (York). Gleva (Gloucester). Lindum (Lincoln).
II n'y a qu'un seul municipe : Verulamium (Verulam) (1).
En revanche les titres militaires abondent, et permettent de suivre sans
difficult^ Thistoire des legions, de se rendre compte de leur situation, de
celle des troupes auxiliaires (2).
Les inscriptions, la numismatique, Tarch^ologie sont d*accord sur les
consequences de Toccupation : avec le depart des troupes romaines coincide
une brusque et complete interruption de la vie roraaine en Bretagne. Les
titres, dont deux seulement sont ant^rieurs k Hadrien (3), cessent vers la
fin de Toccupation. Les miliaires s'arretent meme k Constantin-le-Jeune
(336), apr^s avoir commence avec Hadrien (4).
Les monnaies s*arretent en g^n^ral k Gratien et Theodose
•
(1) Hiibner, Inscrip. Brit, lat., p. 5, compte Londinium parmi les municipes,
mais sans raison suffisante (of. Tacite^ Annates, XIV, 33 ; Ammien Marcell.,
XXVII, 87). Pour les tribus, voici la conclusion de Kubitschek (^Imperium
romanum, tributim descriptum, VindohoruB^ 1889) ; de tribu Tie unius quidem
oppidi 0. R. in hao provincia constat.
(2) Hiibner : Inscr. Brit, lat. (Corpus Inscr. VII), praefatio — Das romische
heer in Britannieny Berlin, 1881 (extrait de V Hermes, XVI). Le tome VII des
Inscriptions a depuis re^u des additarnenta dans VEphemeris epigraphica,
1884, p. 231 ; 1890, pp. 273-364.
(3) I^phemeris epigraphica, 1890, n^ 943.
(4) ArohiBological Journal, XXIV, p. 395 (d'apr^s Scarth, Roman Britain),
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 17
(Gratien est tue en 383). Cependant on a trouv^ k Londres des monnaies et un
lingot d'or de VOfjUcina d'Honorius (1). Pour la p^riode qui suit le depart
des 16gions, on a dfeouvert quelques mis^rables exemplaires d'un monnayage
imit6 des Romains, mais aucune monnaie ne porte rempreinte ou le nom d'un
prince romano-breton, ni d'une cite romano-bretonne (2).
L'archeologie n'a releve la trace d'aucune villa bretonne construitfY
d'aprfes les modules romains ; d'aucun ouvrage de for- tification inspire par
les travaux des Romains, ces maitres dans Tart du genie militaire.
§ 3. — Uextinction du latin en Bretagne. — La langue latine, au milieu de cet
^vanouissement subit et, en appa- rence, complet de la puissance romaine en
Bretagne, a-t-elle continue k etre parlee longtemps encore aprfes le depart
des troupes? On congoit la gravity de cette question : si Taffirmative stait
prouvee, il s'ensuivrait necessairement que le latin a M vraiment pendant et
aprfes Toccupation une langue nationale en Bretagne, et qu'une partie
considerable de la population avait desappris le celtique. Par contre-coup,
il y aurait de grandes chances de retrouver chez les Anglo-Saxons, en contact
avec cette population romanis^e, de nombreuses traces des moeurs et des
coutumes romaines.
L'histoire nous permet de circonscrire le territoire ou ce ph6nomfene a pu
avoir lieu. II ne pent pas etre question ici du pays des Dumnonii
(Cornouailles et Devon), ni du territoire des Cornovii, dont les villes
principales ^taient Deva (Chester), Uriconium (Wroxeter) (3), ni du pays de
Galles, non plus que
(1) Scarth, Roman Britain, pp. 134-135 ; cf. p. 139 ; cf. Gtomme,
Romano-british remains. Gentleman's magazine library, 2 vol. Londres, 1887,
p. IX, p. 189.
(2) Gromme, Romano-brit, remains, p. xil.
(3) A Test m§me de Uriconium, on trouve un nom de lieu Pen-Kridge, en
Staffordshire, qui prouve de la faQon la plus nette que le brittonique stait
parl6 dans cette zone, au moment de la conquSte des Angles, et mtoc
probablement longtemps apr^s. P^»-irW</<7C repr^sente le
PennO'Crvciumde Vltineraired'Anto- nin, Le mot est compost de penno = penn
tfite, et crucion de cruoio- monticule, gall, et arm. crug (glose acermis
dans le Cart, de Redon). OruoiO' xemonte k un
2
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18 LES MOTS LATINS
tout le nord de TAngleterre oil longtemps encore aprfes T^tablis- sement des
Angles, on a parl6 celtique. Resterait done en question une partie de Test et
du sud-est; le pays ou on trouve, en eflfet, le plus de traces de villas
luxueuses et de t^moignages de Tactivite roraaine. Une premiere reflexion
s'impose, c'est qu'il est assez etrange, si cette zone, la plus riche de la
Bretagne, a 6i6 complMement romanis^e, qu'on ne trouve ]k comme ailleurs
aucune trace ou si peu de traces des honneurs municipaux, des corporations,
etc., en un mot de ce qui constitue la marque propre de la roraanisation.
Pourquoi en outre, dans ce cas, la Bretagne n'a-t-elle pris aucune part au
mou veraent litteraire remain, si reraarquable dans d'autres provinces, en
Gaule, par exemple (1)? Cependant, si la thfese de M. Pogatscher stait prou-
v6e, s'il stait d^montr^ que les Anglo-Saxons ont emprunt^, en Bretagne, un
nombre considerable de mots latins portant dejk Tempreinte romane et
attestant par consequent par cette Evolution la continuity du langage latin
chez le peuple, on serait, en depit des probabilites, contraint de s'incliner
devant un pareil fait, et d'admettre qu'au moins dans le sud-est, et une
partie de Test, la population bretonne avait iti reellement assimil^e par les
Ro- mains. Les seuls arguments propres k M. Pogatscher sont les suivants :
P Les Anglo-Saxons se servaient du terme de bdc-laeden
vieux-britt. crocio' ; suivant une loi du vocalisme breton, k laquelle 6
latin a st^ soumis, crocio est devenu crilcio. L'l^ brittonique, en particulier
Vil gallois, tend k i, et c'est ainsi que les Anglo-Saxons I'ont rendu (dans
B6de, Diinod (^Dondttis) est transcrit JDinoot). Si crocio etit st6 latin, Vo
flit devenu, en anglo-saxon ^ ou i2 {Rilm', R6m-y Letocetum, mal lu Etocetum
ou Lectocetum (Lichfield) a st6 heureusement identifi^ r^cemment par E.
Bradley avec le caer Lwytcoet des Gallois, nom celtique et qui a 6volu6
celtiquement. Colina^ dans le Lindo-Colina de B6de, aujourd'hui Lincoln^
repr^sente le brittonique Coliin et non une forme romane de Colonia.
(1) II faut regarder comme une pure exag^ration po^tique I'assertion de
Juvenal (Sal. XV).
Gallia causidicos docnit fac^mda Britannos.
De conducendo loquitur jam rhetore Thule.
On pent en dire autant du vers de Martial (Ep. XI, 3) :
Dicitur et Twstros cantare Britannia versus.
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 19
(latin de livre) pour designer le latin savant; de laeden, laede- nisc, pour
designer le latin parle; ils appelaient laeden-^ware les gens parlant latin
en Bretagne. Ce terme de laeden = ladi- nus et non latinus, qui montre
raflFaiblisseraent du t entre deux voyelles, caractfere en effet roman pour
cette epoque, prouverait, dit-il, que les gens qui employaient ce terme
croyaient parler latin, lorsqu'ils parlaient d^jk roman.
2® Les emprunts latins faits par les Anglo-Saxons dans Tile, diflfferent
netteraent de ceux du continent par un trait commun et caracteristique :
TaflFaiblissement des tenues intervocaliques ou le changement de p, ty c,
entre deux voyelles en J, rf, g. C'est pour lui un criterium certain pour
distinguer les emprunts faits au latin par ces peuples sur le continent, de
ceux qu'ils ont faits dans rile. Ce phenomene se serait produit en Gaule vers
400 aprfes J^sus-Christ, et par consequent dans la Bretagne romaine, vers la
merae Epoque. Ce mot de laeden un des premiers empruntfe sans doute, montre
que c'etait un fait accompli dans Tile vers le milieu du V® siecle (1).
Le premier de ces arguments ne nous arrete gufere. Les mots laeden et
bdc-laeden dans la Chronique anglo-saxonne sont employes indiffiSremment. Le
d^but de-la Chronique nous ^difie compl^tement sur le sens qui y stait
attach^ : < II y a quatre langues dans cette ile, Englisc (anglais),
Bryt-wylsc (britto- nique), Scottysc (Scot}, Pihttisc (Picte) et Bdc-laeden
(latin de livre) (2). » De plus, on sait que la Chronique anglo- saxonne pour
T^poque ant^rieure aux VIP- VIII® sifecles a pour source, k Texception d'une
partie des ev^neraents militaires, YHisloria ecclesiastica gentis Anglorum de
Bfede. B^de, x\& en 672, mourut en 735. C'etait un lettre, un ^rudit,
sachant parfaitement le latin ; personne ne connaissait mieux que lui
(1) Pogatscher, ^r lautlehre, introduction ; cf . pp. 5, 7, 8, 12 ; 194 et
suiv.
(2) And her syrid on tha/ui ic^lande fir ^ecteodu : Ungliso, BryUwyUCy Scot-
tysc^ Pihttisc, and Boc-Laeden (Petrie, Mon, hist, Britt^ p. 291).
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20 LES MOTS LATINS
les antiquit^s de son pays. C'est done lui surtout qu'il fallait consulter.
Or, il nous apprend {Hist, Feci., I, chap. I) que € d'aprfes le nombre des
livres dans lesquels la loi divine a &ie 6crite, rile ^tudie et confesse
la science de la v6rit6 supreme en cinq langues : la langue des Angles, celle
des Bretons, des Scots, des Pictes, et celle des Latins, laquelle est devenue
commune pour toutes les autres par la meditation des ^critures (1). > S'il
restait aprfes cela quelque doute sur la pens6e de Bfede, on n'aurait qu'k se
reporter au livre iii, chap, vi, h Tann^e 635-642. Le roi Oswald souraet le
peuple et les provinces de la Bretagne « qui stait divis^e en quatre langues,
celle des Bretons, des Pictes, des Scots et des Angles (2). > Le latin
^videmnient n'existe pas comme langue parlee, et pour Bfede avait cess6
d'exister aprfes le depart des Roraains. Par une rencontre piquante le mot
gallois ladin, latin = latlnus est un mot savant, comme le prouve Tabsence
d'infection vocalique. Populaire, il eut st6 ledin. Pour les termes laeden,
laedenisc , Ideden-ware , laeden-gereord , Ideden-spraec , V. Toller, an
anglo-saxon dictionary. II n'y est nullement question de langue latine parlee
ou de peuple latin en Bre- tagne.
Le second argument, plus sp^cieux, en apparence plus imposant, n'est pas
mieux ^tabli.
Une seule remarque sufflrait k miner tout le systfeme de M. Pogatscher, c'est
que les nombreux mots latins passes dans les langues brittoniques ne portent
aucune trace d*affaiblisse- ment de la t^nue entre deux voyelles, comme nous
I'^tablirons plus bas. On ne pent cependant pas supposer une conspiration et
(1) Haec (insula) in praesenti, juxta nmnerum libromm quibus lex divina
scripta est, quinque gentium linguis unam eamdemque summae veritatis et verse
sublimitatis scientiam scrutatur et confitetur, Anglonim videlicet,
Brittonum, Scottorum, Pictorum et Latinomm, quae meditatione scripturarum
caeteris om- nibus facta est communis.
(2) Denique omnes nationes et provincias Brittaniae quae in quatuor linguas
divisae sunt, id est, Brittonum, Pictorum, Scottorum et Anglorum in ditione
accepit.
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 21
une entente de tousles Bretons pour n*emprunter aucun mot latin k partir du
V® siecle. Les mots latins empruntes par les Irlandais pendant tout le V®
sifecle ne presentent nqn plus aucune trace d'aflfaiblissement de la tenue
intervocalique. Or, il est certain que la plupart de ces mots, k cette
^poque, et les plus importants, leur ont ste transrais par des Bretons (voir
plus bas chap, i, § 3, Con- sonnantisme). Nous pourrions nous contenter de
cette preuve, mais il n'est pas superflu de d^montrer egalement qu'il est
faux que Vaffaiblissement des ienues p, ty c, entre deux voyelles ait eu lieu
en Gaule au F® siecle. Ce ph^nomfene ne s'est pas accompli avant la fin du
VI® siecle.
Les romanistes ne sont pas d^accord sur la date des ph^no- mfenes qui
atteignent les explosives ou muettes p, t, c, b, d, g, entre deux voyelles.
Suivant W. Meyer, Techange entre b et v^ le passage des explosives sonores ou
moyennes, b, rf, g en spirantes, aurait eu lieu au II® siecle aprfes
J^sus-Christ. L*6volution des tenuesp, t, c, en J, rf, g, serait egalement
ancien et on en trouve- raitde frequents exemples dans les textes, ipartirdu
VI*sifecle{l). Cependant les exemples cit^s par M. Schuchardt, pour la Gaule,
sont en general du VIP sifecle (2). Dans les documents de Tepoque
merovingienne, le d pour t (3) est assez frequent, mais ces docu- ments sont
en grande partie de la seconde moiti^ du VP ou du VIP sifecle. Nous avons un
moyen beaucoup plus sur et moins discutable de fixer la date ou le phenom^ne
de Taffaiblissement des t^nues intervocaliques s'est produit en Gaule. Les
Bretons ont commence leur mouvement d'emigration en Armorique, peu apres
Tarriv^e des Saxons, c'est-k-dire, dans la seconde moiti^ du V® siecle. Sans
parler de la presence des 12,000 hommes de Riothime, qui ont penstre en Gaule
par la Loire et avaient sans doute deji touche terre en Armorique pour ne
plus y revenir, la
(1) W. Meyer, Gh-undriss^ pp. 363, 23.
(2) Schuch., Vokal.j I, pp. 123 et suiv.
(3) Cf. d'Arbois de Jubainville, Jiotnatiia, I? P- 318.
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22 • LES MOTS LATINS
presence des Bretons est signal6e vers la fin du rhgne de Clovis (1). lis
sont d&]k puissants dans la seconde moitie du VI® sifecle. Un chef,
Conomorus, livre bataille k Clotaire en 560. Le deuxiferne concile de Tours
en 567 fait une distinction entre les Bretons et les Romains d'Armorique.
Quand Felix de Nantes va invoquer la pitie du chef breton Weroc en faveur de
ses ouailles, il le trouve k Aula Quiriaca (Gu^rande) (2), ce qui prouve que
sur la cste sud, k cette epoque, vers 579, les Bretons avaient kpeuprfes
atteint la limite extreme ou devait s'^tendre leur domination. Le pays occup6
par les Bretons stait tout entier de langue romane. II ne pent rester sur ce
point important le plus leger doute. Bon nombre de lieux, en effet, r^pandus
par toute la Bretagne, et incontestablement d'origine gallo-romaine, au
premier rang les noms en ac, presentent, k T^poque ou ils ont ei6 adoptes par
les Bretons, les caracteres sp^cifiques du roman, caractferes totale- ment
strangers au celtique, notarament au brittonique. Les prin- cipaux sont :
P La confusion entre deid dont la distinction est rigoureuse- ment maintenue
par les Bretons et les Gaels : Va du suffixe -acus stait long primitivement;
il est ac en Armorique; s'il avait con- serv6 sa qualite, il serait
successivement devenu -oc, oc, ec, {6c) dans la bouche des Bretons; pour eux,
il eut la valeur de leur d bref et, comme tel, conserva son timbre, Ce
suffixe, d'origine gauloise existe en brittonique et a effectivement les
formes que nous indiquons : Messac=Mettiacus, mais Ploi-Caioc (Catoc=:
*Catdcos), Plell'Cadeuc. On peut citer encore le traitement de u gaulois dans
quelques noms de lieux : Cambon (Loire-Inf(§- rieure) = "^^Cambodunum^
Cambidonno sur les monnaies
(1) Revue de Bretagne et de Vendde^ Janvier 1885. Une lettre des trois
6vSques de Tours, Angers, Rennes, menace les prStres bretons Lovocatus et
Catihernus de rexcommunication, k cause de certains usages religieux entach^s
d'h^r^sie, selon ces rigides gardiens de I'orthodoxie. Ces pr^tres et leurs
fiddles staient fort probablement campus sur un point quelconque de I'^vSch^
de Rennes. Cette lettre, fort importante et curieuse, a st6 publi^e par M.
I'abb^ Duchesne.
(2) Greg. Turon., Hist, Frang.^ IV, 4 ; V, 32.
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 23
m^rovingiennes (1). En brittonique, on aurait eu non CamJon mais Camdin : ce
serait aujourd'hui Camzin,
2** L'assibilation de ci + voyelle, ti + voyelle, sci + voyelle aboutissant
en frangais moderne ^ ^ ou z (2), assibilation inconnue du brittonique:
Messac (Loire-inf^rieure) = Meitiacus; Marsac en Carentoir, en Serent
(Morbihan) = Martiacus ou Marciacus; Avessac = Avittiacus; Milizac, en Leon
(Finis- ihre) et Milizac, en Persquen, aujourd'hui Saint- Vincent, canton de
Gu6men6-sur-Scorff (Morbihan) = Militiacus. Pissac en (B^ganne) (3) =
Pisciacus; Cassac en N^ant = Caitiacus ou Captiacus; Venezia nom deTile
appelePZa^= Venetia (Cart, de Redon, p. 193).
3** Le changement de ci ou de ce en s : Missiriac = Mice- riacus {Miceriac en
1130); c, g restent durs en brittonique.
4° Le changement de ge ou gi en rf/, j, villa lermanac en Bain, aujourd'hui
Germiniac= Germaniacus (Cart, de Redon, p. 150, en 826-834).
5® Le maintien de Vs entre deux voyelles, quand elle a disparu en brittonique
avant T^migration, c'est-k-dire, dfes le commen- cement du V® siecle :
Izernac en Muzillac = Isarnacus.
6° Letraitement des tenues doubles tt, cc^ ppdevenant ^, t?, jo, tandis
qu*elles evoluent, en brittonique, en toute situation, en th^ ch, f\ Agueneac
=^ Acciniacus ; cf. Avessac = Avittiacus.
7° Le changement de x en i spirant 4- s : Busito (Cart, de
(1) D'Arbois de Jubainville, Recherches sur I'origine de la proprUU fonciere
et des noms de lieux habites en France (p^riode celtique et p^riode romaine).
Paris, 1890, p. 181.
(2) Toutes les fois qu'en fran^ais moderne nous avons un nom termini en jsi
(^rit m), la desinence remonte k -siacus ou k -tiacus non appuy^ ; toutes les
fois que nous avons -ci (js dure et non 2), la desinence remonte k 'Ciacvs ou
4 tiacta appuy6 (G. Paris, Romania^ XIX, p. 474).
(3) Cf. Pi8»y^ dans la Somme (d'Arbois de Jubainville, Recherches^ p. 283).
Le changement en armoricain Aq t oxi d -\- j Q consonne) en J, est
relativement moderne et a un tout autre caract6re que le ph^nomene roman.
C'est une assi- milation de d spirant k j spirant : Prijent = Prit-jcnt en
passant par Prict- jerit. Rajendajos Lanrajen^ Lan-Rajcn = Ratgen^ Rod-gen^
en passant par Rad-jen.
Cest un pli^nom6ne analogue k celui qui s'est produit devant w spirant : Tud~
waly Tuzoal pour Tut-wal.
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(delwedd B8130)
(tudalen 024)
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24 LES MOTS LATINS
Landevennec) = buxetum; en brittonique, x aboutit k ch (spirante sourde).
En somme, le vocalisme et le consonnantisme des noms de lieu que les Bretons ont
trouv^s en Armorique sont nettement romans, et essentiellement diff^rents du
vocalisme et du conson- nantisme brittoniques, a la merae 6poque. Les noms de
fundi^ en -<2C, i-ac d6riv6s de noms latins (gentilices et cognomina) sont
trfes nombreux, en Armorique. Le Morbihan actuel en compte pr^s de cent. Dans
la partie la plus fortement et la plus anciennement bretonis6e et
actuellement encore de langue brit- tonique, ils sont relativement rares :
les Bretons s'y sont, sans doute., etablis en masses plus com pactes; le
travail d*elimination et de transformation des noms de lieux romans s'y est
op6r6 sans que nous puissions le suivre, tandis que pour la partie est du
Morbihan, et les regions avoisinantes, le Cartulaire de Redonnous renseigne
suffisamment dfes la fin du VHP sifecle. Les noms de lieux en -ac ont ete en
diminuant. Dej^, au IX® sifecle, nous constatons des Eliminations de nems
romans au profit de noms bretons : Vilar Eblen {villare Eblen^ peut-etre meme
Villare Blen), dans la meme charte prend la denomination bretonne Bot Eblen
{bot demeure) (1). On lit dans une charte de 832-868 : Virgadam terrse que
appellatur Chenciniac, que alio nomine nuncupatur Ran Conmorin : la premiere
appellation et le premier nom sont gallo-romans ; le Ran Conmorin est complfetement
breton. Neanmoins, on peut ^valuer encore k plus de deux cents le nombre des
noms de lieux authentiques en -ac. Or, ces nomSf absolument en periode d'
evolution y^omane au moment ou ils ont ete adoptes par les Bretons^ ne
presentent aucune trace de V affaiblissement de la tenue inter vocalique. Le
brittonique, dans Tecriture, k partir du X®-XP sifecles, et
(1) Cart, de Kedon, p. 166, en 861. Le cartulaire de Tabbaye de Saint-Georges
nous a conserve un exemple curieux d'accommodation d'un nom gallo-romain au
brittonique par un l^ger cliangement de suflBxe : Campanoc en Tint^niac
. (XI® si^cle). Le sufl^e seul est brittonique. La forme Camipanoc est
assur^e par
la forme modeme Campaneuc,
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(tudalen 025)
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 25
avant, sans aucun doute, dans la prononciation, change p, t, c entre voyelles
en J, d, g; b, d, g en v, j (i spirante) et d (spirante dentale sonore,
aujourd'hui, en Leonard, z frangais) : Madec = Matoc ^'^Matdco-s; Hegar =
Hu-car = *Su-CarO'S; Mabon = Maponos ; aval = vieil armor, abal porame; mael
dans Tiem-mael = magilos; Buzic = Bodico-Sy etc. 11 est clair, que si k
T^poque ou le brittonique a adopte les noms romans en -ac, p, t, c, dans ces
noms, staient devenus b, d, g^ ils pr&enteraientji Tepoquemoderne lameme
Evolution que b, rf, g brittoniques, c'est-^-dire qu'ils seraient devenus r,
z^ j [j disparait danfe certains cas, suivant des lois connues). Or, nous
trouvons partout, k Tepoque moderne, k la place de jo, #, c, sim- plement b,
rf, g, Agueneac (Morbihan), au XIP siecle Aguiniac (prononcez Agigna avec g
<3i\xv) = Aciniacus {c = quo\xcc)\ Cadelac (1) = Caiulacus; Quedillac (2)
= Catuliacus (cf. Chailly); Agulac = Aculiacus (3); Radenac (Morbihan) =
*Ratinacus (4) [LoudeaCy Locduiac dans le Cart, de Redon = Lucoteiacum
probablement), etc. Si a T^poque ou ces lieux sont venus au pouvoir des
Bretons, p, ty k ^taient passes k b, rf, g, nous aurions eu : Ajiniac (/, i
spirant) et Ainiac; Cazelac et non Cadelac, Aiulac et non AgulaCy Razenac et
non Radenac (5). Les noms de lieux autres que les noms en acy montrent
egalement la t6nue intervocalique conserv^e au moment de la prise de pos-
session bretonne. Namnetes=Naoned; Veneti=Gwened; Siata = Hoiaty Houat; Atica
(et non Arica) = Hedic^ etc. Supposons la t^nue changee en moyenne, p, t, c
devenus 6, d, ^, on aurait
(1) G. de Cadelac (Anciejig Eveches de Bretagne, par Geslin de Bourgogne et
Anat. de Barth^l^my, III, p. 140, ann^e 1261) ; sa terre est en H^nansal
(Cstes-du-Nord) ; cf. Cadellac, en Noyal-Pontivy.
(2) Qu6dillac, sur la Ranee, ^vSch6 de Saint-Malo (^Anc. Evechis de Bret.^
Ill, p. 251).
(3) Cart, de Redon en 850, p. 367 (cf. Eguilly'). Append., Agnliac.
(4) Cf. Ratinia ingenua (Inscr. Qall. Cisalp. ; Qyrp. Infer., VI, 4904).
(5) Citons encore Merdrignac ■=. Matriniamis (Cstes-du-Nord) ; le
Cartulaire de Tabbaye de Saint-Georges donne Medregnac (1220) ; MHreac
(llle-et-Vilaine) repr^sent^ dans le Cart, de Redon sous la forme pen exacte
probablement de Motor iuCy Modoriac.
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(delwedd B8132)
(tudalen 026)
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26 LES MOTS LATINS
aujourd'hui, sous une forme l^onarde Naonez, Gwenez, Hoaz^ Hezic et ailleurs
Gwene, Houa, Heic, Les nombreux noms de village en Faouet {Faouedic
diminutif) = fagetum (1), et pr6- sentent t ancien. Buzid = Busito et non
Busido (2).
Si on cherche k fixer la date de la prise de possession de ces pays romans
par les Bretons, on se trouve en presence d'une periode qui s'^tend du milieu
du V® sifecle au commencement du VIP sifecle. Quelques-uns .ont ete en leui*
pouvoir dfes la fin du V® sifecle; mais il est absolument invraisemblable que
tow5 les lieux le plus k Test, ceux des territoires de Rennes et Nantes aient
ste occup6s avant la fin du VP sifecle. Ces terpitoires n'ont ste
d^finitivement au pouvoir des Bretons qu'au milieu du IX® sifecle. Comme
leurs noms pr&entent tons les memes caractferes et qu'on ne pent faire
entre ceux de Touest et de Test aucune difference au point de vue qui nous
occupe, on pent affirmer qu'en Gaule, au moins dans la Gaule au nord de la
Loire, les t^nues intervocaliques n'ont pas subi d'affaiblissement marqu6
avant la seconde moiti^ du VP sifecle. Les exemples qu*on en pent citer
prouvent tout au plus qu'il y avait une tendance vers Taffaiblissement. Les
documents m^rovingiens semblent bien indiquer qu'au commencement du VIP
si&cle, c'^tait un fait accompli. Dans le testament de Bertrannus, ^veque
du Mans, datant de 615, je relfeve parmi les noms en -i-acus : Bructiago ,
Comariago , Crisciago , Vitimiago , Silviago , Redonatiago (3). Dans une
charte de 570, on trouve Villa VigatOy Fagido, Ternesrigo^ Moncostigo (4).
Ainsi s'ecroule tout Techafaudage sur lequel M. Pogatscher avait etay^ sa
th^se. Les mots latins passes en ariglo-saxon et
(1) Dans le nom de lieu Lis Colroet, Colroet vieht probablement de Colyretum
pour Corylettt/m ; of. le Cmidi'oi en Tint^niac (Cart, de Saint-Georges, XII®
si^cle).
(2) On remarquera aussi que les voyelles atones posttoniques sont conserv6es
: Namnetes (Nantes) = Naonet ; Veneti (Vannes) =r Gwened ; MedOnes (Rennes) =
Roazon.
(3) Pardessus, Diplom.
(4) Ibid., p. 132.
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(delwedd B8133) (tudalen
027)
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DANS LES
LANGUES BRITTONIQUES. 27
presentant le trait caracteristique de Taffaiblissement de lat^nue
intervocalique orit ete empruntes probablement fort lard au roman de la Gaule
: les rapports des Anglo-Saxons avec les rois francs sont bien connus.
Aedilberct qui r^gnait dans le pays de Kent en 560-616 avait epous6 Bercta la
fllle de Chariberct. Elle avait M accompagn^e de Teveque Liudhard. Depuis
cette ^poque, qui est aussi celle du commencement de la conversion des
Anglo-Saxons, les rapports ont ete trfes intimes entre rile et la Gaule (voir
sur ce point BMe, Hist, Bed, gent, AngL lib., I, cap. XXIII et suiv ). Les
pretres et eveques saxons fuient la society des Celtes, regard^s par la cour
de Rome, k peu prfes corame schismatiques et qui, de leur cst6, en
particulier les Bre- tons, ont pour eux une veritable repulsion ; ils sont la
plupart du temps instruits et ordonnfe par des membres du clerg6 des Gaules.
II ne faut pas oublier non plus qu'il y avait k Tepoque m^rovingienne, un
^tablissement important de Saxons dans le Bessin. Les incursions des Saxons
de la Loire sont bien connues. Parmi les mots latins passfe en anglo-saxon et
qui ne pr^sentent pas le ph^nom&ne de TaflFaiblissement de la t^nue, il y
en a sans aucun doute qui ont ii6 empruntes aux Bretons. A regarder de prfes
d'ailleurs les mots latins que les Anglo-Saxons ont empruntes depuis leur
arriv^e dans Tile, on s'apergoit bien vite qu'ils sont peu importants et que
le nombre n'en rachfete pas la qualite. On pent poser en principe que les
mots latins en anglo-saxon que Ton neretrouve pas chez lesGermains du
continent ont 6i& empruntes depuis I'immigration en Bretagne. Voici ces
mots sous leur forme latine. Je prends comme base Tindex de M. Pogatscher, en
eli- minant ceux qui leur sont communs avec les Germains du continent^
d'aprfes la liste des mots latins en germanique donnee par Kluge (1) (environ
324 mots) : je laisse de cote quelques termes eccl^siastiques.
(1) Gh^mdriss der OerTnanischen philologie, publi^e sous la direction de H.
Paul, t. I, p. 309 (Strassburg, 1889).
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(delwedd B8134)
(tudalen 028)
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28
LES MOTS LATINS
abrotonum.
cepa.
hyacintus.
adamas.
centauria.
insigillum.
aloe.
cliaerephyllum.
insula.
alumen.
circulus.
lacus.
amula.
clusa.
lactuca.
amygdala.
cithara.
Meatus.
astula.
coclearium.
lampreda.
asphaltum.
coliandrum.
latinus.
balsamita.
costus.
lentem.
benna.
crista.
leuca.
berbena {verbena).
crystallus.
ligusticum.
betonica.
crocus.
lorica.
bibliotheca.
crux.
magister.
bisaccium.
crypta. '
malva.
bisextus.
cuculla.
marmor.
breviare.
cuffla.
marrubium.
boxus (biLxus),
cuneglosea.
mercatus.
bulla.
denarius.
merx.
bursa.
dictum.
milia.
caldarium.
dommz4s(sensreligieux) mons.
calendae.
ebulus.
mortarium.
camelus.
electrum.
muscula.
camisia.
ervum.
myrrha.
cancer.
falsus.
nepeta.
capitulum.
febris.
offerre.
capo.
phoenix.
oleum.
cappa.
fibula.
origanum.
cacepollus?
ficus.
ostra.
capulu^.
fons (religieux).
partem.
caroenum.
gigas.
pave.
charta.
gladina (jgladiolus?).
pellicia.
casellum.
glossa.
pila.
cassis.
gradus.
pimentum.
castra.
graphium.
pinus.
caucus.
helene.
pira.
cedrus.
hibiscus.
pisum.
cheltdonia.
humulus.
plastrum.
poena,
pondus.
ponto,
partus.
proposittis.
probare,
psittacus.
pumex.
pungere.
purpura.
quartarium.
quatemio,
regula,
ruta,
salmoria,
salvia,
sappus.
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(delwedd B8135)
(tudalen 029)
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES.
satureja. tappetum,
schofa. tegilla.
scrinium , temper are.
*scrofella (6crou6lles). teredo.
29
secale.
seta.
sigillum.
signum.
soccus.
solsequiae
sorbea.
sottus.
species.
sporta.
storax.
struppus.
talentum.
tessella.
titulVrS.
tractare.
tribulare.
tructa.
tunica.
tumare.
turris.
unnio.
versus.
vespa.
vitella.
La tr^s grande majority de ces mots est venue aux Anglo* Saxons par T^cole et
les roonast^res, particuli^rement les nombreux noras de plante. Ces derniers
forraaient une partie importante de la science ro^dicale des moines. Les
quelques mots qui peuvent avoir une signification caldarium^ castra, caroe-
num, caucus^ denarius, lorica, mercatus, pira, pisum, poena, pondus, ponto,
portus, soccus, vespa, existaient chez les Bretons avant 1 'invasion et leur
ont st6 sans doute em- pruntes. Secale^ tructa existent en cornique et en
armoricain. Sottus se retrouve dans le gallois soth-ach. Les mots latins
emprunt^s par les Anglo-Saxons sur le continent et qui leur sont communs avec
les autres Germains, sont infiniment plus impor- tants que ceu^ que nous
venons d'enum^rer (voir plus bas p. 53). lis prouvent de la fagon la plus
claire que les Germains du nord comme ceux du sud avaient st6 profonde- ment
remu^s, avant T^poque des invasions, par Tinfluence
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(delwedd B8136)
(tudalen 030)
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30 LES MOTS LATINS
romaine (1). Les mots celtiques emprunt^s par les Anglo-Saxons en Bretagne,
n'ont jamais ^te serieusement studi6s; la liste donn^e par Skeat (2), aurait
besoin d'etre complfetement rema- niee : certains mots importants ne s'y
trouvent pas. Skeat, comme d'autres, est trop porte k considerer comme
celtique ce qu'il ne d^ouvre pas ailleurs. Un d^pouillement s^rieux des
chartes, T^tude des noms de lieux, des patois anglais, donne- raient aussi
sans doute d'int6ressants r^sultats. D^s maintenant, les termes soit latins
d'origine, soit purement celtiques, em- prunt^s par les Anglo-Saxons aux
Celtes, depassent de beau- coup en portee ceux qu'ils ont pu tirer du latin
des ecoles et des monastferes.
D'aprfes ce qui pr^cfede, on pourrait d^jk conclure avec s6cu- rit^que la vie
latine et sa plus haute manifestation, le latin, avait disparu de Bretagne
avec les troupes romaines. Le linguistique romane nous permet de le prouver
directement et d'une fagon en quelque sorte tangible.
L'assibilation de ti + voyelle, sinon celle de ci + voyelle a commence
surement au V* sifecle, sinon avant. Les inscriptions nous en fournissent des
exemples anciens : Crescentsianus (140 avant J.-C); ocio (189 aprfes J.-C);
observasione^ au V® sifecle, d Lyon; au V® sifecle, a Treves , Constancio,
milicie. C*4tait un fait absolument accompli dans la deuxi^me moiti^ du V®
siecle. Ttow^les noms de lieux en -ac% adoptes par les Bretons en Armorique
ont ddjk ti + voyelle assibil^s : Messac = Met-- tiacus ; Cassac = Cattiacus;
Avessac = Avittiacus; Marsac en C'dventoiv = Mar liacus, etc. : Cf. Tissue en
Ambon, Causae en Saint-Grav6 (Morbihan) = Cantiacus; cf. Resac en Caden
(Morbihan); liessac en Saint-Perreux (Morbihan); Causae en Trinit^-Porhoet
(Morbihan) ; Puzae en Plaz ; Priziac en Pleu- cadeuc; Priziac sur I'Ell^;
Venezia dans Tile de. Plaz (= Vene^
(1) Voir Kluge, Oruiidriss der rom. phil., I, p. 309.
(2) Skeat, an etymological dictionary of the english language, Oxford 1884,
p. 761.
V- . J^ . .
J
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(delwedd B8137)
(tudalen 031)
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 31
tia)y etc. Plusieurs de ces noms appartiennent k des regions de bonne heure
occupees par les Bretons. II y a un Milizac=Miii' tiacus en Leon et k
I'extremite ouest du pays de Vannes; nous tenons ici le nom d'un lieu occupy
surement dfes les debuts de r^raigration, que les Bretons se sont appropries
dhs la seconde moitie du V® sifecle et pr&entant nettemeni Tassibilation
de it + voyelle (1). Or, aucun des 600 A 700 mots latins passes dans les
langues hrittoniques , k part le gallois neges affaire, message, qui se
d^nonce comme un emprunt bien post^rieur k Toccupation roraaine et fait au
moyen-&ge, par la conservation du g intervo- calique, ne presente de
trace d'assibilation (2). II faut done que les emprunts latins aient
complMement cess^ au d^but du V* siecle, au moins dans le premier tiers de ce
sifecle, c'est-k- dire pr^cis^ment au moment du depart des legions. On ne
peut all6guer Tinvasion saxonne puisqu'elle n'avait pas commence. Au surplus,
Tinvasion ayant laisse la plus grande partie de la Bre- tagne intacte j usque
vers le milieu du VP sifecle, ne saurait avoir st6 un obstacle k Temprunt des
mots latins en zone encore bretonne, surtout dans les villes que Ton sait
avoir st6 d'im- portants centres romains comme Chester, Wroxeter, Bath,
Gloucester, Caerleon-sur-Wysc (Isca), Cirencester, York. Si on rapproche de
cet argument irrefutable, le fait de la ces- sation de la vie roinaine en
Bretagne k la meme ^poque, attest^e par I'arch^ologie, il devient de toute
evidence que les Anglo-Saxons ne se sont trouv^s en contact k leur arriv^e
(1) Militia ^tait un nom de gens romaine : Militius Titullinus, Corp. Inscr,
lall, XII, 2272 ; cf. De Vit, Onomasticon.
(2) Une preuve encore curieuse de I'assibilation complete de ti + voyelle^ au
V" siecle, c*est I'expression favorite attribute par Cormac, qui
6crivait, au IX® siecle, k Saint-Patrice : grazaeham gratiag agimus ou plutst
gratias ago. Le mot ^tait rest6 chez les Scots, sans qu'on en comprlt bien le
sens exact. (^Cormac au mot granticum graziamim, traduct. Stokes, p. 84).
Pa^ri^w* est pass^, en irlandais, avec c dur, ce qui peut s'expliquer par le
fait que le.nom du saint, depuis longtemps introduit chez les Bretons, avant
I'^poque de I'assibilation, est rest6 avec sa prononciation bretonne ou
peut-Stre aussi parce que I'assibilation de ci + voyelle a st6 un peu
post^rieure k celle de ti + voyelle. La premiere
^ hypoth^se est plus probable.
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(delwedd B8138)
(tudalen 032)
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32 LES MOTS LATINS
qu'avec des peuples de langue celtique (1). Le latin n'existe plus que pomme
langue de I'Eglise.
§ 4. — Les traces de V occupation romaine dans la civt- lisation matdrielle
et morale. — Une entreprise poursuivie pendant quatre cents annees par le
peuple le plus colonisateur du monde, aurait-elle done si piteusement avorte
qu'elle n'ait laiss^ aucune trace?
Au point de vue de la civilisation mat^rielle, la Bretagne du IV® -V®
sifecle, parait assez differente de la Bretagno du temps de la conquete.
Avant Tarriv^e des Romains, les Bretons n'avaient pas de villes : leurs
oppida ^taient de simples fourres defendus par un fosse et des
retraiichements. Ceux de rint6- rieur ne cultivaient pas le ble; ils vivaient
de viande et de lait et ne connaissaient pas le fromage. Tous se tatouaient.
lis etaient \etus de peaux. La polyandrie ^tait chez eux en vigueur (2). Leur
commerce consistait en ^change de b^tail, de peaux, d'esclaves, de m^taux,
or, argent, fer, contre des bracelets d'ivoire, des colliers, du verre et autres
objets de peu de valeur (3). lis connaissaient cependant Tusage de la monnaie
(4).
Au IV® sitele on vante la fertility et la richesse de la Bretagne ; elle se
nourrit elle-meme et fournit k d'autres provinces (5). Pline constatait d^jk
que les Bretons etaient assez avances en agriculture pour se servir de la
marne comme engrais (6). II s'agit sans doute ici surtout de Test et d'une
partie du centre. Les edifices romains, les villas sont nombreuses, mais ne
sont-ce
(1) Le premier pays sur lequel les Anglo-Saxons aient mis le pied est le
Cantium ou Cantia. II est devenu Kent en anglo-saxon. On voit done qu'il ne
pr6sente pas la moindre trace d'assibilation, ce qui n'efit pas manqu^ de se
pro- duire si la population de ce pays, au milieu du Ve si^cle, avait parl6
roman.
(2) Caesar, de hello gall., IV, V, ~ 23 ; cl Pomponius Mela, III, 6.
(3) Strab., Geogr., IV, 5.
(4) Voir sur ce point Petrie, Man, hist, brit., C II — C III.
(5) Eumen., panegyr. Const. Caes^ 9-19. Incert. paneg. CoJigt. Aug, c. 25,
Mit. Arntzen, apud Petrie, Mon. hist, brit,
(6) Pline, Hist nat., XVII, 4.
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(delwedd B8139)
(tudalen 033)
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 33
pas en grande partie des strangers, vst6rans, magistrals, rnar- chands qui
les habitent, avec un petit nombre de Bretons roma- nis^s?
Au XII® sifecle les Bretons de Touest, les Gallois, semblent etre k peu prfes
au meme point que leurs ancetres k Tepoque de Cesar. Le t^moignage des lois
galloises, contr616 par le t^moignage irrecusable d'un temoin oculaire,
Giraldus Cambrensis, gallois par sa mfere et normand par son pfere, ne
saurait etre mis en doute. lis n'habitent pas dans les villes, ils ne se
groupent point par bourgades, mais vivent isol^s dans les bois, sur la
lisifere des forets ; leur habitude est d'^lever non de grands palais, des
constructions somptueuses faites de pierres et de moellons, mais de simples
cabanes form^es de branches flexibles, avec aussi peu de travail que de
depenses (1). Ils mfenent la vie pastorale, se nourrissent du produit de
leurs troupeaux, de bouillie d'avoine, de lait, de beurre, de fromage ; ils
mangent plutdt de la viande que du pain (2). Le soir, du jonc etendu sur la
terre et reconvert d'une etoffe grossifere, fabriqu^e dans le pays, leur sert
de lit; le Gallois dort 1^-dessus, reconvert de son l^ger manteau, les pieds
tourn^s vers le feu que chacun dans la demeure entretient tour k tour (3). Un
des privileges du roi en Nord-Galles est d'avoir un homme charge d'entretenir
le feu dans sa maison pendant la nuit. Les nobles eux-meraes marchent pieds
nus (4). Leur seule occu- pation est la guerre. Ce ne sont pas seulement les
nobles comme ailleurs, c'estle peuple tout entier qui eat pretkcourirauxarmes:
aussitdt que la trompette guerrifere se fait entendre, le laboureur n*est pas
plus lent k abandonner sa charrue que le courtisan le palais (5). En temps de
paix et pendant la jeunesse, ils s*exercent k p6nstrer dans les forets et les
lieux escarp^s, k franchir les hautes montagnes, s'y employant nuit et jour,
ne revant que
(1) Girald. Cambr., Cambr, desoript,^ c. 17.
(2) Ihid,, c. 40.
(3) IHd., c. 10.
(4) Cambr, descriptj c. 8 ; Itinerar. Cambr.j II, 4.
(6) 2lnd,f C. 8 — Cf. Qualter Mapes, de nugis curial. DistiTietj II, c. 20.
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(delwedd B8140)
(tudalen 034)
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34 LES MOTS LATINS
combats, et pr^ludant k la guerre en s^exer^ant au maniement de la lance et en
s*endurcissant aux fatigues (1). Le fils rougit deson pfere s'il est mort
sans blessures ; aussi voit-on peu de Gallois avee des cheveux blancs (2).
lis regardent comme un deshonneur de mourir dans un lit, comme une gloire de
tomber k la guerre (3).
Les Gallois sont groupes par tribus, compos^es d'un certain nombre de
families remontant i un ancetre commun. Tons les membres de la tribu unis par
les liens du sang sont egalement libres et theoriquement igaux.
En th^orie, la terre appartient k la tribu ; la responsabilit^ est
collective; le chef {pen-cenedl) est 61u k vie (4).
Au point de vue de la justice, les Gallois sont au meme point que les
Germains des temps m6rovingiens. Leur galanas (prix du meurtre) et saraad
(prix de Tinsulte ou des mauvais trai- tements) r^pond exactement au wehrgeld
germanique.
Les lois sur TWritage sont caract6ristiques. Les fils se partagent Egalement
Th^ritage de leurpfero; seulement le plus jeune a la principale residence. Le
reste est r6parti par parts ^gales, mais le plus jeune choisit le premier.
La vie intellectuelle, en dehors des monast^res, ne presents absolument rien
qui rappelle la civilisation romaine. Elle est caract^ris^e par le bardisme,
la culture de la po^sie et de la musique.
En somme, malgr^ certaines alterations, quoique le syst^me tribal soit moins
pur qu'en Irlande, la sociste galloise a conserve les traits encore
essentiels de I'^poque pr6-romaine et de la tribu celtique. Elle repose sur
le principe de la consanguinity, tandis que la ftedalit^ repose sur la terre,
et le systfeme meme de la
(1) Cambr, deser.^ t. VIII.
(2) Gualter Mapes, Bist.^ II, c. 23.
(3) Ckxmhr. descript., c. 8. J'emprunte ce tableau, tir6 presque
textuellement des auteurs cit^s, k mon travail sur VEmigr. lyret.^ chap, v, §
2.
(4) Tout cela et ce qui suit repose sur les A ncient laws of Wales ^ Mit.
Aneurin Owen, Cf. Ferd. Walter, JDas alte Wales, Bonn., 1859 ; Seebohm,
Village com- munity, Lond., 1884, chap. VI, Vll passim; J. Loth, Vihnigr,
hret, en Arm,, chap. Ill, § 2.
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 35
proprist6, tout alter^ qu'il est, suppose k la base la vie pas- torale.
L*unit^ d*echange est encore, dans les lois, la vache, le boBuf : trait
frappant, reste important de T^poque ou la richesse consistait en troupeaux,
en valeurs mobili^res. Les anomalies assez nombreuses que Ton rencontre dans
les lois galloises viennent de ce que des traditions d'^poques di verses s'y
trouvent melees.
Ces conclusions sont d*une parfaite logique, si on n*examine que le Gallois
de race, le Cymro {^^^Com-brox ^ compatriote, homme du meme pays), le clan
des hommes libres.' Mais ces Cymry ne forment gufere que la moiti6 de la
socist6 galloise. Le reste se compose d*esclaves {caeth = "cdcto-s,
captus) et de Tilains, colons {taeog^ aillt: ailltj primitivement, stranger).
La condition de I'esclave n'a pas change. II n'a pas de wehrgeld et est
assimile k Vanimal.
Dans Torganisation de la classe des taeog, Tinfluence romaine est manifeste.
Le taeog ressemble trait pour trait au colon remain sous les empereurs.
Le colonus se distinguait de Tesclave, en ce que les lois le qualiflaient
d'ingenuus et Topposait k Tesclav^, quMl cbntractait un veritable mariage,,
qu'il pouvait poss6der k Hire de propri^taire, quoiquMl ne lui fut pas permis
d*ali^ner sa terre.
U ressemblait k Tesclave principalement en ces points :
Le colon est appel6 serous terrae et oppose aux liberie il n*est pas
propri^taire du sol colonaire ; il est suppose avoir un patron [patronus) ou
un maitre {dominus); il est vendu avec le fonds qu*il occupe ; la loi le
declare incapable de parvenir aux honneurs et de faire le service de guerre.
II a besoin de Tauto- risation de son maitre pour entrer dans la cl^ricature.
II est compris avec les esclaves, dans la description des terres (1).
Le iaeog gallois diff^re de Tesclave, en ce qu*il a un galanas
(1) Garrard, Polyptique d'lrminon^ I, pp. 228-229.
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36 LES MOTS LATINS
(wehrgeld), et que ses droits sont r6gl6s par les lois, tandis que I'esclave
n'est rien et que la justice n'a pas plus ks'occuper de lui que de ranimal,
en cas de meurtre meme. Ildifi^reessentiellement de rhomme libre, en ce qu'il
relive toujours et necessairement d*un chef ou d'un grand ; qu'il n'est pas
propri^taire du sol qu'il cultive et dont il ne peut rien vendre sans I'autorisation
de son maitre : on le vend avec la terre qu'il cultive (1); qu'il ne peut
parvenir k aucune charge; qu'il ne pouvait sans autorisation de son raaitre,
se livrer k I'^tude, k la m^tallurgie et au bardisme (cela out ^quivalu k un
affranchissement, ces trois occupations conf^rant la liberty k ceux qui les
exergaient).
Les taeog sont sp^cialement sous la domination d'un maer et d'un canghellawr
(cancellarius); le maer r^pondant au villicus. Le mot maer est emprunt^ au
latin major.
Une classe de laboureurs analogues aux cotom remains pouvait assur^ment
naitre dans une soci^t^ barbare organis^e par tribus. L'exeraple des Germains
du temps de Tacite le prouve; leurs servi ressemblent aux coloni romains (2).
Les vassaux non libres, du chef gaulois, travaillant ses terres, seront des
coloni le jour ou le domaine du chef deviendra proprist6 immobiliire
individuelle, et se transformera en fundus. Mais ce ne sont \k que des
tendances. Nous avons, en Galles, on peut dire, identity. On remarquera de
plus que le clan ne possfede pas de tenure colonique. Ces tenures
appartiennent aux rois ou aux grands seuls. C'est done une creation qui s'est
faite k cst6 de la tribu et non une institution qui en soit sortie. II y a Ik
sans doute une imitation de ce qui avait du exister sur une vaste Schelle
dans les parties les plus roraanis6es de la Bretagne. L'uchelwr (grand)
gallois a constilue, comme le propri^taire romano-breton, la proprist6 qu'il
s'est arrog^e avec ses taeog pour coloni et son maer comme villicus.
Dans le nord de la Bretagne, le systfeme tribal s'^tait naturel-
(1) Kowlands, Antiquitates paroch, QArch, Cambremis, I, p. 390).
(2) Tacite, Oermania, 26.
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 37
lement aussi maintenu. En 1606, dans le Cumberland, pays rest^ de langue
brittonique plusieurs slides apr^s la conquete anglo- saxonne, nous trouvons
un exemple curieux de conservation du sjst^me de clan. Le clan des Grames,
command^ par Walter Grame, the gude man of Neiherby^ devenant trop turbulent,
fut transplants k Roscommon en Irlande. L'enquete Stablit qu*il se composait
de 124 personnes, k peu pr^s toutes portant le nom de Grame. Ellesetaient
rSparties par families de situation p^uniaire trfes inhale, : dix-sept
possedaient une valeur de 20 livres au moins, dix au moins 10 livres, six
Staient plus pauvres, six ne possedaient rien. II y avait en outre quatre
serviteurs portant ^galement le nom de Graham, et environ une douzaine
d*irre- guliers attaches au clan (1).
Faut-il etendre les resultats que nous avons obtenus pour le pays de Galles k
la Bretagne enti^re? Dans le centre et Test, ils ont pu etre diflfSrents.
L'ouest et le nord n'ont jamais st6 compli- tement et irr^vocablement dompt^s
par les Ro mains. La situation des legions suffirait k montrer qu*ils avaient
toujours k surveiller les populations de ces pays. A partir d'Antonin, il n'y
a plus en Bretagne que trois legions, la 2®, la 6®, la 20®, la 9® ayant p6ri
et la 14® ayant ^t^ rappel^e sous Vitellius. Or, la 2® est k Isca Silurum
(Gaerleon-sur-Wysc), la 20^ k Deva (Chester), la 6® k Eburacum (York) (2).
Appuyees par de nombreuxauxiliaires, Gau- lois, Nerviens, Lingons, Morins,
Bataves, Espagnols, Africains, Thraces, Dalmates, Daces, Bretons, les legions
forment un arc- de-cercle du sud-ouest au nord-ouest ; c'est ^videmment \k
qu'est le foyer de la r&istance, et de I'autre cdt6 de cette ligne qu'est
Tennemi. Les pays en deg^ de cette ligne se sont trouv^s dans des conditions
beaucoup plus favorables k Tinfluence romaine. Et en effet, les villes
luxueuses sont en g^n^ral dans le sud ; les
(1) Seebohm, Village comm.^ p. 219 (d'aprds CaleiiAaT of state papers ^
Ireland),
(2) Hubner, Inscr. Brit, lat,, n<» 66, 68, 167, 344 — Cf. Mtit, dignit.
impcr, Occid,^ X, 4, 6dit. Otto Seeck.
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38 LES MOTS LATINS
mosaiques ne d^passent pas York (1). Parmi les Bretons ^migrfe en Armorique,
les Cornovii etablis sur la rive gauche de la Se- vern, mais qui semblent
s'etre fractionnfe de bonne heure et d^plac^s apr^s Finvasion saxonne,
paraissent avoir M en contact plus direct et en termes plus amicaux avec les
Romains. Nous trouvons une cohorte de Cornovii stationnte a Pons Aelii
(pr&s de Newscastle), sur la ligne de defense du vallum d'Hadrien (2).
N&nraoins ils ne semblent pas avoir M bien plus profon- dement atteints
par Tinfluence roraaine que les Gallois. Les Bretons passes en Armorique
avaient trfes probablement les memes divisions territoriales, les memes
classes d*homraes, les memes idees sur Torganisation de la famille, sur la
justice, que les Gallois (3) : les expressions sont les memes. On n'apergoit
cependant nulle part dans Torganisation de leur soci^tS Tinfluence du lien de
parente, dont le role est capital, au X' slide encore dans le pays de Galles
: les Bretons en Armorique, paraissent arrivfe au regime f6odal pur. La
constitution du clan avait et6 sans doute fort atteinte, sinon complMement
bris^e, par le fait meme de T^migration et les hasards de Tetablissement en
pays Stranger. Enfin, eut-elle st6 en vigueur, que les chartes ne nous
apprendraient pas grand chose sur ce sujet ; si nous n'avions d'autre source
pour T^tude de la society galloise que le cartulaire de Landaff, nous
n'aurions aucune id^e nette sur Torganisation si originale de la famille et
de la propri^te en Galles. De plus, dans la zone ou nous transporte notre
plus ancien cartulaire, le car- tulaire de Redon, les Bretons sont
probablement en minority, au milieu d-une population gallo-romaine assez
dense, et trop diss^ min6s pour que le regime de la tribu soit possible.
Quant k la civilisation materielle, au IX° siicle, elle parait etre k peu
pr&s au niveau de celledes Gallois. Ermold-le-Noir, racontant Texpfi-
(1) Gomme, Romano-british romains.
(2) On a trouv^ pr^s d'llkley (Olicana) une inscription fun^raire d'une civU
Cornovia (JEphemer, Epigr., 1890, n« 922).
(3) Voir J. Loth, VEmigr, bret, pp. 216 et suiv.
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 39
dition de Louis-le-D6bonnaire au coeur de rArmorique, nous les montre ^tablis
dans les bois, habitant dans des fourr^s, ne cons- truisant que des abris
temporaires (1). Les lis, les, ou cour des chefs, sont, en effet, en pleine
carapagne, dans les bois ou sur la lisifere des bois : Lis-fau {fau, hetre);
Lis-fauin; Lis-coet, [coet, bois); Lis-bedu {bedw, plus tard bezo, bouleau);
Lis^ celli (celli fourr^, bosquet) ; Lis-colroet [colroet probableraent
colyretum pour coryletum, coudraie) ; Lis-Pen-fau, Lis-wern {gwem, aulne)
(Cartulaire de Redon).
On retrouve dans le Cartulaire de Redon des colons dans la meme situation que
le taeog gallois et parmi eux parfois de veritables esclaves (2). L'influence
romaine est ici aussi parfai- teraent claire, mais il est ^galement fort
probable qu'elle ne vient pas des Bretons Emigres, lis ont trouve le
Redonnais dans le meme etat que le reste de la Gaule.
Le syst^me de la compensation pour les crimes existe comme en Galles (3).
Un point interessant k relever, c'est que chaque plebs a i sa tete un
machtiern, chef h^r^ditaire, semblable k Vuchelwr. gallois et en meme temps
aux comes des Francs. Les machtiern qui peuvent se trouver dans la meme plebs
sont de grands seigneurs, mais sans autorit^ directe sur la plebs,
Les usements en vigueur en Armorique, au moyen-&ge, sont une mine de
renseignements precieux sur la condition des personnes et des terres et
portent la marque d'un etat de choses fort ancien. Dans certains districts de
Cornouailles, k Crozon, au Relecq et quelques autres lieux, Tusement dit de
quevaise i^cO'^maes : co avec, maes champ) a dure pendant tout le moyen-
(1) De rebus gestis Hlud. pii (Dom Bouquet, Hist., V) : lustris que cuhilia
condunt. La tirade sur les moeurs des Bretons est sans doute un souvenir de
C6sar.
(2) J. Loth, V&nigr. hret,, p. 222.
(3) Ibid., p. 223. Le mot qui en Galles indique la compensation pour outrage
gwynebwerth (vente du visage, de Thonneur), est le mSme en Armorique enep'
werth, avec cette difference qu'ici, c'est le prix de la virginity (le
nwrgengahe des Germains). Enepwerth est devenu enehat*^ ®^ aignifie douaire.
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40 LES MOTS LATINS
&ge. II rappelle trait pour trait le colonat insulaire et a mSme un
caractfere plus tranche que le colonat gallois. Le motoyer ou quevaisier,
comme tous les colons, ne peut quitter la terre. Le dernier n& des miles
h^rite de la tenue. II est fait defense au •motoyer de recevoir la tonsure et
de se faire clerc (Ordonnance bretonne de 1 301) (I).
Le genre de tenue le plus ordinaire en Basse-Bretagne, avant la Revolution,
^tait le doraaine dit congeable, A I'origine, et ce trait essentiel a
subsists partout plus ou moins alt^rS, le fonds appartient au concMant, au
fonder; la superflcie comprenant, en principe, tout ce qui est
raisonnablement attribuable au travail du tenancier, i partir du jour ou il a
ste investi, appartient au tenancier ou domanier (bois, demeures, arbres k
fruits en gene- ral, d^frichements) (2). II n'est pas douteux qu'k I'origine,
les tenanciers de cette esp^ce n*aient ^tS des gens libres, ^tablis dans des
forets, sur des terres en friche, k de certaines conditions; mais k titre
temporaire, d'aprfes une concession toujours revocable. lis sont assimilables
aux hospites des temps carolingiens (3). Mais en Armorique meme, la
distinction entre les hospites libres et les coloni attaches k la terre
s'affaiblit plus ou moins suivant les regions. Les deux ordres de tenures se
fondirent et le genre de tenure qui en sortit, ici, conserva les traits
caract^ristiques du domaine congeable, 1^, les traits essentiels du colonat.
C*est pour avoir voulu partout et toujours, trouver au domaine congeable la
meme origine que les ^crivains bretons ont echou^ dans toutes leurs
tentatives d'explication. L'usement de Rohan est un com- promis entre le
domaine congeable et la quevaise. La tenure est indivisible. Les meubles se
partagent egalement entre les enfants,
(1) Girard, TraitS des iise^nents rwaux de Basse-Bretagne^ Quimper, 1774.
L'aflEranchissement des serfs en L6on et Cornouailles date de 1484.
(2) Baudoin de Maison-Blanche, Institutions convenantieres^ Saint-Brieuc,
1776, 2 vol. Les hois fonciers appartiennent an seigneur. En Broerec, ce qui
montre bien I'esprit de cette legislation, les chSnes qui ne d^passent pas 10
pieds ap- partiennent au tenancier.
(3) Gu6rard, Polypt, d'lrmin., p. 627.
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 41
mais, le fits juveigneur et dernier ne des tenanciers succede au tout de
ladite tenure (maison et droits superflciels), et en exclut les autres flis
et filles. Si le domanier meurt sans h^ritier direct, les collat^raux sont
exclus et c'est le seigneur qui h6rite. S'il y a plusieurs tenures la
succession est r6gl6e par ordre de juvei- gneur (1). Le droit dejuveigneur
est partout plusou moins marqu6 dans tons les usements. Dans celui qui a le
mieux conserve les traits du vrai doraaine congeable, Tusement de Browerec,
vannetais breton, depuisQuimperl6 jusqu'^la Vilaine en matifere d'usement,
moins leduch6de Rohan, k Tint^rieur, c'estleplusjeune qui fait les lots,,
mais les autres choisissent, sans distinction de sexe, et par ordre de
primogeniture, si bien que la flUe choisit avant son trhre plus jeune (2) Les
terres libres, nobles ou roturiferes se partagent en r^gle g^n^rale,
^galement, comme en Galles, entre les enfants. Le droit d'ainesse, en
Armorique, est d'importation anglo- normande. Ces lois d'heritage sont en
opposition directe avec les lois romaines et eccl^siastiques. EUes ^taient si
bien implantees chez les Bretons que le pieux l^gislateur gallois , Howell
dda , refusa nettement d^abandonner^ sur ce point, la loi nationale
quoiquelle fut en contradiction avec la loi romaine et la loi ecclesiastique.
Le droit du dernier ne s'explique facilement. La division e.ntre tousles
heritiers, k parts 6gales (gavelkind anglais), etait incom- patible avec
Tindivisibilite de la tenure, trait essentiel de la terre colonique. D'ou la
nteessit6 de constituer un seul h^ritier pour la terre. Si IS plus jeune a
et6 choisi, c'est qu'^ T^poque ou cet usage s'est etabli, il etait dans
I'interet du propri^taire que les enfants arrives k T&ge d*homme essaimassent
ailleurs. La tenure indivi- sible ne comportait pas plusieurs manages. Le
plus jeune devant arriver le dernier k fonder une famille a ete choisi de
preference. Dans certains endroitsde Bretagne, le plus jeune ne pouvait
cong6- dier ses freres et soeurs qu'au cas oil ilsstaient mari^s. L'usement
(1) Le Qu^vel, Gomrnentaire sur Vtisement de Rohan^ 1786.
(2) La Bigotti^re, Supplement a I'useinef^t de Broerec,
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42 LES MOTS LATINS
Aequevaise est rapplication la plus complete et la plus logique de ces
principes. Ces usages out ^t^^ suivant toute vraisemblance, transport^ par
les Bretons insulaires avec eux sur le continent. L*influence romaine, chez
eux, comme chez les Gallois, n*est profond6ment marquee que dans le colonat
et encore, sur certains points capitaux, n*a-t-elle pas, \k meme, triomphe
des usages nationaux.
Les mots latins emprunt^s par les Bretons sont peut-etre les temoins les plus
surs dans cette enquete si compliquSe de la romanisation. Les termes marquant
le cot^ materiel de la civilisation sont les plus nombreux. Je les groupe par
s^rie sous leur forme latine; Tindex des mots latins k la fin de ce travail
permettra facilement au lecteur de retrouver les termes britto- niques
correspondants. Je laisse de cdte les termes de religion, les mots savants et
quelques mots insignifiants ou douteux.
Parties du corps : corpus, bucca, bracc(h)ia, palma, barbtty coxa (1).
Maison : solium, paretem, maceria, fenestra, columnar postis, caprio
(chevron), tra(n)stum (poutre), porta, sera (verrou), focus {foyer, en
cornique), scoparium (grenier), solarium, furnus, fontana, puteus; palus
(pieu), cippus.
Vaisselle et MOBiLiER I situlus, bajula (cuvier), caucus, cerenuniy cista,
cupa, caldaria, cultellus, lectica, discus, disculus, buttis (bouteille),
sextarius, modius, scutella, area, astilla, candela, flamma, culcita,
locellus, pectinem, scamnum, scamellumy tab'la^ tripedem, spongia.
Cuisine et Industrie domestique : cocina, me(n)sa (mets), cena^ merenda,
calda (bouillie), iuscellum, vesica, salsica, torta, coagu- lum, casetis,
lacte (k c6i6 du mot indigene blith = *mlicta racine melg, mlg), coctare,
pascere (nourrir et donner k manger, notam- ment aux enfants) ; lixivium,
scopae.
BoissoN : vinum.
(1) Coxa existait en brittonique avant Tarriv^e des Romains, mais a ^t6
6vinc^ par la forme romaine, comme le prouve la forme galloise coes. Coxa
celtique eftt donn6 each.
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DANS*LES LANGUES BRITTONIQUES. 43
V^TEMENTS : ctLCula, hamisia, manka, pannus, pletta pour plecta (natte,
tresse de cheveux), torques, pexa (tunica), stragula (vestis).
Agriculture et ce qui s'y rattache : aradr charrue zz *aratron, et n'est pas
emprunte, mais la charrue parait avoir ste rudimentaire : culter, catena,
radius, soccus; imputare (greffer, enter), facta (terra) terre cultiv^e;
stub' la (stipula), palea, furca, falcis, dolatorium, rasclus, saccus,
fragillum, fascia, fascina, lima, scala, fu^tis, funis, serra (faucille),
molina, finis, fossa, staVlum, praesepe, caulae, cella {cell separation des
esp^ces dans IVxurie, en armoricain), locellus (en armor, le sabot ou le
faucheur met Teau et le dalle, major (villicus).
Akbres et plantes : cerasia ou ceriasa, fagus (1), taxus (taous yeuse, en
Tregorrois), castanea, vinea, fructus, cicuta, malva, vicia, storaXy picem,
calamus, culmus, canna%, cannapis, caulis, brasicca (brassica) , faba, linum,
pisum, oleum, secale, fenum,
Animaux : grex (en parlant des chevaux), asinus, mulus, admissus (equus)
etalon, camelus, cattus, rattus, leo, multo (vervex), cuni- clus, viverra,
porcellus, soVdus (b^tes ^ come), praeda (bstail, vieux frangais jt?me),
bestia, draco,
Objets de harnachement : samma (sagma), Qi)abena, corbus (argon), cinglum,
frena, stratura, postilena, *partunculusy pedalis.
OiSEAUx : columba (colombe domestique), cornicla, strut hio (avis),
PoissoNS : piscis, tlutta (tructa), ostrea.
Reptiles : Serpens ou serp-s, vipera,
Chasse : venatus-retia, venacula (venabula), tragla (seine) (falconem
armoricain, falc'hun, est un emprunt relativement recent).
Jeux : pila (raentionn^ dans Nennius); Merlin Ambrosius jouait k ce
«
jeu quand il fut rencontr^ par les envoyc^s de Wurtigern. Art militaire :
castra, castellum, mums, fossa, maceria, pontis,
strata (via); valus (vdllus), imperator, lorica, sagitta, lamna,
vagina, legionem, miles, pedestris, peditem, papilio (tente). Navigation :
longa (navis), caupilus, velum, ancora, remus, tra{n)stra
(dans les dictionnaires armoricains pour bancs de rameurs), portus,
oceanus.
(1) C6sar nous dit que les Bretons ne connaissaient ni le h^tre ni le sapin.
Son assertion parait justifi^e. Cependant les antiquaires sont diviste sur ce
point, Earle, Handbook to land charters, pp. 461, 474*
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44 LES MOTS LATINS *
Industrie, m£taux : battere (frapper la monnaie), soldtus, cera, sebum,
purpura, serica, stamen (chalne de tisserand), aurum, stagnum (stannum),
plumbus (suivant Nennius, le mot indigene serait muin conserve dans le
gallois mwynglawdd mine); durus (acier) calcis.
Commerce : me(n)sura^ pe(n)sum (poids), pondere (lourd), pondo, Humerus,
sextarius, mercatus, denarius, opera, beneficium (pr6l).
Les emprunts sont moins nombreux, dans Tordre intellectuel at social, mais
fort importants.
Divisions iiVTE^Ps:jan(u)arius,febr(u)ariu^, martius,aprilius,maius, agustus
(les autres nomsde mois sont celtiques, par un ph6nom6ne des plus singuliers
et qui fait soupgonner une toute autre organisa- tion du temps cbez les
Celtes que chez les Romains; les Bretons s'ac- cordent sur les noms de mois
latins et se divisent sur quelques-uns des autres) (1); dies Lunae, martis,
mercurii, jovis, veneris, satumi, solis; septimana (en cornique et en
armoricain; le gallois a le nom ancien wyth-nos huit nuits), kalendae (!•'
jour du mois), tempore (saison), mattina (matutina), vespera, nona (terme
religieux), gra.
Divisions territoriales et politiques : poplus, plebes, civitatem, pagus,
vicus, gens, gentes.
Etat social : privatus (le mari ou la ferame, d'abord vir privatus, mulier
privata T^pouse legitime, trait instructit et qui trouve son commentaire dans
les. lois galloises sur le mariage); nuptialia, pertineo, collata (tribut);
testis, (h)ospes, extraneus, gemellus, latro, latrones, carcerem, crucem (la
hart), rapio, spolia.
Litt£rature et sciences : libera littera, legendum, scribo, scri- bendum,
lectio, pluma, pugillares, doctor, divinus, au{c)tor, memoria.
MfiDECiNE et maladies *. medicus, cloppus, follis, balbus, mancmy ravus,
stlappus, tertiana (febris), ungula (maladie d'yeux).
Expressions DE LA VIE JouRNALifeRE : flwcewdo, descendo, extendo (2),
commendo, dependo, circo, defendo, tempero, impendo, deficio, peto,
(1) Le cornique et rarmoricain sont absolument d'accord; le gallois seul diff&re.
(2) Les Celtes possMaient la racine shand, la racine ten ; il y a done eu ici
adaptation plutst qu'emprunt.
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(tudalen 045)
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 45
muto, pareo (parais), patiovy pario (?), qu{i)esco, roncho, de subito,
placitum, paratus; circus, circinus, acerbus, prudens, firmus, glutiis
(tenace), fur (habile), putris, de{n)susy siccus, securus^ tener, tristis,
primus, amplus, occasio, adornare, co(n)silium, dolorem, laborem, pena
(poena), fama, fatum, inten^enio, compello, contrudo.
Bon nombre de noms propres surtout en gallois : Agricola, Ambro- sius,
AntoniuSy Agustinus^ Aurelianus, Cleme(n)s (chr^tien), Co{n)stantius,
Co{n)staniinus, Aeternus, Daniel (chr^.tien), Donatus, Helena, Eugenius,
(H)onorius, Martinus, Marianus, Mauricius, Patemus, PatriciuSy Paulus,
Petrus, Romdnus, Saturninus, Sa- binus (i), Tacitus , Urbanus, Victorem,
Vitalis, Vitalianus {^) :
Bon nombre de noms propres composes avec le mot sul = solem solell (3).
La conservation de ces noms, I'introduction de plusieurs d'entre eux,
courants surtout en Gallois, est due en partie k I'in- fluence du
christianisme.
Les termes eccl^siastiques sont assez nombreux; ils appar- tiennent (comme
les termes religieux en anglo-saxon, moins cyrice ^glise = curiaca) k
I'^glise romaine.
Ces emprunts sont assur^ment instructifs. lis prouvent tout
(1) Cai est qualifi^ parfois de fils de Sefyn (J. Loth, MaHn. II, 198, n» 1).
(2) J'ai laiss6 de cst6 March et Merchwn, que Ton fait venir de Marcus et
Marcidnus ; la quantity de Va me paralt centre cette hypoth^se ; il y a eu
peut- Stre confusion avec le mot brittonique Tnarch cheval. Papinius se
retrouve peut-^tre dans Dol Pebin, nom de lieu dans le pays de Carnarvon,
d'apr6s le Mahirtogi de Math ah Mathonwy.
(3) Le terme pour malldictiony imprecation est encore en armoricain
sul-bedenn, mot k mot pridre au soleil, invocation au soleiL Les
dictionnaires le donnent sans expliquer sa composition. II f aut rapprocher
de cette curieuse expression le passage suivant de I'^pltre k Coroticus : Nam
sol iste quern videmus, illo jubente, propter nos quotidie oritur, sed
nunquam regnabit neque permanebit splendor ejus : sed et omnes qui adorant
eum in pcBnam miseri male devenient {Haddan et StubiSf Councils and eccles.
documents relat, to Ghr eat' Britain and Ireland II part, II, p. 313). Par
une ironie du sort, un saint armoricain, qui a donn6 son nom k PloC'Svlien^
Plusulien, tire son nom de Sol : Sul-jen =. *Sul-gen = *S6li' genoSy fils du
soleil 1 lou, dans certains noms propres armoricains, {lou-welet, lou-monoCf
lou-woion") a sans doute aussi pour origine lovis. TJn nom curieux est
oelui de Breohrwalt = Braoo(A)i'u^ ^al'dum, dana le Cart, de Redon.
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46 LES MOTS LATINS
d'abord combien la vie mat^rielle devait etre dure et rudimen- taire chez les
Bretons. La plus grande partie des termes aujour- d'hui encore en usage
concernant la construction des maisons et rindustrie domestique est d'origine
latine. Au point de vue de la constitution de la faraille, le seul emprunt
important est pri- vdtuSy gall, pr^iod, armor, pried mari, femme legitime; il
montrerait que sous I'influence romaine les Bretons avaient renonc6 aux
moeurs communistes que leur impute C^sar. Mais il est bien plus probable que
nous devons voir ici un effet du christianisme. Le mariage chretien en tire
en eflfet son nom : gall, priodas, arm. priedelez {= priod-ol-aeih action de
poss^der en propre.) L'emprunt soVdus ou sol' da , don nan t saout en
armoricain et d&ignant les betes k come, est curieux. II prouve qu'i
r^poque romaine, chez les Bretons insulaires qui ont essaimS plus tard en
Armorique, la monnaie en quelque chose, ^tait encore , comme en Irlande bien
apr^s Tintroduction du christianisme, le b^tail. Chez les Gallois, il en
Stait de meme k r^poque de la reaction des lois; mais ils ont gard^ eux le
mot celtique {bu = *b6s = *bous.) Le mot g^nerique pour le Wtail kcorne, en
gallois, gwartheg = *t?^r^i(?a objet d'echange, derive de la meme racine que
le latin verto.
La lecture, I'^criture sont d'importation latine. En revanche, les termes
gallois concernant la po^sie et la musique, k part quelques mots savants,
sont purement celtiques.
Les mots qui ont trait k Torganisation politique sont moins importants quMls
ne paraissent. Civitas^ gens sont des mots, et ne correspondent k aucune
institution. Vicus n'a conserve un sens qu'en Lton : gwic dfeigne le bourg
par opposition k la campagne ploe (plebes). Guikemeatc^ le bourg de la
commune de Plou- Guerneau; Guitalmezeau, le bourg, Ploudalmezeau, la com-
mune [Plebs TelmedoviadaLiis la vie de Paul Aur^lien, IX® sitele). Le pagus
ne joue aucun role en Galles. Dans la Cornouailles insuleiire pow [pdgus) a
le sens du frangais pays. Dans TArmo- rique bretonne, on trouve d*assez
nombreux pagiy mais rien ne
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DANS LES LA.NGUES BRITTONIQUES.
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prouve qu'ils n'aient pas exists avant r^raigration. Le mot n'a survecu que
dans les noms de lieux. Le mot important est plebeSj gallloisplwyf, vieil ar
moricaiin ploiby ploev, Beaucoup de communes ont ce mot pour premier terme.
En Galles, la paroisse s*appelle plwyf. L'influence eccl6siastique a du
contri- buer grandement k la fortune de plebes. A part ce mot sur la
signification duquel on peut difierer d'avis, les divisions territo- riales
vraiment nationales portent des noms brittoniques.
Le langage du droit gallois, ce qui ne saurait etre trop remarqu6, si riche,
si abondant en termes expressifs et en meme temps d'une singuli&re
precision, d6notant chez ce peupleune rare finesse d'analyse, une grande
puissance d'abstraction et un esprit eminemment philosophique (1), a st6 assez
peu afiect6 par Tin- fluence romaine. Parmi les mots abstraits d'origine
latine, plusieurs ont du passer d*abord par des bouches savantes avant de
devenir populaires. II ne faut pas oublier que les Bretons dont nous studious
ici la langue, ^taient presque tous Chretiens d^s le commencement du V®
sitele.
En somme, Timportance de ces emprunts n*est pas niable, mais il faut se
garder de Texag^rer.
lis prouvent, comme on devait s'y attendre, que Tinfluence latine pendant
I'occupation romaine, s'est faite fortement sentir chez les Bretons, mais ils
^tablissent aussi que Torganisation de la famille et de la society, si elle a
^t^ profond^ment modifi^e, n*a pas ^te compl^tement transform^e. Qu*on ^tudie
la liste des mots latins passes en Germanique (2). Abstraction faite des
termes religieux et savants, ils sont tout aussi importants que les emprunts
latins en brittonique. Sans parler des mots ayant trait & la vie
mat^rielle qui sont fort nombreux et k peu pr^ de meme nature que chez les
Bretons, j'y remarque saltare,
(1) Ferd. Walter, Bos alte Wales, p. 364, a pu dire, sans aucune exag^ration,
qu'au point de vue du droit, les Gallois ont laiss6 bien loin derriere eux
tous les peuples dn moyen-&ge.
(2) Eluge, 6hnndris8 der germ, jfhU.y I, 309.
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48 LES MOTS LATINS
expendere, recuperarcy extruncare, miscere, misculare, mutare; Caesar (Kaiser);
calvus, securus, carcerem, exilium^ favonius (fohn)^ crispus, curtus, mancus^
misellus, pactum, ponderare, pulsare, scribere, tribuium.
U y a meme de plus qu*en brittonique quelques mots de metier corame fullo,
sutor, pistor. Deux mots tris importants sont wil (villa) et villare, en
vieux haut-allemand wtlari, weiler dans les nomsdelieux; ils n'existent pas
en brittonique et prouvent que I'influence romaine a st6 tout aussi profonde,
plus profonde peut- Stre, au point de vue de revolution de la propriety chez
les Germains du sud, que chez les Bretons de I'ouest de Tile.
Le prestige du nom latin parait avoir surv^cu assez longtemps & la ruine
de la domination romaine en Bretagne. Les vieux ^crivains gallois aimaient k
faire remonter aux Romains la g^nSalogie de leurs h^ros. II est aver^ qu*un
des plus cel^bres, et le moins contests, Ambrosius Aurelius, Gildas le dit
formelle- ment, Stait de race romaine. Quant aux luttes pr^tendues entre
Bretons purs et Bretons romanisfe aprfes le depart des Romains, tout cela
tient plus du roman que de Thistoire (1).
Je ne dirai rien des tentatives infructueuses que Ton a faites pour retrouver
des provincialismes et des particularit^s dans la langue des inscriptions
chr^tiennes et payennes de Bretagne. La question est tranch^e; Tauteur des
Inscript, Brit. lat. et des Inscript. Brit, christ. s'est nettement prononc^
k ce sujet (Hiibner, Inscript. Brit, lat.^ prsefatio). C'^tait d'ailleurs k
pr^voir. On n*a gufere st6 plus heureux pour le latin de provinces plus fortement
romanisees que la Bretagne. * On pent dire dfes aujourd'hui que les
diflf^rences provinciales du latin se r^duisent k des traits extremement
lagers, k des germes presque impercep-
(1) Cette opinion a st6 6mise par Guest QOrigines celticcB, I, p. 173) et
repro- duite par d'autres ; elle repose sur I'hostilit^ d' Ambrosius pour
Vurtigem, d'apr^s Nennius, et surtout sur la crainte de Vurtigern d'une
attaque des Bomains du continent. Ce que Guest n'a pas remarqu^, c'est que
cette crainte^ aux yeux de Nennius, vient de ce que les Bretons auraient tu6
les chefs romains (Jliat. Brit., XXVII et XXVIU).
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 49
tibles qui certainement, meme apr^s la chute de TEmpire romain, n*^taient pas
assez distincts pour empecher une r^elle unit^.) » (G. Paris, Romania^ X, p.
601.) Le latin de Gildas n'oflfre rien de particulier, & ce point de vue.
Uepztre d Coroticus, la Confessio de Patrice pr&entent des traits
irlandais plutot que bas'latins ; les par ticularit^s de ce latin sont dues
probablement aux scribes irlandais. Le latin de certaines chartes
anglo-saxonnes est sans doute assez barbare mais ne presente rien de saillant.
Les scribes n'^taient d'ailleurs probablement pas des Bretons.
§ 5. — Les traces d'influence romaine qu'on constate chez les Anglo-Saxons
sont-elles imputables aux Bretons insu- lairesi — L'occupation romaine, sans
avoir transform^ Test de Tile — nous avons vu que \k aussi il ne saurait etre
question d'assimi- lation complete ni de Texistence du latin apr^s le depart
des troupes — y a-t-elle laiss^ plus de traces que dans Touest et le nord? La
question serait vite r^solue, s'il fallait en croire beaucoup d'^rivains
anglais qui ont d'ailleurs fait ^cole sur le continent; les Anglo-Saxons nous
auraient ^pargn^ toute hesitation en supprimant radicalement la population
bretonne indigene. On nous les montre tombant sur les populations de Tile
comme des loups affam&s sur une bergerie, saccageant, brulant, tuant tout
sur leur passage et ne songeant k s'etablir qu'apr^s avoir fait place nette
et tout d^truit. II est assez amusant de voir avec quelle complaisance de
paisibles savants, de pieux hommes d'^lise s*etendent sur les horrifiques
exploits de ceux qu'ils appellent avec un peu trop d'assurance peut-etre
leurs Anglo^ saccon forefathers et quel singulier amour-propre ils mettent
& nous les peindre sous les traits les plus hideux et les plus odieuses
couleurs. Le champ de carnage est d6j^, nous I'avons prouv6, singuliferement
restreint. Les plus determines aujour- d'hui parmi les partisans de Y
extermination reconuaissent qu'il ne saurait etre question ni de I'ouest, ni
du sud-ouest, ni d*une bonne partie du centre, le royaume de Wessex n'ayant
eu que peu k peu ses limites et ayant contenu jusqu'en plein IX® si^cle,
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50 LES MOTS LATINS
du temps meme d'Alfred le Grand, beaucoup d'^Wments bretons. Ce qu'on
appelait k cette epoque West Wales comprenait outre le pays de Galles,
lescomt^s de Cornwall, Devon, Somerset et meme certaines parties du Wiltshire
(1). La plus grande partie du nord est aussi en dehors (voir plus haut, p.
15). L'archeologie vient encore ici en aide k Thistoire. M. Seebohm a etabli
psir des exemples certains la continuite d*existence entre des villas
romaines et des villages saxons au coeur meme de TAngleterre {VilL commun.t
pp. 424-457). M. Gorame, qui h^site ^ admettre la theorie de M. Seebohm,
reconnait cependant qu*en maint endroit on a trouv^ des ^glises b4ties sur
Templacement de fondations romaines (à Silchester, Londres), des mat^riaux
romains entrant dans leur construction (k Lanercost, Bradwell, Brixworth,
Castor (2). M. Roach Smith (3) ^numfere de nombreux cas de d^couvertes de
ruines romaines k proximity des ^lises modernes ; 11 en donne une longue
liste, et il est digne de remarque que plusieurs se sont produits dans le comt^
de Kent. M. Freeman a pr^tendu nous donner une id^e de laconquete et de la
fagon dont s'est fait T^tablissement des Anglo-Saxons, en nous montrant les
deux villages saxons de Pevensey et de West-Ham ^tablis en dehors des
mursd'Anderida, sur lesflancsde la vieille cite romano- bretonne ruin^e et
d&erte. C'est assur^ment d'un bel eflfet po^tique; il n*y manquerait
qu*un barde, la lyre celtique k la main, pleurant sur les ruines et se
lamentant sur Tabaissement de sa patrie, mais cela ne prouve pas du tout que
les Saxons aient syst^matiquement 6vit6 les ^tablissements romano-bretons.
Comme le fait remarquer prosa'iquement mais tr^s justement
(1) Idber de Hyda, pp. 62-63, Alfred, apr^s une numeration de terres situ^es
en Devon, Somerset, Dorset, Wiltshire, ajoute que c'est tout ce qu'il a en
weall cynne^ k I'exception de Truconstir, en Cornwall.
(2) Gomme, Romarw-brit. remains, I, p. xii. D6couverte des plus
significatives : on a trouv^ ^ Preston, pr6s Weymouth, divers objets romains
d'usage domestique, un seau brise, entre autre, de m^me forme que ceuz dont
on se sert aujourd'hui dans ce pays.
(3) Collectanea^ d'apr^ Seebohm, VUl, comm,, p. 436.
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 51
M. Seebohm (1), il etait beaucoup plus ais^ de construire des maisons en
dehors des murs d'une cit& ou plutdt d^une enceinte fortifi^e
compl^tement en mines, que de la dtibarrasser des d6combres au prix d'un long
travail auquel les Saxons n'staient probablement gu^re habitues, pour
b&tir de nouveau sur Tancien emplacement. Quelques arch^ologues frapp^s du
fait que les centres remains, les villas meme ont g^n^ralement subi Taction
du feu, en ont conclu k une destruction complete et systematique par les
Anglo-Saxons k Tepoque de leur ^tablissement dans Tile. Or, il est av6r6
aujourd*hui que ces destructions ont eu lieu a des 6poques trfes diverses et
bien souvent ne doivent pas etre attributes aux envahisseurs duV si^cle,
d^cid^ment trop calomnies par ceux qui se disent leurs descendants (2).
Plusieurs ont eu lieu iijk k r^poque romaine. L*aigle romaine arrach^e de sa
hampe, trouvee k Silchester {Calleva) sous un amas de bois carbonis^ a st6,
sans nul doute, abandonnee k la suite d*une catastrophe que nous ignorons, k
I'^poque romaine (3) (les monnaies romaines trouv6es k cet endroit vont de
Vespasien k Gratien), quoique la ville n'ait &t6 bruise que plus tard. De
meme k Wroxeter : les trois cadavres trouY^s dans un hypocauste, celui d'un
homme &g^ ayant k sa port^e 132 pieces de monnaies romaines enferm^es
primitivement dans un cofifret de bois, et de deux femmes, sont ceux
d*habitants de Tepoque romaine, r^fugi^s Iklors dela prise de la ville, on ne
sait parquel ennemi ; les monnaies sont de Tepoque desConstantins(4). Les
seules cit6s authentiquement detruites k T^poque de la con- quete
anglo-saxonne, sont Anderida (Pevensey), Uriconium (Wroxeter), et Calleva
(Silchester). Et encore Wroxeter ne Ta et6 que dans la premifere moiti6 du VP
sifecle. Les autres cit^s Tont 6i& bien aprfes. Londres, York, Doncaster,
Dunwich, Stretburg, ont
(1) VilL commnn.j p. 424.
(2) Les actes de barbarie sont aussi frequents du cst6 des Bretons que du
cst6 de leurs ennemis. Le chrstien Catwallon, au VII® si^cle, ne le cMe pas,
au tdmoignage de B6de, en f 6rocit6, & son bon ami, le roi payen de
Mercie, Penda.
(3) Gk)mme, Momano-brit, rem.y p. 121.
(4) Ibid,, p. XV, p. 274.
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52 LES MOTS LATINS
&i& brulees par accident seulement en 764 aprfes J.-C. (1). Si la
population indigene a ^t^ consid^rablement diminu^e en nombre et a plus
souffert que dans les autres regions de Tempire romain tombees aux mains des
barbares, c*est que la lutte j a ^t^ plus vive qu*ailleurs, la resistance
acharn^e, et la haine entre les deux races entretenue par de continuels
combats. Sans parler de ceux qui ont p^ri dans ces luttes, une partie de la
population a refus^ de se soumettre et s'est retiree devant les envahisseurs.
De \k ces Emigrations qui ont convert I'Armorique de Bretons et ont atteint
jusqu'aux rivages de la Galice (2).
Neanmoins, tout ce qui precede, montre qu'il ne saurait etre question d*une
extermination ni d'une disparition complete de la population indigene, et que
sur beaucoup de points, dans les pays les premiers et les plus compl^tement
germanisEs, dans Test mSme, il n'y a pas eu solution de continuity entre la
p^riode romano-bretonne etla p^riode anglo-saxonne. Des lors, on doit a
priori supposer que les moeurs et coutumes des indigenes ont influE sur celle
des envahisseurs. Par contre-coup, si les Romains ont laissE dans Test des
traces plus profondes de leur passage, on doit les retrouver sufflsamment
marquees chez les Anglo-Saxons. Ce qui complique malheureusement le probl^me
et fait qu*il ne sera jamais compl^tement r^solu, ce qui explique en meme
temps beaucoup mieux que Thypothfese facile de Textermination, le manque de
preuves tangibles de Tinfluence des peuples bretons sur les Anglo-Saxons,
c'est que ces derniers avaient ete eux aussi atteints plus profondement qu*on
ne Ta dit par Tinfiiuence romaine sur le continent, et qu*ils apportaient
dans Tile un Etat social assez semblable k celui des Bretons, Egal, sinon
supErieur, au point de vue materiel, k celui des Bretons de Touest.
Dfes la fin du III® siecle, les Saxons, avec les Francs, se signalent par
leurs ravages, sur les rives de la Manche. Carausius,
(1) Simeon. Dunelm. Historia de gestis reg.angl. (Petrie, Mon. hist, hrit.,
p. 663 ; sur la valeur des sources de Simeon de Durham, ibid.j pp. 87, 89).
(2) J. Loth, VEmigr. bret., p. 176.
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 53
commandaDt la flotte romaine stationn^e k Bononia (Boulogne) conquiert son prestige
en rtprimant leurs incursions (1) (287- 296). Au IV® sifecle, vers 364,
pendant I'invasion des Pictes et des Scots, ils recommencent leurs pirateries
(2). Leurs rapports avec le monde remain se seraient-ils bornes k ces actes
d'hosti- lit&? Ce serait bien mal connaitre ceux que les Romains
appelaient les barbares. La Notit. Dignit. imperii; Or., nous signale un
corps de Saxons, stationn^ k Verofabula, sous le commandement du Dux Foenicis
(3). Quant au grand comman- dement comprenant le Littus Saooonicum, on a
peine k concevoir que des esprits s^rieux, comme Lappenberg, aient pu un seul
instant supposer quMl a pris son nom d'etablissements saxons, faits, en
pleine occupation romaine, sur le littoral de la Grande- Bretagne. II n'a ste
cr^e que pour r^primer les incursions continuelles des pirates, parmi
lesquels ils occupaient un rang Eminent. Un coup d'oeil jet^ sur la Notitia
Dignit. , sufflt pour s'en convaincre. Le Littus Saxonicum comprenait non
seulement les cstes de Tile de Bretagne, mais encore tout le littoral nord de
la Gaule, depuis Marcis [Merk en Flandre), jusqu'i la p6ninsule armoricaine,
suivant meme une opinion erronfe, k mon avis, jus- qu'i la Loire. Le nombre
et Timportance des mots latins emprunt^s par les Anglo-Saxons sur le continent
est la preuve la plus claire que les Anglo-Saxons eux aussi, directement ou
par Tinterm^- diaire des Germains du sud, avaient k\A sensibles k la
superiority de la civilisation romaine. Voici les mots latins qu'ils ont de
commun avec les Germains du continent et qu'on a le droit par consequent de
supposer entr^s dans leur langue avant leur Emi- gration (4).
acetum. area, bulgea.
amphora. balteus, butina,
ancora. bita. Caesar.
(1) Eutrope, Brev, IX, 21, 22.
(2) Amm. Marc., XXVI, 4 ; XXVIII, 2.
(3) Not. DignU. or., XXXII.
(4) Kluge, Grundriss, I, p. 309.
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54
LES MOTS LATINS
calvus.
labellumf
recuperare.
calcem (calx).
mancus.
saccus.
campus^
matta.
sagena.
candela.
mensa.
sauma (sagma).
caseus.
mentha.
saltare.
*castinia (castanea).
milia (passuum).
sUpa.
castellum.
milites.
satumi dies.
{cata)pultd.
misceret
scamellum.
catinus.
modius.
scrinium.
causa.
molina.
scutella.
ceresta fcerasus).
moneta.
sdcula.
cippus.
mulus.
securus.
cista.
mustum.
sericum.
tonile.
orarium.
sinapi(s).
cocina.
orca.
soccus.
cocus.
palatium.
solarium.
cornus.
pdlus.
solea.
crispus.
pave.
spatha.
cruccea.
pensile.
spelta.
curbita (cucurbita).
persicum.
spongia.
culleus.
pilum.
strata(via).
culter.
piper.
struthio.
cuminum.
pix, picem.
subtalares (calcei).
cuppa.
planta.
tabula.
cuprum.
pluma.
tegula.
curtus.
powierare.
tehnium.
discus.
pondo.
tolonarius.
draco.
porrum.
trajectonum.
expendere.
porta.
tremissis.
facula.
porticus.
tributum.
flagellum.
postis.
uncia.
fullo.
pressa.
vallus.
furca.
*pluma (prunum).
/Hasca (vasculum).
gemma.
pulvinar.
vicus.
impuere (imputare).
puteus.
vinum.
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 55
Ces emprunts sont incomparablement plus importants que les emprunts que Ton
peut supposer faits en Bretagne.
L'influence romaine s'est-elle fait sentir ailleurs que dans le vocabulaire?
Si on en trouve des traces, peut-on la faire remonter k r^poque continentale
ou Tattribuer uniquement au contact avec les Bretons insulaires? En general,
on s'accorde k dire qu'il n'y en a pas de reste certain dans les lois
anglo-saxonnes (1). Elle serait, au contraire, d'aprfes une thtorie nouvelle,
celle de M. Seebohm, ires marquee dans le regime agraire et la consti- tution
des classes sociales. Jusqu*ici la th^orie en faveur, c'^tait que les
Anglo-Saxons, en s'^tablissant en Bretagne, s'^taient constitu^s en
communaut^s de village, compos^es d'hommes libres. M. Seebohm n'a pas eu de
peine k montrer qu'^ T^po- que de la grande enquete qui a suivi la conquete
normande, consignee dans le Domesday Booh, il n'est pas fait mention de
tenanciers libres dans la plus grande partie de I'Angleterre. Les liberi
homines ou liberi tenentes forment 12 0/0 de la popu- lation totale et encore
sont-ils presque tous dans TEst-Anglie et les districts danois. Presque
partout le systfeme en vigueur est le syslfeme manoriaL Le manor (manoir) est
un domaine avec une communaute de village constituee en d^pendance servile
(2). Les villani^ serfs de ces seigneuries, formaient en moyenne jusqu'i 70
0/0 de la population totale. M. Seebohm pretend que cet stat remonte k la
conquete. Non seulement il serait invraisemblable, si on suppose la liberty k
Torigine, que la masse de la population fut tombee en servage, mais il y
aurait des preuves certaines de I'existence du systfeme manorial k une ^poque
trfes voisine de la conquete, au VlPet meme au VPsifecle, dans les lois dine
et les fragments de celles d'Aethelbert (597-616) (3). La ressemblance entre
le manor anglais et la villa romaine est saisissante. Le
(1) Scrutton, The influence of roviayi law on the law of England^ Cambridge
1885.
(2) Seebohm, ViU. commun,^ p. 126.
(3) IHd., pp. 127, 173 et suiv.
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56 LES MOTS LATINS
manor est comme la villa une proprist6 travaill^e par des serfs. Si les
cultivateurs romains ont d*abord St^ des esclaves, sous Tempire ils ont et6
peu k peu remplac^s par des coloni d'ori- gines diverses, dans une situation
analogue k celle des serfs anglais. II n*a pas &U difficile k M. Seebohm
de montrer que sur le continent en Gaule et en Germanic, il y a des exemples
d'^vo- lution de la villa en manor (1). Les charges des tenanciers, dans les
deux systfemes se ressemblent. M. Coote (2) qui voit dans la loi et la
sociSt^ anglaise la continuation de la loi et de la so- ciSt^ romaine, a tr^s
ingenieusement rapproche la fameuse tri- noda necessitas des Anglo-Saxons
(burh-bot travailler aux fortifications de la cite, brycg-hot k la reparation
des ponts (et des des routes?), fyrd le service militaire) des onera
patrimonialia des Romains : pontium refectio, arcium, viarum munitio^ el
tironum productio. C'est en vain que M. Scrutton fait remar- quer que la
trinoda necessitas est une charge personnelle, impos^e meme aux hommes
libres, tandis que les onera patri^ monialia sont attach&s k la terre
(3). Une pareille coincidence a force de preuve. Avec le systfeme manorial,
M. Seebohm a constate I'existence d'un systfeme d'agriculture particulier,
celui du systfeme dit k trois champs, tour k tour en culture et en friche,
d'apr&s une rotation dstermin6e, ou pour employer Texpression franjaise
technique, le systfeme k trois soles. Ce syst^me, suivant M. Seebohm^
n'existait pas chez les Bretons
(1) Seebohm, pp. 268, 269, chap, vi, §§ 111-125. Voir surtout Gu^rard,
Polypi.
(2) n y a trace de cette trinoda necessitas^ ou plutdt des onera
patrimonialia, dans le Cart, de Bedon. Dans les chartes concemant les terres
allodiales, il est dit plusieurs fois que la propri^t^ est transmise
di-cofrit, di-fossot, di-ost : di- CO frit sans contribution? di'fossot sans
travail de tranch^e, de pioche (fossot = fossdta^ ; di'ost sans participation
k la guerre ? On trouve aussi di'Wohard sans entrave. Ces charges n'atteignent
que la tenure servile.
(3) Seebohm, p. 11. Les terres staient assol6es, dit M. Gu6rard, et
Tassolement triennal paralt avoir st6 le plus en usage. Celui-ci est indiqu^
de la manidre la plus claire dans le polyptique de I'abbaye de Saint-Amand, ot
Ton observe un tiers de terre sem6 en bl6 d'hiver, un tiers sem6 en bl6 d'st6
ou en bl6 de mars, et un tiers laiss6 en jach^re (^Polypi,, pp. 649-662). Le
bl6 k trois mois (tremissis, tramissiSf tremesium') ^tait du bl^ qu'on
moissonnait trois mois apr^ la semaille (trimoiSf tramois^
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 57
de I'ouest, non plus que chez les Romains. On le constate, au contraire, dans
la Germanie du sud, particuli^rement dans le pays de Bade, le Wurtemberg, la
Souabe, la Bavifere, TAlsace et la valine de la Moselle. II serait n^ sous
une influence romano-gernaanique. Comme il n'existe, ni dans la Germanie du
nord, c'est-k-dire le pays d'origine des Angles et des Saxons, ni dans les
pays celtiques d'Angleterre (ce qui est discutable) (1) pays de Galles,
Ecosse, Irlande, il faut supposer ou quMl a ^t^ imports en Bretagne pendant
Toccupation romaine ou que les envahisseurs Tout trouv^ Stabli dans la
Bretagne de Test. M. Seebohm croit k T^tablisseofient en Bretagne de tribus
ala- maniques venant precis^ment du pays d*origine de ce syst^me. II n'y
apporte gu&re d*autre preuve qu'un r^cit d'Amraien Marcellin, d'aprfes
lequel Valentinien, en 371, aurait envoys en Bretagne une tribu alamanique
des bords du Rhin, au nord de Mayence, sous le commandement de leur chef
Fraomarius. C'^taient des Buceno- bantes. Les inscriptions, non plus que la
Nolit. DigniL imper.^ ne font mention de cette tribu en Bretagne. En
revanche, la Not. Dignit. imper. nous signale des Bucinobantes sub dis-
positione magistri militum praesentalis, mais en Orient (2) ; ils semblent
done n'avoir jou6 aucun r61e en Bretagne ou avoir st6 vite rappel^s. On ne
confoit d'ailleurs pas ces vaincus, d6- port^s de force, usurpant la
propri^t^ des villas romaines et se servant des indigenes comme serfs, pour
cultiver leurs nouvelles acquisitions. lis pouvaient tout au plus aspirer k
la condition de coloni. A I'appui de son hypothfese, M. Seebohm cite
I'opinion de W. Arnold (3), que le suffixe -ing -ingen d^noterait un grou-
pement alamanique. Or, les noms de lieux en -ing apparaissent
(1) M. Seebohm (pp. 372-372) semble croire que la culture au moyen de la mame
est un indice du syst^me de culture sur le mSme champ, par opposition an
syst^me a trois soles. II le conclut pour ragriculture dans la (Jaule et chez
les Beiges de Bretagne. Or, Temploi de la mame et du fumier stait g^n^ral
dans la Qaule m^rovingienne, dans les pays a trois soles (Gu6rard, Polypt. p.
653).
(2) Not, Dignit, imper. or.^ VI, 17, 5-8, 6dit. Otto Seeck.
(3) Ansiedelungen and Wanderwngen Deutsoh, Stdmme^ Marburg, 1881, pp. 155 et
suiv. Seebohm^ p. 360.
•#. •
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58 LES MOTS LATINS
en Angleterre en grand nombre, surtout dans Test. On pent ob- jecter que ce sufiSxe
est commun k tout le groupe germanique(l)» sans excepter le groupe auquel
appartient Tanglo-saxon. II etait meme d'usage, chez les Anglo-Saxons, de
d&igner par ce suffixe les descendants d*un meoie ancetre : < Erat
autem idem Aedilberct Alius Irrainrici, cujus pater Octa, cujus pater Oeric,
cognomento Oisc, a quo reges Cantuarioriim solent Oiscingas cognomi- nare.
Cujus pater Hengist, qui cum filio suo Oisc invitatus a Wurtigerno Brittaniam
primus intravit. t> (Bfede, Hist. Eccl.^
n. 5) (2).
M. Seebohm parait d*ailleurs se faire une id^e tout-^-fait fausse de la
situation de la Germanie romaine. Les agri decumates^ en particulier ont st6
peuplSs, abstraction faite des colonies de v^t^raiis, par des colons gaulois
(3) et ne tombferent au pouvoir des Alamans qu*au temps de I'empereur
Aurelien.^LesGermains (Francs et Alamans) n'ont pris solidement pied k Touest
du Rhin qu'au commencement du V® sifecle(4). Le systfeme d'agriculture et de
tenure, dont il parle, est doncn^ en Gaule meme. II ne saurait, k aucun point
de vue, etre question d'une influence alamanique ni dans la constitution du
syst^me k trois soles, ni dans celle du ma- noir. Tout cela existait en Gaule
et s'est forme sous une influence romaine et gauloise (5) k la fois. Les
memos causes produisant les memes efifets, cet etat' de choses a du exister
aussi dans la Bre-
(1) Voir.Bragmann, Grundriss der vergl. Gramniaty II, p. 251.
(2) Je laisse de cst6 la question de Th^ritage par le plus jeune. M. Seebohm
croit le retrouver pr^cis^ment dans les parties alam^inisies de Test.
L'argument t6mbe avec le reste, Thypoth^e alamanique ^cart^e. On pourrait
tout aussi bien soutenir que ce droit est breton.
(3) Tacite, de moribiis Qertnan.^ XXTX : Non numeraverim inter Germaniae
populos, quanquam trans Rhenum Danubiumque consederint eos, qui Decumates
agros exercent. Levissimus quisque Oallorum, et inopia audax, dubias
possessionis solum occupavere. Mox limite acto, promotisque praesidiis sinus
imperii et pars provinciae habentur.
(4) Cf. Kiepert, LehrhicTi der Alien geogr., Berlin 1878, p. 520.
(5) Voir la note 3 de la page 56 sur Tagriculture k trois soles en Gaule. Ce
syst^me a exists en Gaule un pen partout. Les neuf joum^es de corvee, trois
anx trois saisons de Tann^e, dans certains usements en Armorique, supposent
aussi ce systeme (saisons = sationes').
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DANS LES LA.NGUES BRITTONIQUES.
59
tagne roraaine, siirtout dans la partie la plus atteinte par Tinfluence
romaine, Test. Les vilains gallois ressemblent d^j^ beaucoup aux tenanciers
salons. Dans Test, le lien de la tribu s^*^tant sans doute, comme en Gaule,
reI4ch^ plus vite pendant Toccupation romaine, la tribu s'etant fractionn^e,
les membres les plus favorises, les grands se seront arroges vis-k-vis de
leurs esclaves et d'une partie de leurs vassaux les droits des propri^taires
remains vis-k-vis des leurs. La classe des colons a du se consti- tuer de la
meme manifere qu'en Gaule et contenir des 616ments trfes divers. II est done
fort probable que les influences romaines^ justement constatees par M.
Seebohm chez les Anglo-Saxons, remontent aux Bretons insulaires. Pour les
influences celtiques proprement dites, il est impossible de les determiner
nettement, r^tat social des Germains et celui des Celtes> nous le
repetons, etant extremement rapprochfe Tun de Tautre.
II rSsulte de cette etude que la Bretagne n*a pas ^t^ assimil^e; que la
langue latine n'y a jamais ^t^ langue nationale, mais que les Bretons, plus
specialement ceux de Test, ont subi d'une fa^on marqute dans leur langue,
leur civilisation, I'organisation de la propriety, Tinfluence de la
civilisation romaine.
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LE8 MOTS LATINS DANS LES LAM6UES
BRITTONIQUES. 61
CHAPITRE PREMIER
&tat comparatif du latin et du brittonique it r^poque des
emprunts latins.
A — Latin,
§ 1. — Vocalisme. — A T^poque des emprunts latins par le brittonique, le
latin ^tait en pleine voie d'evolution. L*histoire du latin avant la periode
romane proprement dite, ^tant peu connue chez nous, en dehors d'un cercle
restreint de romanistes, on me pardonnera d^essayer de la rSsumer ici.
II y avait eu une epoque ou la quantity des voyelles latines n'^tait en rien
influencSe par leur place dans le mot, ou les voyelles brfeves et longues
staient distinctes aussi bien en syllabe atone qu*en syllabe accentu^e.
L*allongement dit par position (voyelle suivie de deux consonnes) repose sur
une erreur d*interpr^tation du mot positio qui d^signait non la longueur de
la voyelle mais bien de la syllabe (1).
Du jour oi Taccent devint 6nergiquement expiratoire, c'est- &-dire oil la
voyelle accentu^e fut prononcee avec beaucoup plus
(1) MM. Thorot et Havet avaient de bonne heore fait la remarque qu'il ne
sanrait Stre question de Toyelles, mais bien de syllabes longaes par position
et que la voyelle n'dtait en rien atteinte (Havet, Mim, soo. ling,, IV, 22,
1879 ; Thnrot, Revue de Phil.y IV, p. 92 et suiv.). M. Darmesteter {Revue
critique^ 1875, II, p. 267), affirme la persistance de la quantity des
voyelles en position. Sulvant M. Forster {Rheiniiohei nmsaeum, XXXIII, p.
295), ce serait Ascoli dans son Arohiffio glottologioo qui, le premier,
aorait appel^ Tattention sur ce point. Les t^molgnages des inscriptions, des
grammairiens, la transcription des mots latins en giec, furent utilise pour
^tabllr la quantity de ces voyelles par Schmitz (^Beitrdge zur latein,
sprache und litteraturJtunde, Leipz., 1877). Corssen {iiher anepraohe, vokal,
und betonung der lat. sprach., 2« 4dit., 1868) avait eu recours aux
indications moins sures de I'^tymologie. Le premier, M. Forster, ^Taide de
revolution connue des voyelles dans les difE^'entes langues romanes, put
donner avec plus de certitude qu'on ne I'avait fait la quantity d'un grand
nombre de voyelles en position (Rhein. Mus., XXXIII, 291-639). Les r^sultats
de son stude ont 6iA vulgaris^ dans le HulfsbUchlein fur die auspraohe der
lateinischen vokale in positionlangen silhen, de Marx, Berlin, 1889. lis ont,
depuis, st6 contr516s, augments et parf ois rectifies par Grober ( Arohiv.)
et Korting (Latein^om,. TF2>>^.).
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62 LES MOTS LATINS
de force que les autres, les anciens rapports de quantity entre les diverses
voyelles du mot furent alt6r6s et T^conomie du mot compromise.
Les finales furent les premieres atteintes.
Suivant une loi physiologique qui se y^rifie dans d'autres langues qu^le
latin, k la quantity s^attacha un timbre particulier; les longues accentu^es
ou toniques se prononc^rent ferm^es, les brfeves, ouvertes (1).
On arriva done pour le vocalisme k ce resultat :
Latin yulgaire.
Latin classiqne,
• •
—
I
m
I
—
e
•
—
e
?
—
V
e
•
=
u
u
—
a
•
—
6
9
=
6
detd paraissent avoir eu de bonne heure le meme timbre (2).
(1) Schuchardt, Vokal, I, 167-169, 461 ; II, 146; III, 151, 212, a
parfaitement constats que la quality depend de la quantity. Mais le premier
qui ait nette- ment mis en relief le rdle capital da timbre on de la quality
du son dans r^vo- lution des langues romanes est Bohmer {Romanuche studien,
I, 351 et 600 ; IV, 336). Son ^tude contient, il est vrai, de grosses erreurs
; le principe qu'il pose notamment, k savoir que la quantity des Toyelles en
latin aurait ^t^ inddter- min^, est inacceptable et rejet^, d'ailleurs, par
tous les critiques. Ten Brink (J)aueT %nd Klang^ Strassburg, 1879), rejetant
la th^orie de Bohmer, pose en principe que les voyelles braves terminant la
syUabe, ou ouvertes, s'allongent ; que les longues en syllabes ferm^es,
c'est-^-dire suivies de deux consonnes, s'abr^gent. Voir quelques critiques a
ce sujet de Seelmann, Atbsprache^ p. 70. Pour Texpo- sition des deux syst6mes
de Bohmer et Ten Brink, cf. Korting, Uncyclopaedie und methodologie der
roman. philol,, 1884, 2® part. pp. 65 et suiv.
(2) L'ouvrage de Schuchardt Vokal. a st6 le point de depart de toutes les
etudes Bur le vocalisme (sur chaque point, la table m^thodique du tome III
permet de s'orienter ; pour le vocalisme, voir p. 335). Les regies sur les
rapports du timbre avec la quantity sont clairement expos^es par Forster
(^Bhein. mus,^ XXX, 1878, p. 291). W. Meyer QGi'undrisSf pp. 351 et suiv.),
suit Grdber Archie* fiir latphU., 1884, pp. 211-212).
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 63
Peu k peu, i et^ se confondirent en un seul son e : video et credo donnent
vois, crois; pira, legem =i poire, lot.
Plus tard i? et o se confondent en o : nodum = noeudj lupum = V. frangaisZ^w;
currere = courre; cortem (cohor- lem) =iCOur (1).
Les voyelles rapproch^es par le timbre finissent par se con- fondre. Les
voyelles brfeves accentu6es en syllabe ouverte, ou voyelles libres, c'est-a-dire
devant une consonne simple, s'allongent ou tendent k s'allonger; les voyelles
longues en syllabes ferm^es ou voyelles entravees (2), c'est-^-dire, suivies
de deux consonnes s'abrfegent ou tendent k s'abreger (3) : la voyelle sous
Taccent tend k perdre de sa valeur au profit des consonnes suivantes.
Insensiblement, toute difference de quantity ancienne s*efface; les voyelles
toniques ne different plus que par la quality ou la nuance du son, le timbre.
On aboutit done k :
« = f.
^ = f , ^, oe {oe passe au IP sifecle aprfes J^sus-Christ k e), ^ =:e et ae
{ae = e vers le IP sifecle aprfes J6sus-Christ). a = d et a,
= 0, u,
•
au, de toutes les diphthongues, seule persiste. En syllabe atone, la
difference quantitative des voyelles s'efface encore plus vite qu'en syllabe
accentu^e : i et e (4) se
(1) Sur o tonique libre ou entrav^, voir G. Paris, Romania, X, pp. 36 et
suiv. -Eiw et mi rendent respectivement o tonique libre ou entrav^.
(2) jPr, Jr, tr, dr, ne forment pas entraves, non plus que la consonne qui
suit la demi^re voyelle atone d'un mot : dans fh*{%)t^ val(jd)t, i, e sont
consid^r^s comme libres. D'apr^s ce qui vient d'Stre dit, I'entrave ne
modifie pas la quality de la voyelle : mordere •=. m&rdere moi-dre ;
tornare = tovTiare toumer.
(3) Grober, Archiv., 1884, p. 222, pense que cet allongement des braves s'est
produit apres que i ^tait devenu e, et U, o; sinon r ett st6 ti-ait^ en roman
oomme t, U comme u.
(4) Terentios Scaurus, vers 150 apres J.-C, ne connaissait plus de difference
entie if et e atone dans faciUs et faoilis (Seelmann, Auspr,),
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64 LES MOTS LATINS
fondent plus tdt eDcx)r6 en e; 6 eiu en p; e atone repr^sente non seulement
e, mais ^ et e primitifs ; p atone =u, 6 et 6, II ne reste done, en syllabe
atone que :
i, e, p, u, a (1).
Ces diffSrents ph^nom^nes se sont accomplis par stapes successives, mais
beaucoup moins tot que la plupart des romanistes ne le supposent. W. Meyer
admet, par exemple, le passage de i & ^, peu apr^s la colonisation de la
Sardaigne (2). M. Grober auquel W. Meyer a emprunt^ sa'chronologie et qui
semblait croire, en 1884, que tous ces divers ph^nomenes ^taient accomplis au
plus tardau II* si^cle de notre hvQ (3), la plupart bien avant, Claire par
Thistoire des mots latins passes dansleslangues etrangeres, est revenu, en
1890, sur ses propres tbteries et reconnait que les voyelles latines ont
conserve leur quantite et leur quality propres bien avant dans Tepoque des
empereurs (4). Ce qu'on croyait des faits accomplis n*^tait que des
tendances. En disant que i tendait & e d&s avant T^re cbr^tienne,on
ne sera pas ^loign^ de la v^rit^; de meme pour les autres Evolutions. Les
mots latins passes en brittonique, emprunt^s, ea les prenant en masse, du IP si^cle
au commencement du Y® si^cle, plus sp6cialement aux IIP-IV® sifecles, nous
presentent toutes les voyelles toniques intactes avec leur quantity et leur
quality di verses, parfaitement distinctes. Yoici TEtat que nous devons
supposer pour leur vocalisme :
|, f, e, e, dy ^, ^, p, w, u. I parait tendre ke; H ko.
(1) Grober, Arch,, 1884, p. 212; W.Meyer, Grundriss,!, ^,3Ql;ctW, Meyer,
Grammaire des langues romanes, trad. Rabiet, I, p. 55.
(2) W. Meyer, Orundriss^ pp. 360 et suiv.
(3) Grober, ArcMv.^ pp. 211-213.
(4) Grober, Archiv., 1890, pp. 527-558. Seelmann, Aiisprache^ pp. 74 et
suiv., avait parfaitement montr6 que ces ph^nom^nes s'^taient produits peu k
peu pendant un long espace de temps, par stapes successives.
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 65
oe est pass6 k e; pour ae, il n'y a gnhve qu'un ou deux exemples; il est
difficile d'en rien dire.
au est conserv^e.
La voyelle atone, au moins la posttonique latine, quand elle n'est pas dijk
tombeo, ne semble pas plus atteinte que la tonique : un ph^nomfene
particulier d'accentuation en brittonique Ta pr^servee du sort des autres
atones. Une remarque ici est n^cessaire : les mots latins ont du passer en
brittonique, assez souvent, sous une forme plutst en quelque sorte classique
que vulgaire. C'est ainsi qu'aujourd'hui encore, les mots frangais p^n^trent)
en armoricain, non sous une forme populaire, mais sous une forme
exclusivement classique. lis p^nMrent par I'^cole, Tarm^e, par Tinterm^diaire
de la classe lettree. Les conditions ^taient assur^ment autres en Bretagne
insulaire, mais il y a 1&, nSanmoins, une possibility dont il faut tenir
compte.
Les autres traits communs du latin vulgaire (j'entends par vulgaire, non le
latin de la basse classe, mais le latin courant dans Tempire romain) seront
signal^s en temps et lieu (1).
§ 2. — Consonnantisme. — Pour le consonnantisme latin, voici Tetat que
supposent les emprunts latins en brittonique.
MOMENTANEES :
,^ , . /r^v ( «J sonores : b, d, g. Explosives (2) ) , ^ , / ^
^ ^ ( 0) sourdes : p, t, c, q.
(1) Voir Grober, Archiv,^ 1890, pp. 46-47 ; cf . W. Meyer, Gh^ndriss,
(2) Je pr6f6re le terme d'explosive sourde, explosive sonore, k ceux de
muette, t^nue et de moyenne, parce qu'ils facilitent consid^rablement
Tintelli- gence des ph^nomenes celtiques, comme on le verra plus loin au
chapitre des consonnes. Explosive^ indique que la bouche s'ouvre brusquement
pour rarticu- lation de^^ t, c, h, d, g^ apr^s s'Stre ferm^e compl^tement
(imploHve indique la fermetui'e avant Texplosion) et marque que le son est
momentan^. La bouche n^^tant k aucun moment ferm^e pendant I'expression des
spirantes, la difference essentielle entre les explosives et elles, c'est que
les explosives sont momentan^es et les autres continues. Soneres indique une
vibration des cordes vocales dans le larynx ; sourdes^ un bruit dans la
bouche sans vibration des cordes vocales. Cette distinction est essentielle.
Les voyelles sont des sons du larynx purs et des con- tinues ; la bouche
n'est f erm^e & aucun moment de leur expression.
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66 LES MOTS LATINS
CONTINUES :
ia) sonores : r, 5, {z frangais) / (i consonne comme dans rarmoricain ya.) b)
sourdes : /*, s. Nasales : m, n.
Liquides : r, /.
c en touie situation, ainsi que t, gardent leur valeur primi- tive (voir sur
ci + voyelle, ti + voyelle, Tintroduction (p. 30).
h^ en langage courant, k Tepoque classique, ne se pronongait plus.
Les ph^nom^nes principaux qui atteignent les consonnes dans la plupart des
langues romanes : sonorisation dejo, t, c intervo- caliques en 6, d, g,
transformation de 6, d, g intervocaliques en spirantes correspondantes, ou
des explosives ou momentanees sonores en continues sonores ; assibilation de
c et de ^r devant i, e, etc., ont eu lieu aprfes les emprunts latins. Pour la
confu- sion de & et i; intervocaliques, elle a eu lieu de bonne heure ;
elle est frequente dfes le IP sifecle apr&s J.-C. Le brittonique ne peut
nous renseigner sur Tetat des consonnes finales.
B — Celtique.
§ 1. — Vocalisme. — Le vieux celtique, vers T^poque de la conquete de la
Gaule, poss6dait les voyelles suivantes :
^, ^, d, d, u {d = d indo-europ^en et probablement un son indetermin6
indo-europ6en que les linguistes allemands ont bap- tist du nom de schwa).
t = z eie longs indo-europeen {rtoc = rex).
d = d et 6 longs indo-europ^ens (gall, dawn = vieux celt. ddno-n =
indo-europ. dono-m).
u=zu indo-europ6en.
DIPHTHONGUES :
aw, ou {eu de bonne heure passee k ou).
ai, oi, ei [oi final, de bonne heure devenu i).
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DANS LES LANGUE8 BRITTONIQUES. 67
Vers le IP si&cle apr&s Jesus-Christ, en Bretagne, le vocalisme du
vieux celtique avait subi, en brittonique, d'importantes modi- fications.
Les voyelles brfeves ne paraissent pas s^rieusement alt^r^es : e atone devant
les liquides parait avoir pass6 k dow. pris un son voisin de Va : mulier
Catuallauna {Ephemeris Epigr,, 1879, n°718); Tadia Vallaimius
{vallaun'=vellaun' vieux celtique) ; (Hiibner, Inscr. Brit., lat., 126), mais
ce ph^nomfene stant aussi latin vulgaire, on ne peut tirer de ces deux I'aits
aucune conclusion certaine.
Les diphthongues sont toutes reduites k des sons simples.
ai, ei aboutissent k e.
oi, en passant par oe tend k p, il.
pUf au arrivent k 6 probablement vers le IP si&cle (dans Tacite, encore
Boudica).
Les longues, si on se bornait au peu que nous apprennent les inscriptions,
les g^ographes et les historiens anciens, seraient peu modifi^es, mais les
emprunts latins prouvent qu'elles subissaient, dans leur timbre, une
Evolution decisive.
I est intact; accentue, il conserve sa valeur aujourd'hui encore.
a long tend kg': les mots bretons passes en irlandais au Y* sifecle montrent
qu'^ cette ^poque, c'^tait un fait accompli (I).
u passe k t (gall, din = *dunos; rin = runa vertu secrete) : quelques
emprunts latins ayant u long, nous pr^sentent ^ abso- lument comme les mots
indigenes : gall, et arm. cib = cupa; gall, misgl = musclus; arm. criz =
crudus. Ce sont des ex- ceptions ; la masse des u latins ont et6 traites
comme 5 britto- nique (ow, eu, oi) et ont 6volu6 en ii. II faut en conclure
que les mots comme cupa donnant cib, sont les premiers emprunt6s et que u
celtique allait terminer son evolution en I. Elle ^tait
1) Le nom Juliana •= Juliana^ dans les Inscr. Brit. Xa^, semblerait indiquer
que ce ph6nom6ne 4tait accompli pendant I'occupation romaine, mais on trouve
d'autres exemples de cette graphic o pour a, dans d'autres provinces
(Schuchardt, VoK, I, p. 170).
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68 LES MOTS LATINS
accomplie au plus fort des emprunts latins. Un mot important durus (acier) a
6volu6 en dir en armoricain, en dur en gallois. II a ^t^ emprunts au moment
critique de revolution d'u en f, peut-etre un peu plus tdt par les Bretons
qui devaient passer en Armorique {!). u celtique semble done avoir ^volu6 en
f, au plus tard, au 11* sikle de notre fere (2). Une autre conclusion k en
tirer, c'est que oi accentue n'etait pas encore devenu u et ^tait k un degr^
interm^diaire, k peu prfes p, car oi celtique a st6 traits en brittonique
comme o = ow, eu.
Le changement de 6 sorti de aw, ou {eu) en w est un fait accompli
probablement dfes le V® sifecle (3). Dans BMe, il est repr^sent6 par i;
Lindo-Colina (4) : Colina = vieux gall. Colun = CoWnia; Dinoot = gall. JDunot
= Dondtus (5); cf. Penkridge = Pennocrucium, En Irlande, les mots latins
passes du brittonique en irlandais montrent aussi w=Jou un son qui en est
trfes voisin.
6 final avait pris avant 6 accentu^ un son m, qui en gallois meme, a eu la
valeur de z : gall, draic = dract draco; gall. lleidr = latri =lair6 (vieil
arm. latr), 6 final devenu w, e, a eu comme ^ la force de changer a en e, ei.
Ce changement de 6 final en i en passant par ily a eu lieu k T^poque ou u
(li) celtique devenait i?
(1) Pour ni/oer = numerus^ voir plus bas chap. ii.
(2) Cette Evolution prouve aussi que m avait depuis longtemps, en
brittonique, le son il. II n'y a aucune conclusion k en tirer pour le reste
de la famille celtique. Le ga^lique n'a jamais change u en u. M. Giiterbock,
Bemerhungen, p. 20, pretend que ii doit Stre suppose comme degr6
interm^diaire pour I'irlandAis oe {oi), 6crit aujourd'hui ao^ cet ao se
prononQant, d'apr^s 0' Donovan, Irish Grammar, p. 16, ^mme i. La citation est
inexacte : <w>, d'apr^s 0' Donovan, se ppononce dans le nord de
I'lrlande comme ay dans mayor ; un peu plus loin, il remarque qu'en Connaught,
c'est quelque chose comme ea dans steals mais il sent lui-m§me que cette
assimilation est inexacte, car U ajoute que le son irlandais est plus large
et qu'il participe de la nature de la diphthongue : il serait assez semblable
k uee dans queen ; en Ulster et en Meath, ce serait un son bizarre, quelque
chose comme aeell, Pour la Gaule, v. Thurneysen, Keltor,
(3) A remarquer dans les Inscrip. Brit, Lat,, Nodentis et Nudente; cf. Pen-
nocrHcium, Penkridge (^Itinir. anion,).
(4) BMe, Hist, eccl., II, 17.
(5) DUnot se retrouve, en Armorique, dans le nom de la commune de Plu^
zunet=zPloih'J)unot (Plebs Donati).
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 69
Uo long sorti de a long avait un son ouvert : accentu6, il a 6volue en
gallois en o, aw. En armoricain sous I'accent, vers le XP siecle, cet o s'est
assourdi en o; mais, en syllabe entrav^e, non accentu^e au moment de revolution
en o, il a gard6 son son ouvert {ynotrepi arm. moyen mozreb). II sufflrait de
faire remarquer que cet o ne s'est jamais confondu avec o sorti de om, eu,
que Yd latin a toujours st6 traite comme a celtique, tandis que latin a ^te
traits comme o celtique = au, ou^ pour que le son ouvert de o brittonique = a
fut hors de^ doute. II y en a d'autres preuves. Les mots savants latins ayant
o, dont Vo se pro- nongait ouvert, ont eu leur 6 traite comme J = a; il est
devenu p, aw en gallois: gall, awd, awdl = oda; nawn = ngna; Arawn = -4rpn
(Aaron); ^dW.addoli, arm. moyen azeuliff=^adgr~are. Le mot {h)ora avait 5 en
latin, dJapres le brittonique : gall. awr^ arm. moyen ewr (voir §4). Au
contraire, les mots latins populaires passes r^guliferement en brittonique
ont tons il pour 5 atone ou tonique : -us = le sufflxe latin -^sus : ce
suflSxe emprunte est encore vivant en gallois et armoricain; gall. Anhun =
Antonius; vieil arm. fiinton = fontana; gall, llx^rig = loTica; gall. Ruvawn
= Romdnus, etc. (Pour les anomalies, voir chap. II k o long).
L'o du gallois = a a ete transcrit par les Anglo-Saxons par a : Caedualla
chez Bfede = Catwallon; Buvnwallan = Duvn-wallon (1).
En gallois, k la periode neo-celtique, p = g s'est meme parfois sous Taccent
confondu avec o = d : gall, prawf = prdb-^are; tymmawr parfois pour tymmor =
tempore, Cf. Siawn = anglais John. Cette tendance est si marquee que Silvan
Evans, le plus connu des grammairiens gallois actuels, croit devoir mettre en
garde contre Tecriture iawn, awn pour ion, on (2).
e (= ei, ai) se pronongait ferme ; en effet, e latin a et6 traite absolument
comme r^ brittonique. Tons les deux ont ^volu6 en
(1) Earle, Handhook to land charters^ p. 35 (charte de 740).
(2) Llythyraeth y Cymry, p. 66, § 197.
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70 LES MOTS LATINS
oe. Ce ph^Domfene n'avait pas commence k T^poque de T^migra- tion,
c'est-k-dire, au milieu du V® si&cle (Redones (Rennes) est devenu en
arraoricain Roazon en passant par *Roedon, *Redones). Ce qui le prouve, c'est
que les mots latins passes en irlandais, par Tintermediaire des Bretons
presentent e, ia = e et non oe (1). Or, il est sur que si cette evolution
s'toit produite, si ces mots avaient eu oe et non e, la transcription
irlandaise aurait et& tvhs voisine de oe. Le dictionnaire de Corraac
(compos6 vers la fin du IX® siecle, vraiserablablement) nous donne le mot
salcuait, c'est-^-dire, ajoute-t-il, salchoit, car en combrecc^ en gallois,
coit ^quivaut au gaelique caill bois ; salcuait est un grand bois de saules.
Salcoit (2) vieux gallois = salicetum. Cette Evolution tardive de e en oe
explique aussi que Ye latin pr^tonique ne porte point la trace de la
diphthongaison. Me(n)sura a donn^ mesur en vieux gallois et vieil
arraoricain, et non moesur. La diphthongaison ne s'est produite dans la
syllabe accentuee que lorsque Taccent, devenu trfesintensif, avait avantag^
la syllabe sur laquelle il portait. On ne peut songer ici k un abrfegement de
la pretonique dans le mot latin, les autres longues, dans la merae situation,
apparaissant, en brittonique, avec leur quantity intacte (Voir plus has : § 3
6, natuy^e de V accent).
Dans r^criture, le son ferme de e est parfois exprime par i : Iserninus
{Inscript. Brit, lat,), Argistillum (Anon. Rav.)^ aujourd'hui
vraiserablablement Arwystli dans le Gloucester- shire (3). Isca pour un plus
ancien Isaca donne Wysc (Isca
(1) Biist z= hestia ; cler, cliar •= clerus^ srian-=^frefium^ etc. Voir
GuterhocJi^ Bemerk^ p. 24.
(2) Le mot n'existe plus en gallois. II est rest4, en Armorique, dans des
noma de lieux : Halgouet, Halegouet.
(3) Le nom de Gildas souleve plus d'une grave question. La transcription
armoricaine Chjoeltas prouve que Vi repr^sente e. D'un autre cst6, I'absence
de vocalisation de I devant t, d, prouve que la forme GhUdas est inexacte ;
il faut supposer pour Chveltas une forme brittonique Gelo-tamos avec une
voyelle impossible a determiner apr6s I. La forme Gildas a tout I'air d'une
forme anglo- saxonne appuy^e sur gild. L'oeuvre de VScrivain breton est tres
certainement interjpolle et remaniie suivant toute vraisemhlance par des
Anglo-Saxons,
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071)
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 71
Silurum ; Isca Damnoniorum, saxon Exan-ceaster pour Escan- ceasier, Exeter).
ae, tres vraisemblablement, avait ^volu6 en e, k T^poque de nos emprunts.
Cependant le gallois praidd (b^tail, cf. le vieux frangais proie) armoricain
preiz, semblent indiquer encore une diphthongaison. Praidd suppose praeda et
non preda, oMprgdia (1).
au est conserve : en armoricain, cette diphthongue donne aou, en gallois eu,
au, k moins que gu ne suive : aur = aurum : ail en gallois, dans les mots
brittoniques = ov : ffau = fovea, comme au = dv[e$) dans le pluriel des noms
de choses inani- mees {au gall. mod. = ou vieux-gallois, eu moyen-gallois).
A r^poque des emprunts latins, le vocalisme brittonique se pr^sente k nous
ainsi :
Braves ?, e, d, o^u : % tend k e; uk o, surtout chez les Bre- tons qui
devaient passer en Armorique.
Longues : I = ^, ^ indo-europ6ens, et oi vieux celtique en syllabe finale.
w = ti long indo-europeen et 6 long final latin (en gallois), mais ce son
termine son evolution en I, avant que la plus grande partie des mots latins
emprunt^s soient passes en brittonique.
e = aiy ei indo-europeens, e latin.
gL=zdei6 longs indo-europ6ens et a long latin.
6 = ou {eu), au celtiques et indo-europ^ens, dans la meme syllabe, oi non
final, et 6 latin : ce son ^volue en il plus tard.
Les seuls sons diphthongu^s qui peuvent exister, viennent de vcyelle + v, Le
nombre de ces sons sera considerablement augments par la chute de 5, de (/
intervocaliques.
A Tepoque des emprunts latins, s'accomplissait ou venait de de s'accomplir un
fait capital qui domine toute I'histoire des
(1) Eiz armoricain moderne peut venir de Jf+z (d spirante sonore) ou e-{-z :
feiz foi a pass^ par fid (^Fid-lori)^ dans le cart, de Redon, gall, modeme
ffyddlon fiddle, plein de foi, et fez. Crcvz craie est un emprunt
relativement recent et remonte & creda et non k creta. C'est un emprunt
romano-franQais.
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72 LES MOTS LATINS
langues brittoniques : un changement dans la place et la nature de Taccent.
§ 2, — Accent, — a) Place de I'accent. — L'accent, k cette epoque, en
brittonique, s'etait probablement fixe ou tendait h. se fixer sur la
p^nultifeme brfeve ou longue.
L'histoire des emprunts latins sufflrait h le prouver. Toutes les
p^nultifemes latines, merae atones, sont conserv^es, excepts, naturellement
dans le cas ou la p^nultieme atone avait d6]k disparu en latin vulgaire :
exemples (les formes sont galloises, quand je n'avertis pas) : asyn = asinus;
calav = caldmus; colched =. culcita; cybydd = cupidus; di syfyd = de subito;
gwener = veneris (dies)/ gosper = vesperus; ober = opera; llythyr*= litter
ae; maneg = manica; 7neddyg = medicus ; armor, mesper = mespzlus (nfefle) ;
nifer = numerus; peddyd = peditem ;peithyn =pectmem ; plegyd = placUum; pydew
= puteus; porphor = purpura; Tegyd = Tacitus (vieuxgallois Tacit);
trybedd=^*tripedem; tervyn^rz terminus; tymmor (saison) = tempore;
tymheraf^^temper-Oy etc.
Tous ces mots appartiennent k la langue populaire et la plupart se retrouvent
en armoricain. Les modifications que la penultifeme a subies sont insignifiantes
et toutes d'une epoque relativement moderne et dues k la tendance de Taccent,
aprfes la chute des finales, k se reporter sur la nouvelle penultifeme. Les
Bretons Emigres en Armorique ont traite les noms de lieux qu'ils ont
empruntes comme les mots latins : Roazon = Redones (Rennes) ; Naoned =
Ndmnetes (Nantes) ; Gwened = Veneti (Vannes).
La posttonique latine classique ne se montre plus gu^re dans certains groupes
: a) entre consonne + / ou r : bagl = bac'la; cengyl (y irrationnel) =
cing'lum; pobl (dialectaleraent po&o^ avec irrationnel) = pop'lus; sovl =
*stub'la (stupila pour stipula); perigl = periclum; b) entre liquide •+
consonne : sollt = soVdus; gwyrdd = virdis.
La fixation de Taccent sur la p^nulti^me est speciale, dans la
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 73
famille celtique, au brittonique. Nous savons par les d^couvertes de MM.
Zimmer (1) et Thurneysen (2) que Taccent d&jk en vieux- gaelique
frappait, comine en vieux-haut-allemand, la syllabe initiale du nom simple ou
compose, et du verbe simple, mais le second element dans le verbe compose
(excepte k Timp^ratif). II est fort probable qu'une sorte d'accent secondaire
a exists aussi en brittonique, sur Tinitiale. 11 est en tout cas hors de
doute que la premifere syllabe du nom et le deuxifeme element dans le verbe
compost, ou pour etre plus exact en ce qui concerne le brittonique, le
premier element 7'eel du mot, stait avantag^. La particule tu, to garde son t
intact dans le nom compost; elle devient do en composition avec le verbe (3).
II est non moins certain que ce semi-accent n*avait pas le caractfere
destructeur qu'il a pris en gaelique. II n'avait pas non plus annihil^
I'ancien accent qui exerce des effets encore visibles. II n'a done jou6 qu'un
r6Ie trfes secondaire. Cet accent ou semi-accent n'existait pas k r^poque de
I'unit^ gaidelo-brittonique. Le gallois chwedl nouvelle, recit, irlandais
seel, supposent tous les deux sqetlo-n, mais sqetlo-n remonte sans doute k
seqetlo-n. Si Taccent avait ste sur seq--, on ne s'expliquerait pas la
disparition de Ve. L'accent en gaidelo-brittonique ^tait done, dans ce mot,
sur la p^nultieme : seqetlo-n, sqetlo-^n (4).
Un point important k noter, c'est que le nouvel accent se porte sur la
penultifeme brfeve ou longue, sans qu'on puisse supposer que la p^nultifeme
ait &i& une antep6nultifeme et qu'elle doive sa place k la chute
d'une brfeve posttonique : gall. Brython = Brit- tones; Dyfed= Demetae;
cintaf premier = *cintamos= *indo-
(1) Zimmer, Keltische studieriy Berlin, 1884:.
(2) R. Thurneysen, Remie celtique^ VI, pp. 129 et suiv., 309 et suiv.
(3) Voir Memoires de la Societe de lingnistique de Paris, VI, 1888, pp. 337-
340. Dans Tnon m^moire j'ai exag^r^ la valeur de l'accent secondaire de
I'initiale.
(4) A propos de sqetlo-n ou mieux skvetlo-n, il faut remarquer que sce-^
tscei ne donne pas chw : gall, et arm. scoet bouclier, ^cu = *8ceito-,
nouvelle preuve que e = ei, ai celtique n'^tait pas diphthongue au moment de
revolution de sv- ihu -f voyclle en chw-. On remarquera aussi que skv- ne se
change pas en sp.
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74 LES MOTS LATINS
europ. cintmmO'S; aradr charrue ^= ardtro-Ut etc. Les exemples abondent.
Dans beaucoup de cas, raccent de la p^nulti&me repr^sente Taccent
indo-europeen. II remplace en outre Taccent de la finale. Enfin il reprfeente
aussi Taccent de rantep^nultieme dans les cas oil la penultifeme atone a
disparu : Isaca, Isca.
A quel moment, Taccent s'est-il decidement fix6 sur la penul- tifeme? Apres
la chute des brfeves pretoniques ou posttoniques. Isaca et Isca montrent
qu'au commencement deTere-chr^tienne, Taccent n'avait pas encore une place
uniforme. En tout cas, toutes les brfeves atones qui devaient disparaitre du
brittonique ^taient tombees k I'^poque des emprunts latins. II n'y aura plus
k dispa- raitre dans les mots latins, abstraction faite de la finale, que les
breves pretoniques latines dans les mots de plus de trois syl- labes. On voit
aussi quelle erreur on commettrait en jugeant I'etat du vieux-celtique
d'apres le traitement des mots latins. Les mots latins sont arrives en
brittonique au moment ou la langue etait dejk fort ^loignee du vieux-celtique
et ou allait se pro- duire une transformation decisive, sous Timpulsion de
Taccent.
b) Nature de raccent. — L'accent etait faiblement expiratoire et peu
intensif. II n'exergait pas sur la quantitedes voyelles I'efi'et destructeur
qu'il aura plus tard.
Les mots latins passent en brittonique avec leur quantity exacte. Les longues
pretoniques initiales meme sont respectees et ne s'affaibliront que bien plus
tard : vieil arm. (IX® siecle) funton=^/6nidna; vieux gall. Rumaun, moyen
gall. Rhufawn =R6mdnus; lonawr, Ionor=zIdndriiis; gall. llurig=ldrzca; vieux
gall, strotur — strdtura. Si pour d long pr^tonique nous trouvons k Tepoque
moderiie d, cela tient k un affaiblissement posterieur de p en p, a (I). L*a
represente souvent g atone : vieux gall. Linacat =^ *Dund-catO'S ; vieil arm.
Riatam = Riotamo-s (V siecle); gall. Catamanus (VII® sifecle) = *CatU'
manosQii passant par *Ca^omawo5; gall, moderne, dialectalement
(1) Voir plus bas quelques exceptions et leur explication, chap. II. § 4.
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 75
ceiliagwydd et cliagwydd = ceiliogwydd jblts. Nous avons des preuvesdirectes
de Taffaiblissement d'oen adans les motsarawdr = orator^ arawd = ordtio, Ces
roots sont des mots savants ou plus exactement des book^words, suivant
Theureuse expression anglaise, c'est-^-dire, des mots venusdes livres. Dans
ces mots Yo stait prononce g : aussi a-t-on eu grotor, grgtio en brittonique
du V® sifecle, et non, comme cela n'eutpas manqu6 de se produire iiroior, lirotio,
si les mots ^taient venus par des bouches latines. Lorsque Taccent est devenu
fortement intensif et que les longues atones se sont abreg^es, mouvement qui
s'est produit dans le courant du VP siecle, on a eu a au lieu de g atone en
passant par (j : arawdr, arawd, L'irlandais oroit, clairement brittonique,
montre que telle a He r^ellement la marche de la langue (1). Nous savons pour
e atone que son abr^viation s'est produite aprfes que I'accent avait chang6 e
en oe, c'est-i-dire, probablement au VP sifecle.
On pent done poser en principe que les voyelles avaient k r^poque des
emprunts leur quantite intacte et que le ph^nomene de Tabreviation des
longues atones ne s'est pas produit avant la fin duV^ siecle (2).
Les syllabes finales ont du, parmi les atones, etre les pre- mieres
atteintes. La decoloration des finales avait dejk commence h Tepoque des
emprunts latins (voir chap. II, § 1). La chute des brfeves, a en juger par
les emprunts irlandais [cartoit, trindoit, oroit et altoir) (3), n'etait pas encore
accoraplie au V° sifecle, mais elle r^tait lorsque Tiiifection vocalique a
commence. Si en effet Yi final ne produit aucun effet sur la voyelle de la
syllabe pr6c6-
(1) Cf. paratoi form^ sur parot^ auj. parawd = pardtm. La difference dans les
formes comme nodwydd en gallois, nadoez^ nadoz, en armoricain, viagoer^
magoer^ moger en armoricain, et mogwyr en gallois =iwa<?c7'm; le
flottement en gallois anciennement, entre nodolye et nadolyg^ etc., tout cela
tient k un ddpla- cement et k des influences dialectales un peu diff^rentes
de I'accent. est conserve lorsque I'accent s'y est reports assez vite pour
que Vo n'ait pas eu le temps de s'affaiblir en a.
(2) Pour I pretonique, voir chap. II.
(3) it, il est vrai, pent, en irlandais, marquer une prononciation
brittonique du t, peut-etre plus palatal qu'en gaelique.
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76 LES MOTS LATINS
dente, si e a seul ce pouvoir, cela ne tient pas directement k la longueur de
la voyelle, mais au fait que le seul i existant k ce moment etait le
substitut d'^ long ancien (cet I a diverses ori- gines). Vi bref etait tomb6.
Si Vi bref, en irlandais, produit les memes eflfets que z, c'est que \k, il
existait encore k peu prfes intact au moment ou Tinfection vocalique s*est
produite.
Les voyelles finales du premier terms des composes, dans les inscriptions
chrstiennes, restaient g^neraleraent au VP et meme au VIP sifecle, mais elles
staient d&]k affaiblies ( Vinnemagli = Vindo-magli, VP sifecle ;
Vidimaclus pour Vidu-maglos^ chez Gregoire de Tours, etc.) (1). Au
commencement du VHP si&cle, ni ces voyelles, ni les finales n'existent :
Brocmail dans Bhde pour Brocco-maglos ; Idnert, en 720, dans les laser. Brit,
christ. = ludo-nertos, L'infection vocalique k ce moment aussi avait accompli
son oeuvre. Coroticus chez Patrice, deviant chez Bede Cerdic pour Ceretic.
L'infection vocalique ne s'etant produite qu'apr&s la chute d7 final, la
chute des brfeves a du forc6ment avoir lieu au moins vers les VP- VIP
si&cles, plus probablement dans le cours du VP sifecle (2).
c) Hisloire de V accent dans ses rapports avec la quantite. — L'histoire de
Taccent, depuis le commencement des emprunts pent se diviser en trois
p^riodes.
Premiere p4riode (IP-V® sifecles). — L'accent se fixe sur la pinultifeme
brfeve ou longue (3). II est faiblement expiratoire. II n'a aucune
consequence immediate pour la quantite des voyelles alors existantes.
Brfeves, longues, atones ou toniques, elles sont intactes.
Deuxieme periode (V®-VP si&cles — fin VIP sifecle). — L'ac-
(1) Au V« si^cle d6j4 la pr^tonique br^ve est k peu pr6s efEac^e, sinon on
eiit eu probablement en irlandais cairtoit et non cartoit.
(2) Le nom de Patrice, un irlandais, nous est un sflr garant que l'infection
voca- lique n'avait pas commence de son temps. Autrement on etlt eu Petrici
et non Patricia plus taid Padraic. Le nom de Padrig^ en gallois, est une
forme refaite.
(3) Giiterbock a fait la remarque que les mots latins ^ p6nulti6me longue,
transmis aux Irlandais par les Bretons, avaient conserve un fort accent
secon- daire sur cette p6nulti6me {alloir, caindloir, etc.).
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 77
cent devient forteraent expiratoire et intensif. Les consequences suivantes
se produisent :
V Les finales brfeves tombent; les pr^toniques brfeves dans les mots de plus
de trois syllabes disparaissent et les longues s'abrfe- gent : gall, ceudawd,
arm. mod. caoudet = cavitdtem; gall. cardod = cariidtem; gall.
creddur=icredtura, mais creawdr = credtor; gall, pechadur = peccdtorem, mais
pechod = pec- cdium. Episcopus a ^t^ traits d'apres les lois de Taccent
britto- nique; partout on a escop, ce qui suppose episcopus.
2*^ Les voyelles finales longues s'abrfegent, puis tombent toutes (1); mais
avant de disparaitre, Vl final (= t, ie, io, ia; 6 final en gallois) influe
sur le timbre de la voyelle de la syllabe prec^dente : brech = bracc{h)ia; Vd
long final lui aussi devenu depuis longtemps d, comme d final latin, change i
en e, ueno : partout boch = bucca; forch = furcay maneg = mdmca.
Troisieme periode (du VII®-VIIP sifecle k Tepoque moderne). — Toutes les
finales stant tomb^es, Taccent peu k peu tend k aban- donner la penulti^me
ancienne devenue finale. Les longues le retiennent plus longtemps. L'evolution
se termine en Armorique du XI" au XV' sifecle, excepts dans le dialecte
de Vannes qui pr^fbre la finale. II ne tombe plus en g^n^ral de voyelle
pendant cet^e periode. Les voyelles ne subissent plus que des chan- gements
de timbre; les atones subissent toutes une decoloration.
La quantity, k Tepoque moderne, n'a plus rien k faire avec Tancienne quantity
de I'^poque vieille-celtique ni de T^poque des emprunts. Elle depend
uniquement de Taccent et des consonnes environnantes. On pent poser k ce
sujet les regies suivantes :
1° II n'y a de longue possible que la voyelle accentuee.
2° La voyelle longue, ou plus exacteraent la plus longue, est celle des
munosyllabes non enclitiques, qui n'^tait primitivement suivi que d'une
consonne : tad, pfere; Tancien d bref de tad est aussi long que Vd de meur =
*mdrO'S, sorti d'd celtique.
(1) Moins u (oj, dans le groupe o -\- ns : vieux-gall. gurthdo ; cf. arm.
outo contre eux; cf. vieil-irl. imjju circum eos.
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78 LES MOTS L/LTINS
3** Dans les polysyllabes, la voyelle accentu^e est longue ou semi-longue, si
je puis ra'exprimer ainsi, lorsqu'elle n'^tait suivie primitivement que d'une
consonne : gall, cdnu, chanter; arm. cdna avec nasalisation de an\ cf. cano.
4° Dans les monosyllabes et les polysyllabes, la voyelle accentu^e, ^my\Q
primitivement de deux consonnes, est brfeve; moins br&ve dans le
monosyllabe que dans le polysyllabe : cann blanc=*can- dO'S\ cf. candor;
gwynn blanc = vindo^s. La voyelle perd une partie de sa force dans la
syllabe, au profit des consonnes sui- vantes. Une seule exception importante
est k signaler : apres les spirantes, sans excepter^, en monosyllabe, la
voyelle est longue : gall, et arm. glds blanchatre, bleu&tre = glasto-;
irl. glass; arm. c6z vieux =*coitO'S : coz reprend le son bref et ouvert en
composition : den c6z homme vieux, mais cosher vieux village (1); cf. bed
monde, (v. celt, bitu), mais e bet au monde (2).
La seule difference importante que Ton puisse constater entre le gallois et
Tarmoricain, c'est qu'en general, en armoricain, exception faite du dialecte
de Vannes, la syllabe accentu^e et libre, en polysyllabe, est plus longue
qu'en Galles. Dans les mots qui s'appuient sur des monosyllabes k voyelle
longue , la voyelle est aussi longue qu*en monosyllabe : tdd^hve, plur.
t&dou; rndd bon, bien, mddou des biens. C'est en Cornouailles que
I'accent est le plus intensif.
d) Qualite ou timbre des voyelles. — L'6volution de la quality ou du timbre
des voyelles est inseparable de revolution de la quantity. II est fort
regrettable que les Celtisants n'y aient pas apporteplus d'attention, car
c'est la clef del'histoire moderne du vocalisme celtique.
(1) L'^volution de la nouvelle quantity et ses lois, en gallois, ont ^t6
ezpos^es pour la premiere fois, avec clart^, d'apres les principes de la same
lingulstique, par M. J. Rhys, dans un chapitre tr^s remarquable et tr6s neuf
sur les voyelles galloises de ses Lectures on welsh phoriology, 2« 6dit.,
Londres, Triibner, 1879, Lecture III.
(2) II y a quelques exceptions : arm. h^ch = hucca, olgoh cloche = olocca.
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 79
Le timbre suit la quantity : d'ou les lois suivantes :
1° Dans les monosyllabes, la voyelle libre, c'est-k-dire primi- tivement
suivie d'une seule coiisonne ou d'une spirante prend un son ferm^; gall, et
arm. mpr mer = mori; mpch les pores = mucca. Pour Va les nuances varient
suivant les dialectes. jFa un traitement k part : il aflFecte un son ferme le
plus souvent en monosyllabe, raeme lorsqu'il est entrave, excepts devant
liquide + consonne : gall, et arm. penn tete = *qendO'. Le son sourd gallois
y [e femin. frang. dans mener) devient plus aigii : byd prend un son
interm^diaire entre notre il et notre i (1).
2® Dans les monosyllabes et les polysyllabes, en syllabe entrav^e, toutes les
voyelles accentuees et e raeme, suivi de liquide + cons, prennent un son
ouvert : gall, et arm. corff^= corpus; gall, mqrthyr martyr, arm. merzer =
martirio, etc.
3® Dans les polysyllabes, IV accentu6 et libre, a un son ferm^ : gall, degwm
la dime; gall, et arm. gevell = gemellus; gall, et arm. p^di = pet^; gall, et
arm. gwener = veneris, Au contraire, o accentu6 libre ou entrav-e, en
polysyllabe, a g6ne- ralement un son ouvert : gall, llggail, arm. Iggell =
locellus; ^ber = opera; gall, prophwyd = propheta; cplpvn = colomna, columna
(2).
La prononciation des voyelles en syllabe finale demanderait une loi pour
chaque vari^te dialectale, Elle depend de la force de Taccent sur la syllabe
pr6c6dente.
Les dialectes pr6sentent un certain nombre de particularit^s interessantes ;
je signalerai en passant ou pour g final en haut- vannetais et en Goello ;
zou = zp; i pour e final, en haut-
(1) Dans les monosyllabes, la voyelle entrav^e est le plus souvent br^ve.
Cependant elle peut &tre longue dialectalement : ex. vannetais Ji^sc,
sorte de glaieul k feuilles tranchantes, cornouaillais (Faouet) he-sc =
sec-sea. On remar- quera la difference de timbre de Ve. Le groupe explos. -f-
liquide n'empSche pas rallongement.
(2) D'apr6s Ellis et Sweet, e gallois, bref ou long, o gallois, bref ou long,
seraient ouverts. Leurs observations sont 6videmment incompletes. (Nettlau,
Beitrdge zur cymr. grammat,, pp. 48-50.) On trouvera dans cet ouvrage un
grand nombre de faits dialectaiix instructifs. Sur le timbre des voyelles,
I'auteur ne paratt pas avoir d'id^es arr^tt^es.
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80 LES MOTS LATINS
vannetais : mi = me moi ; Dui = Done Dieu ; ai pour ^ final, k Groix : waz=we
stait. La diphthongaison, qui, en vieil armo- ricain, n'a atteintque ^, s'est
produite^ Batz, k H^dic, et sur une partie de la cdte vannetaise, depuis
Quiberon jusqu'^ Sarzeau, pour e : e bref est devenu ie comme en frangais
{pied = pedem).
II est inutile d'ajouter que le timbre peut etre d'un grand secours pour la
reconstitution de la quantity ancienne.
L'histoire des voyelles brittoniques repose done sur ces prin- cipes :
P La quality depend de la quantity ;
2® Une fois la quantity traduite en qualite ou timbre, Tancienne quantity a
en quelque sorte disparu; le timbre seul la denonce; ainsi dans tad et mor la
longueur de la voyelle est la merae; le timbre a prouve a bref primitif ; le
timbre o, a long vieux- celtique ;
3** La quantity nouvelle ne repose en rien sur Tancienne; elle depend
uniquement de Taccent et des consonnes environnantes.
§ 3. — Consonnantisme.
VIEUX BRITTONIQUE (VIEUX CELTIQUE DANS LE GROUPB
DES PEUPLES BRETONS).
Labiales. dentaJes. gutturales et palatales.
Explosives ( , ^
\ sourdes : p t c
, I sonores : b d a
momentanees (
spirantes ( sourdes : s
ou continues ( sonores : w {w anglais) z i consonue palalale.
Nasales : m n ng nasale gollurale.
Liquides : r* et / : leur lieu d'articulation n'est pas exacteraent connu.
p vieux britt. repr^sente kv et q indo-europ6en labialis^, epos cheval =
equo-s.
(1) On peut se figurer le son palatal k par la prononciation d'un h suivi d'i
ou dV, de q guttural ou v^laire par k suivi d'tt (pu franQais).
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 81
Le p indo-europ6en initial ou intervocalique etait tomW de bonne heure en
vieux-celtique : gaulois are- dans Aremorica = *pare; vieil-irl, athir =
*patir pfere (1).
c represente k palatal indo-europ6en et q guttural (1) non la- bialise, et kh
indo-europeen : gall, cwm = v.-indien humbha-s = *khumba^s.
b represente b indo-europeen et g^, g^h, g, gh labialis^s : b gall. byw, beo
vivant = *biwo-s = indo-europ6en gvivo^s.
g repr&ente g palatal indo-europ6en et les gutturales g, gh non
labialis^s.
De plus /, c repr^sentent les aspir^es sourdes indo-europ6ennes th et kh.
by d, g repr^sentent les aspir^es sonores indo-europ^ennes bhf dh, gh.
It (le), ri (re) repr^sentent J, r liquide sonante ou liquide yoyelle : gall,
rit gue (2) = prtu. la, rd = I, r. aZ, ar = rr, II (3).
an, am (d'abord en, em)=:\es nasales sonantes ou voyelles n, fri : gall, et
arm. cant = *m^o-m {an dijk en vieux brittonique pour n n) .
dm, an = ^, r^ : v. gall, et arm. Ion plein = vieux celt. pld-nO'S =
indo-europ. pl-no-s.
Le consonnantisme du vieux brittonique, & T^poque des em- prunts latins,
a subi d^jk quelques alterations. La plus importante regarde s. Dans les mots
indigenes, Vs est ferme en initiale, jusqu'au milieu du V® sifecle, au moins
: les Anglo-Saxons ont trouve r^ initiale de Sabrina intact : Severn en
anglais, i/a- fren, en gallois. Au contraire, a la meme epoque 1'^
intervocalique a disparu. Le nom de riviere Treania qu'on remarque dans Bfede
(1) qt ou kvt a 6volu6 en ct : gall, nocth^ vieil-arm. *noeth nu = noctO'S f
cf. gothique imqath-s (irl. nocht) ; skv- reste intact.
(2) H. Zimmer, Kuhn Zeitsohr., XXIV, p. 123 ; cf. XXVn,450.
(3) Bragmann, d'apr^s Thurneysen, Griindriss der vergl. gramm,^ pp. 239 et
8uiv.
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82 LES MOTS LATINS
repr^sente une forme vieille-celtique Trisanton : c*est une forme qu'on trouve
dans Ptol6m6e. Le ni)m du Trent, qui ne d^igne pas le fleuve dont parle
Ptol^m^e, remonte lui aussi k Trisantd et a d(i etre Treanta en anglo-saxon
(1).
L*histoire de Vs latin intervocalique prouve qu'k T^poque meme des emprunts s
brittonique intervocalique n*ayait plus le son s sourd. Tous les s
intervocaliques, en effet, dans les mots latins sont conserves, tous les s
intervocaliques dans les mots indigenes sont tomb^s. U est de toute Evidence
que si Vs britto- nique avait eu le son d'^ latin, c'est-k-dire le son dur,
les s latins lui eussent ^t^ assimil^ et eussent ^volue de mSme. L*^
brittonique intervocalique marchait done d^j^ k sa disparition et avait
probablement d*abord passS kz (s doux).
s initiale, suivie d*une voyelle, avait aussi probablement un son different
de s apptiySsur consonne. Les mots latins, en grande majority, ont eu leur ^
initiale traits comme s celtique + consonne ; leur s reste.
st initial evolue en s : une partie des mots latins prennent part k cette
Evolution : gall, swmwl, v. gall, sumpl aiguillon = stum*lits, stumplus; sovl
= stub' la. Le groupe st initiale a ^t^ conserve dans certains mots
brittoniques par satzphonetik, c*est-&-dire, par combinaison de la finale
de certains mots avec Tinitiale de d'autres, unies par la prononciation. U y
a meme un flottement sur ce point, d*une langue et d*un dialecte k Tautre :
gall, ser ^toiles, arm. ster; arm. staon, palais de la bouche, mais vannetais
stan et san (2), gall. safn=::*stdmen.
cs ice), devient dans les mots brittoniques modernes, partout ch. Or, les
mots latins qui ont cs (je ne parle pas de x latin vulgaire represents par
ss) ne pr&entent pas cette Evolution : cs latin est partout devenu is, es
(3) : croes = crux {crucem
(1) Cf. armoricaln Catihemvs pour OatUernwg, compost de Catu combat -f
igarnios de far, plus tard Oadouarn^ vers la fin du r^gne de CloTis (abl)^
Duchesne, dans la Rews de Bret, et Vendie^ Janvier 1885).
(2) Diet. hretoTtrfrang,^ de P. de Chftlow, Vannes, 1728.
(3) Cependant peuoh (voir chap. II, § 4).
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(tudalen 083)
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 83
a donn^ en gallois crog, arm. croug la hart) ; gall. co€s= coxa; pats =
peooa, gall. Sais = Saxo. II est clair qu'^ T^poque ou croes a pass^ par
croxs, en donnant ^ x J® son de ch, dans Talle- mand ich^ c*est-&-dire k
T^poque des emprunts, cs celtique s*^tait d^j^ transform^ et avait pass^ k cc
: ch moderne repr^sente exactement ce double son (1).
ns stait pass^ k ^ : cet ^ est conserve dans tons les dialectes : ens
indo-europ^n a donn^ ts ; ens a donn^ es puis oes : gall, et arm. mis mois =
men^-. Le latin e{n)s.SL 616 traits comme es brittonique = ens : gall. pwySf
arm. poes = pe{n]sum; gall. gtoys = ge{n)s.
Les deux grands ph^nom^nes qui atteignent les consonnes dans le corps du
corps : la transformation de cc, tt, pp, quelle que soit la provenance de ces
deux consonnes, ou de c, ty p pr^ c6d6s de I ou r, en spirantes sourdes ch.
Pi, f; le changement dep, #, A, intervocaliques ou en pr&ence de I, r, m,
n, en h, rf, g; de h, d, g env d (spirante dentale sonore), j [i spirant); de
m en f , c*est-&*dire son passage de nasale k labiale, n'ont pas encore
commence.
On n*aperQoit pas trace de ces deux ph^nom^nes dans les mots latins les plus
anciennement |transmis aux Irlandais par les Bretons, pas meme dans les
termes concernant le culte chr^tien. Les mots secc = siccus, catt = cattus,
sacc = saccus, cepp = cippus, d^montrent que Taspiration des explosives
sourdes deux k deux n*existait pas dans les mots brittoniques correspondants,
(1) se oeltique, dans rint^rieur du mot, repr^ente do^ tk^ tq : (^hesc et
?iesp, en armoricain, itSrUe, = sitqo-s)\ c + «c, ^ -f- *c; mesca, gall,
myagn m^ler. Beprdsente-t-il r^llement »c indo-europ^en ? II est d'abord
strange de ne tronver le soffize ioo' que dans le groupe consonne + ^o
(mescd)^ lorsqu'il existe en gaulois en toute situation. De plus, revolution
de so en ec et ch paralt certaine pour certains mots ; gall, baiohy arm. bec'h
fardeau = *bhascio' ; cf . /a*OM et grec 7 ftffxwXoc ; ucheVy soir, =
ouscero-^ cf. slavon vecerU, H est probable que sc lui- ni§me avait ^yoIu^ en
cc^ quelle qu'ait ^t^ la marche du ph^nom^ne. C'est peut-Stre 90 qui 8*est
d^rob^ jusquMci dans les f r^quentatifs gallois comme chwennychu d^sirer, et
dans certains noms d*agent. L4 od so moderne paralt primitif, il est probable
qu*il stait pr^cM^ d'one consonne (losd briUer, par ezemple, est pro-
bablement pour (oo-Mi, d^riv^ de llic lomi^re).
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84 LES MOTS LATINS
devenus plus tard sych, cath, sack, cyff. On ne peut objecter que les
Irlandais eussent ste embarrasses pour traduire dans leur langue les
spirantes sourdes brittoniques : outre que cA, th pour c, t intervocaliques,
ont existe chez eux de trfes bonne heure (1), r/'etait un son pour lequel ils
n'avaient assur^ment aucune repu- gnance : rirlandais conserve parfaitement
/"latin initial (2) ; t^cel- tique initial est devenu fen irlandais. Le
temoignage de Tirlandais est aussi net pour les explosives sourdes :
strathar, lurech^ abbaith, deochan, cuach, supposent stratura, lorica,
abbatem, diacO'^ nus, caucus. Pour p le fait est particuliferement frappant.
P k Tepoque des emprunts avait totalement disparu du gaelique apr^ avoir
passe par I'etat de spirante sourde (3). Aussi le p latin intervocalique
n'a-t-il pas eu k subir la transformation en spi- rante comme t, c
intervocaliques; il a &ik assimilS aux autres explosives sourdes non
transform^es en spirantes, et comme elles, entre deux voyelles, il est devenu
explosive sonore : vieil irl. opair = opera, plus tard obair; irl. mod.
scobad ipour scopad =^scopatio, etc. Or, la couche la plus ancienne des mots
latins, en particulier des mots chrStiens en gaelique, consid^r^e dans son
enr semble, ne remonte gufere au dela du V® sifecle. D'un autre cote, comme
nous Tavons vu plus haut (p. 24), les Bretons passfe en Armorique traitent
les consonnes des noms propres gallo-romains comme celles de leur propre
langue. Plusieurs de ces noms ne leur ont st6 connus que vers la fin du VP
sifecle. II est done certain, qu'k cette 6poque, les consonnes n'avaient pas
termini leur evolution, si elles I'avaient commenc^e. Deux inscriptions du
VIP- VHP sifecles notent d^j^ Taspiration; Lunarhi pour Lunarci, Brohomagli
pour Broccomagli (4). Le groupe ct dans lequel, Taspiration a du etre fort
ancienne, stait d^ji arriv^e
(1) Cf. Zimmer, Keltische Studien, II, p. 199; Kuhn Zeitschr.y XXX, p. 264.
(2) GUterbock, Bemerk.^ pp. 46 et suiv.
(3) GUterbock, Bemerk.^ pp. 62 et suiv. P initial ou pr6c6d6 dV a m^me M
change en c dans des emprunts latins assez anciens : case =: pascha; corcur =
purpura.
(4) HUbner, Iriscr. Britt. Chr., n^" 233, 158. Rhys, Lectures, p. 61,
d'apr^s les caract^res, recule Tiiiscription de Lunarhi jusqu'au VI® siecle.
.vt?
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DANS LES LA.NGUES BRITT0NIQ13ES.
85
du temps de Bede k ith : Naiion, leg. Naithon, gael. Nechtan^ a Tannte 710
(1). L'aspiration des explosives sourdes initiales des mots faisant corps
avec la proclitique precSdente nous fournit aussi une indication qui n'est
pas k n^gliger. Cette aspiration est causee par la consonne finale de la
proclitique, le plus souvent une Sf et a pris naissance par consequent, avant
la chute des consonnes finales ou au moment meme de cette chute : tri chi
trois chiens pour tris ci ne pent etre post^rieur k la chute de Ys de tris.
Cette chute se presente comme un fait accompli dfes le commencement du VIII®
sifecle : Ex., Dinoot = Dondtus, Brocmail = *BroccomagloSy chez Bede (2). Une
inscription chrstienne qui date de 720, presente /rfner^ (mallu lanert) =
*IudO'nertos, filius Jacob (3).
Quant k la transformation des explosives sourdes en explosives sonores, elle
n'a pu avoir lieu apres la chute des voyelles finales ni des br&ves
pr^toniques dans Tinterieur du mot. Si on pent dif- Krer d'avis sur
Texplication physiologique de la transformation des explosives sourdes
doubles ou pr^cedees de r, /, en spirantes sourdes, il n'en est pas de meme
pour la sonorisation des sourdes intervocaliques. Leur Evolution en sonores,
ainsi que la transfor- mation des explosives sonores en spirantes sonores
est, abstraction faite de certains cas d*assimilation k des liquides ou k des
na- sales, clairement due k Taction des voyelles flanquantes : « Une voyelle
a deux quality : la sonorite et la dur^e; elle pent done exercer de deux
fagons son action assimilatrice : elle pent changer une sourde en sonore, une
explosive (ou momentan^e) en con- tinue (4). » Ces ph^nomfenes se sont done
n^cessairementaccomplis avant la chute totale des voyelles flanquantes. Au
VIII® sifecle, nous Tavons vu (p. 75), c'est un fait accompli. Celle des
brfeves a precede celle des longues. Elle ne pent gu^re etre post^rieure
(1) Bistor. Eccl., V, 21.
(2) Ihid,, II, 3.
(3) Inscr. Britt. Chr., nP 120.
(4) Schuchardt, Romunia^ III, p. 3.
% L ..J
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86 LES MOTS LATINS
au VP-VII® siicles. La chute des brfeves pp^toniques non initiales a ^t^
peut-Stre plus rapide encore que celle des voyelles finales (1). On peut
admettre, il est vrai, qu*il a pu exister assez longtemps dans la
prononciation, k la place de lavoyelle, un restedeson vocalique, assez
difScile k determiner et que Tteriture aura n^glig^, sufSsant cependant pour
agir sur la consonne voisine (2). II n'est pas dou- teux non plus que les
consonnes sourdes avant d*arriver k la sonore, les explosives avant
d'arriyer& la spirante, n'aient traverse plusieurs etapes. M. Rhys fait
remarquer que revolution n*est en quelque sorte pas termin^e partout encore k
Theure actuelle. Dans le dialecte de Gwent on icrit oii = ydyw est ; gatel =
ga^ dael laisser, rhetws = rhedodd il courat, mais il ajoute qu'il ne
faudrait pas en conclure que Texplosive m^diale n*a subi \k aucun changement.
Le son marqu^ par t^ se rapproche de d. En resume, le dialecte de Gwent est
reste, sur ce point, un peu en arri^re des autres, mais lui aussi, il a
marche (3). L*exemple probable le plus ancien de Taffaiblissement de
Texplosive sourde intervocalique en explosive sonore a ete mentionn^ pour la
premiere fois par M. Rhys et se trouve dans une inscription que Hiibner fait
remonter au ye.yie sifecles (4) : Cantiori hie jacit Venedotis cive(s)...
Vene^ dotis semble bien avoir pour descendant le gallois du XIP si^le
Grwt/ndawtf le pays de Gwynedd (nord-Galles en partie). II est difficile de
ne pas voir dans -doti^ le suffice -to<i- = tdti- (5).
(1) Les Inser, Hisp, Christ.., n^ 61, pr^sentent le nom de see Concess.,.^
sainte irlandaise, d'origine bretonne : Concessa = * Oiinoaessa,
(2) II est rest^ assez longtemps k la place de la voyelle atone, une sorte de
voyelle r^duite a : Riatam -=. *Rigotamo»; Briamail = * Brigihmaglos ; vieux
gall. Diruicat^ Tntagual^ Dumnagual {G4nialog, du X* Hede, J. Loth, Mahin,
II, pp. S02 et suiv.).
(3) Bhys, Lectures^ pp. 44 et suiv.
(4) Insor. Brit. Chrixt., n® 135 ; Cf. Rhys, Lectures^ pp. 369-370.
(5) n y en a probablement encore un exemple fort ancien dans la V&ran
civitas de TAnonyme de Ravenne, ou (Jaer Voran en Northumbrie, pour Caer
Moran ? II est remarquable que les arch^ologues identifient Caer Voran arec
Magnae de la Not, Dignit, Qaoique le nom Magni soit celtique, la coincidence
est assez frappante pour qu'on puisse se demander si Magnae ici n*a pas ^t^
la traduction du nom celtique.
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DANS LES LANGURS BRITTONIQUES. 87
Les explosives sonores b, d^ g, entre deux voyelles ont du commencer leur
mouveraent* vers les spirantes correspondantes, avant que les explosives
sourdes, p, t^ c ne fussent devenues b, df g; autrernent, celles-ci auraient
eu le meme sort qu*elles. Si le latin opera avait donne obera au moment ou
labore ^tait encore labure, le b d'ober eut ^t^ traits comme celui de labur ;
c'est-k-dire fut devenu v ; on aurait aujourd'hui over, lavur et non ober,
lavur. Des trois explosives sonores, g parait la premiere etre devenue
spirante. On en a un exemple ancien dans le nom de Mailoc^ ^vSque des Bretons
de Galice, signataire au 2® concile de Braga, eh 572 (I). Dans le groupe bn,
b a ^t^ spirant de bonne heure. Une charte anglo-saxonne authentique de 740
(2) nous donne le nom breton Duvnwallan = *Bubnovelldnos (Cartul. deRedon,
Dumnowalloriy Dumnwallon). AuIX'si^cle, les exemples d*explosives sonores
devenues spirantes sont assez nombreux.
En r^sum^, suivant toute vraisemblance, les deux grands ph^nom^nes atteignant
les consonnes, phenom^nes qui ont eu lieu entre le V* et le commencement du
VHP siicle, ont du commencer au VP sifecle, pour s'accentuer dans le VIP.
II n*y a pas & s*^tonner que T^criture ait maintenu les sourdes et les
sonores intervocaliques, le plus souvent, intactes jusqu*au commencement du
XP sik^le. Sans parler des raisons donn^es plus baut, du fait que la sourde
n*etait peut»etre pas arriv^e francbement k la sonore, ni la sonore k la
spirante, telles que nous les entendons r^sonner aujourd*bui, de la difScult^
pour r^riture de repr^senter des sons encore un peu flottants; cette
contradiction entre la prononciation et Tecriture pent parfaitement
s*expliquer par la tradition torite. Les Bretons n*^taient pas des illettr^.
Nous trouvons dans les Genealo- gies galloises, au X"* si^cle encore,
des formes comme clop qu'on pronongait doff vraisemblablement depuis au moins
trois sidles
(1) Cf . Riotamus (= *Rigotamo8) op, Sid. Apoll. Epistol^ III, 9.
(2) Earle, Handbook to land charters^ p. 35.
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88 LES MOTS LATINS
= cloppus; Gripiudy depuis longtemps prononc^ Griff idd (1). Comment
s'stonner de la puissance de la tradition ^crite, lorsque nous voyons les
Arraoricains ^crire jusqu'au XVIP sifecle sans mutation, les sourdes
initiales devenant sonores ou spirantes, les sonores devenant spirantes eh
composition syntactique, pMnb- mfenes aussi anciens que ceux qui nous
occupent?
§ 4. — Repartition des emprunts latins. — Les emprunts latins, en
brittonique, ont une double origine : ou bien lis ont et6 transmis
directement aux Bretons par des bouches latines, ou ils leur sont venus des
livres et leur ont st^ appris par des gens dont le latin n'^tait pas la
langue maternelle. Les premiers peuvent etre appel^s populaires, les seconds
savants.
Les mots latins communs aux trois groupes : gallois, cornique, armoricain,
mots emprunt^s avant le milieu du V® sifecle, sont presque tous populaires
par leur origine. Cependant, parmi les derniers empruntes, parmi les mots
Chretiens ayantregu droit de cit^ avant la separation, quelques-uns
trahissent une origine savante. Le gallois addoli adorer, rarmoricain azeuli,
remontent tous deux k une forme adgr-o qui ne peut etre une forme latine
parlee. Le timbre g est un sur indice que les gens qui ont appris aux Bretons
k prononcer ce mot n'etaient pas des Latins. Prononce par une bouche latine,
ador-o fut devenu en britto- nique addur-i (voir plus bas, chap, ii, § 3). Le
mot cdsula qui est connu du gallois et de rarmoricain, est devenu non pas
casolj mais casill : la prononciation il pouri^ posttonique, en brittonique,
est un sur indice d*une origine savante. Le mot preseb est gallois et
armoricain, vraisemblablement emprunte avant T^migration; c'est ^galement un
mot qui n'est pas venu aux Bretons par une bouche latine : praesepe eut donne
preswyb en gallois, presoeb en armoricain. Ces fails ont une
(1) La vie de saint Paul Aur^lien, ^crite en Armorique au IX® si^cle, pr^sente
indubitablement des formes du VI« siecle, ce qui devrait donner k r^fl^chir k
certains hagiographes qui confondent critique et scepticisme. Le scepticisme
a priori en ce qui concerne les vies de saints armoricains, est aussi pieu
scien- tifique que la credulity a priori.
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(delwedd B8195)
(tudalen 089)
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 89
grande importance : Us corroborent de la fagon la plus frappante la these soutenue
plus haul, d savoir que le latin a disparu avec les legions,
Quelques termes Chretiens, vraiment populaires, pr^sentent enfln cette
particularity qu'ils ont et6 refaits en quelque sorte dans le cours des
sifecles par la predication et n'ont pas ob6i aux lois que subissaient les
autres. La forrae courante du latin paradUus ou xmexxTi paradesus est en
gallois hcXwoi, paradwys^ en Monard parados, en bas-vannetais paradoiies.
R^guliferement, on eut attendu en gallois paraddwys , et en armoricain parazoes,
parazos. Cette forrae existe, mais dialectalement : le haut- vannetais
paraouis, le haut-cornouaillais parous, supposent un moyen-armoricain
parazoes ({\xi a exists et qui est le repr^- sentant regulier de paradesus
(1).
Parmi les mots d'origine populaire, il y a en armoricain un certain norabre
de mots d'origine romane et non latine.
Les mots savants par I'origine sont en g^n^ral faciles k distin- guer des
mots populaires. Les principaux traits qui les en s^parent sont : 1°
I'absence d'infection vocalique; 2® un vocalisme en contradiction avec la
quantity et le timbre latins; 3® la violation des lois de Taccent; 4^ des
infractions aux principales rfegles du consonnantisme brittonique. Le
rapprochement avec Tirlan- dais pent encore fournir certaines pr^somptions,
quant ^ Tan- ciennete et par consequent h Torigine des emprunts. Enfln, d'une
faQon gen^rale, les mots savants ne sont pas communs k tout le groupe
brittonique ; c'est le gallois qui en a le plus grand nombre.
1° Absence d'infection par I, ; ; <2, et en gallois par I dans Tin-
terieur du mot (voir plus bas, ciiap. ii, § 1) : Ex., gall, lladin latin, et
non lledin, Padrig au lieu de Pedrig ; arm. evor, pour mevor au lieu de mever
: memoria; gall, llabydd-io lapider, au lieu de llebyddio : cf . bedyddio
baptiser.
(1) Le gallois heyidig'O aurait dft <lt;veiiir ou henddhg-o rm bt^nedle-o
ou henhig-o =. bcnduj'O, la fonn<; Kallois*} a »u\)\ par la pr^lication,
la liturgie, rinfluencc du clasnique htncdico.
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(delwedd B8196)
(tudalen 090)
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90 LES MOTS LATINS
2"" VoccUisme : quantite et timbre ne rdpondant pas a la quantiie
et au timbre des voyelles latines :
a) did pour d meme en voyelle accentu^e n*est pas toujours une preuve
d*origine savante. Si le gallois et rarmoricain sont d'accord pour prfeenter
d, il faut conclure k un emprunt post^rieur k la masse des emprunts latins,
ou k un d^placement d*accent ou k Texistence meme en latin courant d*une
forme avec voyelle br^ve.
Le gallois paj^-, arm. pasca =^pasc'0 et non pdac-o. D est possible que
T^soit du k une forme non accentu^e. Gall, llafn^ arm. laoun = Idmina et non
Idmina. Quand une forme de ce genre ne se trouve qu'en cornique et en
armoricain, il est fort probable qu'on est en pr^ence d'un emprunt post^rieur
k Tunit^ brittonique : en corn, pras, arm. prat = prdtum pr^; arm. marchad =
mercdiv^\ corn, et arm. segal = secdle^ etc.
b) o : le gallois pr^nte un certain nombre de mots, ou 6 est rem- plac^ par g
: araiod= grdtio et non grdtio, arawdr = grdtor et non grdtor; awd, awdl =
§da, odula, et non gda; gall, addol-i, arm. azeuliff^z adgr-o et non adgro;
gall, nawn = ngna. Pour la forme (A) gra heure et non (h) gra (voir
Vocabul.). Le vieil arm. costad au lieu de custtid = custodem, I'arm. moy.
pazran pour pazrun^^patrontts sont des formes savantes. Person cm6^ remonte
non k persdna mais au vieux fran^ais persone.
c) e : presep en gallois et en armoricain est une forme savante : praesepe
eut donni preswyb. Le gall, femen du Livre noir de Caermarthen est une forme
livresque. Legal! et Tarm. r^o^sup- posent r^gula, sans qu'on puisse conclure
k une forme savante, Tanglo-saxon re^l supposant lui aussi regula.
L'irlandais riagtjU = regula.
d) u traits comme u et devenant il : casul; gall, cuddigl pour cufigl =
cUbiciilum ; cufydd = cubtdus coudie (voir cependant chap; II § 2,
rernarques).
e) t traits comme t : gall, anifail animal, est une forme savante; il eut
fallu enfail ^= animdlium (voir plus bas chap, ii, §4,c;II, §I,c?).
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUESk 91
3» Violation des lois de I'accent : Yi pretonique d'anifail devait
disparaitre; cabidwl eut du etre cabddwl^ ou plutdt cebyddl de cdpUulum.
4^ Consonnantisme : La r^gularit^ dans revolution du con- sonnantisme n*est
pas toujours une preuve certaine d*origine populaire. Les grammairiens
gallois au moyen-%6, ^talent en etat de m^tamorphoser un mot latin en mot
gallois conform^ment aux lois r^gissant les consonnes galloises, tandis que
les secrets du Yocalisme latin, cela va sans dire, leur ^happaient. GrifBth
Roberts ^tablit avec une grande precision les lois qui president au
changement des explosives sourdes en sonores, des sonores en spirantes; des
explosives sourdes deux k deux, ou prec^d^es d>, If en spirantes sourdes ;
de m pr^c^d^e de r ou intervocalique en v; de V initiale en gw; d7, r
initiale en 11^ rh\ de x en ss (1). U cite pour chaque cas des exemples en
g^n^ral bien choisis. Aussi doit-on reporter sur Gr. Roberts une grande
partie de Tadmiration qu'on reserve h, Ed. Lhwyd dont Tceuvre est plus
etendue mais moins remarquable au point de vue de la grammaire galloise.
Les irregularit^s dans le consonnantisme sont de nature diverse : les unes
indiquent nettement un emprunt k un livre ; d'autres, un emprunt post^rieur.
La presence d*une explosive sourde intervocalique intacte rentre dans le
premier cas. L'arm. moy. maieri est ividemment, sansparler
derabsenced*infection, un mot forg^ approximativement sur materia. Le
changement des explosives sourdes en spirantes sonores, entre deux voyelles
(je ne dis pas entre voyelle et spirante) d^nonce un emprunt posterieur, un
emprunt roman. L*armoricain creiz craie suppose cr^da; creta ehi donn^ croed\
bouzellou boyaux = budell'i et non butelli; mezer ^toflfe = maderia et non
mate^ ria. Muz mue == muda ou le vieux frangais mude (cf. muder changer) ;
cozoing coin, est emprunt^ k une forme de vieux fran-
(1) Griff. Roberts, Welsh gramm,^ cap. II, pp. 102-112.
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92 LES MOTS LATINS
gais *cddoing (provenQal cozoing). Materia, muta, cotoneus, empruntes k
Tepoque de riinit(5, eussent donn6 meder, mud, cildiln. Je ne vols a rentrer
dans cette categorie, en gallois, que cufydd == cubidu, mais Vil pour u
semble indiquer plutot un emprunt savant (voir plus bas, voyelles
pretoniques).
Les autres traits qui indiquent un emprunt posterieur k Tunit^ sont :
V V interne prononce corame v frangais pour v latin, Ex., gallois cenfainty
cy faint au lieu de cynwain^ cywain, du latin convention Tarm. aviel
6vangile. David donne deux formes en gallois, Tune assez ancienne (VP
sifecle?) Dewi, I'autre raoderne Dafydd.
2** L*assibilation de ci, ti : gall, neges aflFaire, message : nego- tium
devait donner neiid.
3** b initiale pour v latin ; c'est I'indice d'un emprunt reman ou plutot
vieux frangais : ex., arm. berzud, burzud, de virtute ou mieux die vertut\
virtus a donn6 en gdMo\& gwyrth ; corn. bolnogeth = *bolongeth =
*volonted : cf. bisaj, banell, bescont pour visage, venelle, viscont et, en gallois,
bilain pour vilain.
4^lt en armoricain pour It latin : coultr coutre, est un emprunt frangais; la
forme r^gulifere de cultrum est caoutr qui existe d2Lns contel-gaoutr {Grig,
de Rostrenen, Diet.) et le vannetais queudr (rArmerye, queudre).
L'irr^gularit^ tient parfois k un changement de suflSxe : ex., gall, bresych
: brassica eut donn6 brasec; bresych sut)poserait brasiccus qui n'existe pas.
Le gallois lladron, Tarm. laeron = latrones et non latrones : le suffix e
-on- qui a doming dans les pltiriels indigenes a 6vinc6 le suffixe latin.
Pour un certain nombre de mots, il est difficile de dire si ce sont des
emprunts latins ou si le mot latin et le mot brittonique remontent au meme
type indo-europeen ou italo-celtique : ex;, gall, can creux, arm. moy. qeau,
arm. mod. &eo, vannetais keil, ne remonte pas k cavus : cavus eut donne,
en armoricain cao, vannetais caiX, Le vannetais et le gallois pourraient
s'expli-
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 93
quer par cpvus qui existe en roman. Mais le keo des dialectes armoricains, le
vannetais except^, ne peut venir de cette forme. lovis (dies) adonne en gall.
lau, vannetais i^w, mais ailleurs, en armoricain, laou : covus eut done
donne, ailleurs qu'en vannetais, caou. Keo, qeit ne peuvent s'expliquer que
par cpviO'S : cf. KerneOj vannet. Kerneu = Cornovia; Talme- zeau =
Telmedovia, dans Plou-dalmezeau (Plebs Telmedovia dans la vie de Paul
Aurelien). h'ywdu gallois Cernyw= CorncH via, en face de cau, s'explique
peut-etre par la diflFerence d accen- tuation et de situation des deux sons.
Pour I'analogie de cau = covio-s, cf. gall, ffau = fovea.
Gall, cawn roseaux = cdna : a-t-il exists en latin, a cst6 de canna, une
forme populaire cdna?
Gall. dyscUy arm. deski, diski apprendre = dic-sc-, n'est probablement pas
emprunt^ au latin dzsc-o : la quantity de Vi est diffSrente. De memepour
gall, mysg-u, arm. me^^-a =:m?c-«c-, latin misceo (1).
Le gallois cwch, arm. couc'h\ trwch, arm. trouc'h^ remontent- ils k des
formes latines coccus^ truccus = co{n)chus, tru(n)cus'i Dans le groupe brittonique
meme, il y a des divergences au sujet du traitement de -nc-. L'armoricain
roc'hal, le gall, rhwncian sont empruntfe au latin rhonco et presentent un
traitement dif- ferent de nc. L'armoricain a meme k cdt6 de roc'hal,
ronkellat (2) raier.
Had semence, ne parait pas emprunt^ au latin sata^ mais bien etre une forme
faible de la racine se- qu'on trouve dans le gallois hil, irl. sil (3). S
initiale est en eflFet intacte dans les emprunts latins, excepts dans hesiawr
setier. On peut en dire autant du
(1) Marx, StllfsbUchlein fur die ausprache der lutein. Vokale in position-
langen silhen.
(2) Le flottement existe en composition syntactique: gall./y nhad=/y ntad mon
p6re, arm. va zad (= va thad^, me zad^ me sad =: *mXn tat.
(3) Le gall, haid, arm. hed essaim, remonte, comme I'a conjecture M. Ernault
dans son Diet. etym. du hreton-inoyen^ a * sat in = lat. satio, L'irlandais
saithe, essaim, ne laisse, sur cc point, aucune place au doute.
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94 LES MOTS LATINS
gall, helyg, de Tarm. haleg = salic-. Emprunt^, ils seraient devenus selyg,
saleg, comme le montre la forme galloise, con- serve par Corraac, salcoit^
salicetum. L*armoricain, halgouet remonte bien k salicetum, mais a ^t^
influence ^ds haleg. Le gal- lois hwyr tard, tardif, remonte probablement
& serus, mais a d& suivre revolution de Tindig^ne *siro^s devenu hir
et remontant comme serus k an indo-europ^en se^ro^s. Peut-etre aussi huryr
a-t-il st6 forme sur hwy comparatif de hi-r.
Le gallois or bord, ne parait pas emprunte; le mot se retrouve dans le
cornique urriarif Tarm. eur^ien, v. arm. orion : tons supposent gra et en
vieux celtique dra == 6ra indo-europeen. Pour que le mot brittonique fiit un
empr ant latin, il faudrait supposer qa*il est d*origine savante, ce qai est
invraisemblable poar un terme de cette nature, commun aux trois groupes.
Tas est emprunte, mais le vieil arm. das^ plur. desi, pent par- faitement
remonter k un vieux-celtique dansu-s = indo-europ. *dnsii'S : of. densus,
J«<rv-ff.
Les trois mots les plus interessants de cette categoric sont : le gallois
j)rt^a/c/^ epervier, faucon; le gall, eog saumon; arm. moy. eeuq; le gall, et
arm. caer, ayant anciennement partout le sens de remparts et ville forte.
Thurneysen (1), suivant Diefenbach, regarde le gall, gwalch comme Tequivalent
de ffaleh^ et par consequent, comme emprunte, Ffalch serait devenu gwalch
sous Tinfluence de Tanglo-saxon wealh'^hafoc (wftlscher habicht). Outre qu*il
est assez difficile de comprendre comment un mot comme wealh gallois, aurait
pu in- fluencer un mot coxnme ffalch faucon; le mot gwalch parait abs(da-
ment indigene : il entre dans le cei^bre nom propre Owalch-mai, arm.
Gwalchmoei : on le retrouve dans une inscription chretienne du Devonshire :
Valci fili V...aius. Cette inscription est du VII*- VllPsiksles {Inscr. Brit.
Christ, y 30). Gwalch me paraft n'avoir rien de commun avec falco. Je ne
serais pas tr&s eioigne de sup-
(1) Keltorom,^ p. 69.
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 95
poser que le wealh anglo-saxon ne soit plut&t une fausse inter- pretation
du guoalch gallois, qui se pronongait avant le IX* si^le walch. II est fort
possibFe, en outre, que le gallois gwalc'h ait design^ une vari^t^
d*oiseauit, et falco une autre, et qu*une certaine ressemblance de sons ait
anient la confusion.
Eog^ parfois en moyen-gall. ehawc, arm. eeuq remontent k un vieux celtique
*esdC', et ne peuvent etre empruntfe k un latin esoc'' : Ys intervocalique
fut resti ; de plus p serait devenu u : on aurait eu esuc. II parait certain,
comme Ta soutenu r^mment M. Schuchardt, que le mot latin est eraprunte au
celtique. L*^ simple interTOcalique prouv^ par le celtique, fut devenu r en
latin. Le mot etant emprunt^au celtique, une conclusion s'impose, c'est que
Vo indo-europ^en accentu^ n^^tait pas encore k T^poque de Temprunt par le
latin, devenu a sur tout le territoire celtique, ou que ce trait
n*appartenait pas k toute la famille.
Remarquons en passant que le saumon parait avdr joni un grand r&Ie dans
les preoccupations des Bretons. II n*y a pas moins de ireize iioms, en gallois,
pour le designer, et chacun de ces termes le caracterise aux dififerents
stages de son develop- pement (Silv. Ev., Welsh-engl. diet, k adfwlch; cf.
EngL welsh diet, k salmon). Le saumon joue aussi un rdle dans les Mabinog.
(J. Loth, Mabin., I, 264-266).
Le gall, eaer, v. -gall, oair, arm. caer, pr^sente de plus graves
difficult^s. Le gallois eaer traduit sans aucun doute, castra; aujourd*hui
encore Caer d^signe la ville de Chester \ Caer^Lleon = Castra Legionum.
Castra aurait pass6 par easra^ pour arriver k cair. Mais, d*un autre cdte, un
certain nombre d*emprunts latins nous montrent ^str conserve : gall, castr
penis equinus, arm. castr dans castr ejenn nerf de boBuf; arm. et corn, estr,
v. -arm. estr =ostrea; gall, trawst pour trawstr, arm. treust = trd{n)strum.
Ces mots remontent evidemment k T^poque de Tunite. II faut done en conclure
que caer n*est pas emprunte au latin eastra. Caer etait casra a repoque oil
les Bretons ont fait connaissance avec castra.
■ ..r.!ji.. ..
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96 LES MOTS LATINS
Les deux formes etant trfes voisines, et le sens identique, il n'y a rien
d'etonnant, k ce qu'on ait confondu offioiellement les deux, mais la forme
celtique a continue son Evolution ind^pen- damment de la forme latine,
Celle-ci, la forme officielle, a pu etre empruntee par les Anglo-Saxons
{ceastir, Chester), D'ailleurs, il est possible que ces derniers aient
remplace tout simplement le groupe ~sr~ par str (1).
C'est quelquefois la forme classique et non la forme courante qui a p6nstr6
en brittonique : gall, et divm.poni suppose pontem et non pons, pontem. Le
gallois a pr6fer6 la forme vulgaire lltterae (llyihyr) k la forme classique
lltterae adoptee par Tar- moricain [lizer).
(1) Le brittonique n'a aucune antipathie pour le groupe str. : Cf. v.-arm.
strouis gl. stravi. De mSme pour -stl- : gwestl gage = ^gheistlo- et
noTigeislo', autrement on eClt eu gwell : Cf. coll =: coslo- coudrier ; gall,
pwylly arm. ;poell intelligence = qei^la.
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 97
CHAPITRE SECOND
Vocalisme des emprunts latins.
§ 1. — Infection vocalique.
L'infection vocalique, pour employer Texpression consacree parmi les
celtisants depuis Zeuss, est Taction exerc6e : P par un f final quelle que
soit son origine ou un ; {yod) final avant sa disparition sur les voyelles
brdves des syllabes prec^dentes; 2** par un a final celtique ou un d final
latin avant leur disparition sur un i oxxunu de la syllabe pr6c6dente ; 3°
par un ^ long con- serve dans rint^rieur du mot sur la voyelle brfeve {d, o,
u) de la syllabe pr^cedente ; 4® par un ^ conserve dans Tint^rieur du mot sur
la voyelle de la syllabe pr^c^dente, g^n^ralement d.
Les deux premiers phenorafenes non seulement sont communs aux trois groupes
brittoniques, mais ont produit les memes efiets, au moins dans le principe.
Le troisifeme n'a atteint d'abord que a quelle que soit sa provenance, que ce
soit un d bref primitif ou g reduit. II a atteint ensuite k une 6poque assez
r^cente, en moyen- gallois et moyen-arm., o, w. Le quatrifeme est propre au
gallois. Le premier, de beaucoup le plus important, le second n'ayant gufere
qu'un efi'et d*assimilation sur ^ et u bref, est, cela va sans dire,
ant^rieur k la chute des voyelles longues finales, mais pos- terieur k la
chute des voyelles brfeves finales (1). II en est de meme du second. Ce qui a
ete dit plus haut d'^ final (pp. 75-76) s'applique h, a final. De meme que l
final produit un efiet sur la voyelle de la syllabe prteedente non point en
tant que voyelle longue, mais parce qu'au moment ou s'est produite Tinfection
vocalique, le seul i existant ^tait le substitut d'^ long ancien,
(1) Cf. Ebel, JBeitrdge, II, p. 476.
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98 LES MOTS LATINS
I ayant disparu, de meme, Vct long celtique ne doit son pouvoir
qu*indirecteraent k sa quantity : le seul a existant au moment de Tinfection,
stait le substitut d'<2; d final ^tait tomb6 ou k peu prfes complfetement
efiac^. La decoloration des finales a du cora- mencer de trfes bonne heure,
car d bref latin a produit les memes efiets qu'« long final celtique et a
partage ses destinies at non celles d'df bref final. \Jd de furcd a change u
en o (gall., corn., arm. forcK), comme Vdie*mucca, pore (gall., corn., arna.,
moch). L'infection par a final n'est plus gufere sensible aujour- d'hui qu'en
gallois. Cette infection consiste, en efiet, danslechan- gement d'un z en e,
d'un u en o : or, dhs le X* sifecle, le cornique et Tarmoricain confondent en
general z ei e,u et o. Si le gallois seul possMe Tinfection par un z (y)
existant dans Tint^rieur du mot; si cet y produit les memes efifets qu'z long
conserve, c'est que seul, le gallois a conserve k Yz un son voisin du son
primitif : nouvelle preuve k Tappui de ce qui a ^te avanc^ plus haut au sujet
de Tinfection par i. Si ^^ en irlandais, ainsi que dans les langues
germaniques, produit Tinfection comme ^long, c'estqu'il existait encore au
moment ou le ph^nomfene de I'infection est entr6 au jeu.
D'aprfes ce qui pr^cfede et les faits apport^s au chap, i, § 2 b) I'infection
vocalique par ^, / et a finals a du se produire au VP-VIP si&cles,
vraisemblablementdfes le VP (1) Les voyelles des mots latins emprunt^s k
T^poque de Tunit^ brittonique y ont pris part.
A. — Infection par ^, / disparus.
Nul doute qu'il n'y ait eu autant de nuances vocaliques diflPS- rentes que de
voyelles infect^es. Mais les textes ne sont pas assez anciens pour qu'il soit
possible de le constater. L'armori-
(1) Aux exemples dej4 cit4s, on peut ajouter Poring dans une inscription
chr^tienne du Ve-VI® sidles Qlnscr. Br. christ.^ n° 131), plus tard Pyr
(conBerv6 dans nuinaron Pyr) ; Vortiporius dans Gildas (^Epistola), au
X" si^cle Chiorthe' pir (^Pir = Pyr^ (^G6rUalog. du X« sUcle^ ap. J. Loth^
Mabinogion, II, p. 806).
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(delwedd B8205)
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DANS LES LANGUES BRITTONIQUES. 99
cain traduit meme uniformement e, d, 6, u infect^es par un e dont le timbre a
ste sans doute autrefois assez vari^. Le gallois montre moins d'uniformit6.
1° % bref. Les emprunts latins ne presentent pas d'exemple d'? infects par I
ou ; final. Le mot leisw ou raieux leisw lessive pr^sente une sorte
d'6penthfese apparente. Lixlva ou Vixlvum a probablement pass^ par les stapes
*li%sivo, *lyisiw, leisw. Us de 'SW- est un s mouille et represente -sjw- :
cf. vannetais lijiw, mais ailleurs g^neralement lisw, lijw (lichou^ lijou),
II est tres probable que Vi de la premiere syllabe avait dej^ en bas-latin la
valeur d'un e : i-l donne en efiet dej^ souvent e-i. Le mot indigfene
Llundain, moy. gall. Llundein, presente quelque chose d'analogue : Llundein =
Lgndinjon, La diphthongue qui se produit devant -n/- pent etre seulement un
mouillement de Vn moins fort toutefois qu'en armoricain, accompagne
d'infection. II est a remarquer, en efifet, que reguliferement la voyelle qui
pr^cfede -n/- est diphthongu6e, ce qui ne se produit pas uni- formement
devant les autres consonnes + / (1).
2*^ e, E bref infecte par I ou ; final devient gen^ralement y^ son k peu pres
identique ki {y) : Ex., escynn =*ascendU. En raonosyllabe et en polysyllabe
suivi d'n ou nt ou d'une dentale, il devient ei, gall. mod. ai : cy faint =
coventio. Dans Tint^- rieur du mot, jo, ja produit une sorte d'^penth&se,
au moins en apparence : teirihawn et teirthiawn, arm. terzien = tertjdna
fifevre tierce et simplement fievre; gall, ceiros et ceirios = ceridsa pour
cerdsja cerise; christawn, arm. christen = christjanus. Le mot llith = lectio
semble avoir suivi une marche analogue k nith niece = niyj-iy neyt-i,
indo-europ. nept-i. On serait tente de supposer une forme lectio, devenu
llctio, puis sous Tinfluence de Yi sorti de la spirante, llctio (cf. brlth =
brzct-; blith lait = bltct-). La forme romane est
(1) Le vieux gallois n'exprime pas avec nettetd ce son : Priten dans les
Genealogies = moy. gall. Prydain = Prttanja ou PrUanja,
\,jjijik
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